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Marvin

Ce fut un vrai sommeil profond et réparateur.

D’ailleurs malgré la violence de mon réveil, il me fallut du temps avant de me souvenir où je me trouvais.

Des gens enfonçaient la porte. J’ai bien dit enfoncé, pas crocheté. La méthode violente consistant à cogner jusqu’à ce que ça cède. La chasse reprenait.

J’étais rodé à présent. Je bondis du lit, et choppais mon sac à dos, et filais par la fenêtre.

Personne ne m’attendait dehors. Ils comptaient trop sur l’effet de surprise ou simplement ils n’étaient pas très prévoyants.

Je jetais regard en arrière afin de m’assurer, qu’ils ne me poursuivent pas.

Visiblement personne ne m’avait repéré. Les intrus étaient toujours à l’intérieur de la maison.

Pourtant j’étais forcément la raison de leur venue. Ils n’avaient pas investi cette maison précise, et ce soir là par hasard.

Au fait qui étaient-ils ? Mes anciens collègues forcément.

A force de m’attendre ils en avaient compris leur erreur, et déduis que Grégory représentait mon unique refuge possible.

Je courus de nouveau du moins autant que l’obscurité me le permettait. Mes forces m’étaient revenus ainsi qu’un peu d’intelligence.

Si Second et ses camarades étaient chez Grégory, alors rien ne m’empêchait de me rendre au village.

Le jour pointait doucement le bout de son nez. J’avais dormi longtemps, ce qui expliquait mon regain d’énergie. Un regard en arrière m’informa, qu’on ne me suivait pas.

Tout allait dans mon sens.

Evidemment ça ne pouvait pas être aussi simple.

Lors de ma première venue ce fameux village m'avait déjà paru étrange. Il consistait en un vague assemblage de maisons en bois sur pilotis afin de compenser l’irrégularité du terrain. Le creux où il se trouvait, lui imposait une semi-obscurité presque toute la journée.

Ce village donnait l’impression d’être une erreur voir une punition. Pourquoi des gens vivaient-ils ici ?

Progressivement il devint une sorte de rêve nébuleux ou plutôt de cauchemar.

Le jour pointait à peine le bout de son nez qu’un volet s’entrouvrit à mon arrivée. Comme si une personne m’avait entendu venir. Une femme se montra et me fixa. Un enfant d’environ huit ans la rejoignit. Lui aussi m’observa.

Je les intriguais. Comme une sorte d’écho une porte s’ouvrit en face. Une autre femme en sortit et me dévora également du regard.

Ils n’étaient pas agressifs juste fascinés. Qu’est-ce qu’ils me voulaient ?

Désorienté je continuais mon chemin sans trop savoir pourquoi. D’autres maisons s’ouvrirent toujours uniquement composés de femmes et d’enfants, toujours à m’examiner silencieusement.

Le shérif ! Je devais m’en tenir à lui. Son logis se situait à l’autre bout juste à la fin de la route reliant cet endroit à la civilisation. Par chance l’autre bout s’atteignait en quelques minutes.

C’était le seul bâtiment à disposer d’un étage. D’après ce que j’avais compris il s’agissait d’une sorte de magasin.

Un shérif. Quel crétin ! Dans ma tête il devait forcément en avoir un. En fait l’établissement servait de bureau de poste et transmettait certaines nouvelles de l’état. En résumé le gérant était ce qui se rapprochait le plus d’une forme d’autorité dans le coin.

Tout en marchant je perçus une sorte d’écho derrière. On me suivait comme si j’étais porteur d’une grande nouvelle, moi le gamin insignifiant.

M’étais-je vraiment réveillé ?

Le petit attroupement se fit rapidement remarquer. Le boutiquier sortit alors. Arborant une grosse moustache, de longues bottes, et une chemise à carreau, il paraissait venir du siècle dernier. A la réflexion ce n’était pas si étonnant, que je l’ai pris pour un shérif.

Les sourcils broussailleux de cet homme sans âge me dissimulèrent sa réaction à ma vue. Après toute cette aventure je ne savais même pas quoi dire.

Puis soudain il se décida à briser cet étrange silence entre nous.

« Bon Dieu petit. Assieds-toi vite. »

Il me guida sur le banc devant sa maison. Le geste était amical et moi désorienté. Par conséquent j’obtempérais.

Quelques femmes formèrent un cercle autour de moi. On me demanda si j’ai faim et soif. Je n’étais pas habitué à ce genre d’égard. Je te laisse deviner à cause de qui.

Je n’essayais même plus de comprendre. Tout était tellement fou.

Les explications vinrent alors à moi. Le faux shérif éleva la voix vers son magasin.

