5

6 minutes de lecture

Marvin

Durant le peu de temps où j’y suis allé, une fois l’école finie je devais rentrer immédiatement.

« Pas question de trainer. »

Combien de fois tu m’as sortis cette phrase ! Elle résume très bien ma jeunesse. Pas le moindre instant de répis. Toujours quelque chose à faire. Même mes rares moments de détentes se faisaient sous ta surveillance ou celle de maman.

Par conséquent j’étais réellement libre pour la première fois sur ce sentier paumé de montagne.

J’en oubliais les raisons de mon déplacement.

Dans ma tête il s’agissait plus que d’une simple ballade. Je sifflotais, cueillais des mûres, et me reposais à l’occasion. Je redevenais un gamin en supposant que j’en fus un par le passé.

A mon avis toute cette pression m'avait un peu fait péter les plombs.

Après avoir pris de la hauteur, je me décidais à admirer la vue. Je n’avais vraiment rien d’autre à faire !

Dommage que tu n’es pas été là pour me remettre les idées en place avec une de tes mémorables baffes.

En fait non parce qu’en regardant en bas j'aperçus des silhouettes entrain de monter à partir du même chemin que le mien.

Le gamin rêveur s'éclipsa immédiatement au profit du fugitif à l’affut. S'en était incroyable.

C’est donc plein de viritilité que je me suis d’abord jeté dans les buissons en espérant ne pas avoir été vu. Il s’agissait probablement d’employés de monsieur Davidson. Les possibilités demeuraient si limitées.

Tout comme après avoir frappé Joe, je me suis mis à penser dans toutes les directions. Et s’ils m’avaient vu eux aussi. Je devais fuir. Mais où ? Le village. Il me faudrait suivre de nouveau le chemin et donc être à découvert. Ils me rattraperaient voir m’abattraient. Sinon il y avait d’un coté une pente abrupte et de l’autre une falaise impraticable.

Non le mieux était de rester cacher en espérant ne pas avoir été repéré. Et mes traces de pas !

C’est alors qu’il m’est venu une véritable réflexion. Je me demande bien à qui je la dois. Tu ne m’as jamais poussé à prendre la moindre initiative, juste à suivre attentivement les consignes.

Comme j’avais bondis dans les fourrés mes traces s’arrêtaient au milieu du chemin. Alors je suis repartis en arrière en passant par la végétation. Ainsi je les semais.

Le tout était de ne pas se faire repérer lors de leur passage.

Cette peur que tu méprisais tellement revint m’aider. Elle me permit d’être totalement immobile le temps qu’ils arrivent.

De mon emplacement je perçus d’abord des bruits de pas. D’une certaine manière je fus soulagé. Cette attente était une vraie torture.

Le rythme était soutenu. Ils couraient presque. Je me suis tout de suite imaginé le pire. Ils me savaient à proximité et voulaient en finir au plus vite.

Au lieu de fuir j’ai agis comme un enfant apeuré, qui espère que les choses vont s’arranger toutes seules. Bref j’ai persisté dans l’immobilité.

A partir des branchages je vis en tête Second. Un détail me frappa ou plutôt m’illumina. Il portait le fameux fusil en bandoulière. S’il savait sa proie toute proche, son arme serait dans ses mains prête à servir.

Ce fut comme un rêve de voir Second et ses deux complices me dépasser. Effectivement les choses s'étaient bien arrangées toutes seules.

A présent je me rends compte de ma bêtise. Comme auraient-ils pu me suivre sur une si longue distance ? L'art du pistage ne s'aquiert pas facilement. Et aucun chasseur expérimenté ne comptait parmi eux ?

Euphorique j’osais même sortir la tête de ma cachette pour les regarder partir.

Je les avais baisé. Il ne me restait plus qu’à....

Mon triomphe venait de s’envoler. Le groupe de Second me coupait désormais le chemin vers le village.

Ce coup dur aurait dû me démolir. Curieusement ce ne fut pas le cas. Peut-être parce que j’étais trop près du but pour renoncer ? A moins que se soit l’instinct de survie ou l’émergence d’une forme de courage ?

Je te laisse choisir. Moi je n’ai toujours pas trouvé.

A l’instar d’un animal acculé je me suis mis à résister au lieu de fuir.

J’étais derrière eux et disposais d’un couteau. De leur coté ils n’étaient que trois, et ne me cherchaient pas vraiment ces imbéciles.

Dans mon délire guerrier se trouvait une vérité. Une fois un peu calmé elle me sauta aux yeux.

Effectivement ils ne me traquaient pas. C’était évident en y repensant. On prenait son temps lors d’une chasse. On observait. On guettait.

Alors qu'est-ce que Second faisait-il ? Là encore il s'agissait d'une évidence. Il me devançait.

Je ne disposais que d'un refuge potentiel dans les environs : le village.

Malgré cette nouvelle mon envie de lutte ne m’avait pas quitté.

En enfilant mes vêtements de rechange et en me coupant les cheveux à l’aide de mon couteau, je pourrais m’introduire dans le village ni vu ni