« Venez vite voir ! »

Environ une minute passa avant que la porte s’ouvre. Monsieur Davidson en sortit. J’eus un mouvement de recul avant de réaliser que lui aussi me souriait.

Et le plus dingue était à venir. Derrière lui se tenait Joe !

Enfin se tenait, il s’accrochait plutôt. Il tanguait quelque peu et portait un pansement au niveau du crâne. Les cheveux ébourifés et les vêtements chifonnés. On aurait dit quelqu’un d’autre. Si seulement ça avait pu être le cas.

Lui aussi me souriait chaleureusement.

Face à moi complètement aphasique Joe posa la main sur mon épaule d’un geste amical.

« Alors t’as réussis à t’échapper de la cachette de Grégory. Bien joué. Ce salaud ne voulait rien nous dire. » Me dit-il d’une voix à la fois cordiale et solannelle.

La pression de sa main était bien trop forte comme un signe d’agressivité à mon égard. C’est alors que tout se révéla à moi.

Grégory était le responsable supposé de ma disparition. Et de qui venait cette histoire si ce n’est de Joe.

Ce fumier bouffi d’orgueil ne voulait pas avoir été mis à terre par un gamin. Alors il avait inventé un agresseur m’ayant kidnappé au passage afin d’expliquer mon absence.

Est-ce qu’il attribua le rôle de l’agresseur à Grégory immédiatement ou l’idée lui vint plus tard ?

Et pourquoi Grégory en particulier ?

Pas assez d’inspiration pour inventer de toute pièce une description crédible, l’intuition que j’irais vers lui, ou une simple méchanceté gratuite ?

Tout le reste coulait de source. Les autres étaient les habitants du village auquel Second avait demandé de l’aide. C’est pourquoi les hommes étaient absents du village. Les pauvres étaient entrain de me chercher inutilement.

Si la maison de Grégory avait été inoccupé à mon arrivée et pendant toute la nuit, c’est parce que suite à la délation de Joe, on l’avait séquestré et tenté de lui faire avouer où je me trouvais. Alors que j’étais dans le premier endroit, qui avait été inspecté.

J’appris plus tard que les gens ayant enfoncés la porte ce matin, étaient des villageois. Revenant bredouilles de leur nuit de recherche ils s’étaient soulagés en saccageant la maison du coupable.

Quant à la présence monsieur Davidson et Joe. Ils étaient venu en voiture jusqu’ici afin d’y soigner le blessé. Et j’avais tellement trainé qu’ils étaient arrivés avant moi.

Tous ces gens paniqués, et un innocent accusé, simplement à cause du prestige d’une seule personne. En plus Joe ne comptait pas certainement s’arrêter là. Sa poigne était une menace voilée.

Je n’imaginais même pas que quelqu’un d’aussi mauvais puisse exister.

Evidemment j’avais déjà entendu parler de la guerre, des grands criminels…

Là c’était différent. Joe était en face de moi, si ordinaire, fondu dans le décor. J’aurai tant aimé le dénoncer, montrer sa cruauté, et son égoïsme à la face du monde.

Hélas je butais sur nos statuts respectifs. Lui il s’intégrait parfaitement à l’ambiance dont il était partiellement responsable d’ailleurs.

Moi j’étais le gosse encore sous le choc. Comment mes paroles pouvaient-elles alors avoir la moindre crédibilité ? Surtout si elles dénotaient au milieu de ce tableau idyllique.

Je ne me sentais pas la force d’affronter cela, surtout avec ce que je venais de vivre.

Je décidais de faire comme ces dernières heures : m’échapper.

« Je veux rentrer. » furent les seuls mots que je prononçais.

Ceux-ci s’accordaient à cette réalité factice. Donc on entérina ma demande.

Décidemment j’avais un véritable don pour la fuite.

Et le pire m’attendait. Par le pire je veux dire toi. Joe lui ne me causa plus de problème. Puisque je m’étais tû. Toi tu me regardais à peine. Ce pervers de Grégory m’avait souillé. A présent j’étais une victime, un rebut.

Même si ça avait été vraiment le cas comment pouvais-tu m’en vouloir ? Qu’est-ce qu’un gamin de treize ans aurait pu faire ?

Si je t’ai envoyé cette lettre, c’est pour que tu saches toute la vérité. Je me suis enfuis de la maison uniquement à cause de toi.

Et je m’en tire pas si mal sur les routes. J’y ai compris que tes histoires sur les forts et les faibles ne sont que des vastes conneries. Ce n’est pas une question de force de caractère. Certains se trouvent en meilleures positions que d’autres par hasard ou convention. Le tout est de savoir s’adapter.

C’est pourquoi je finirais jamais comme toi.

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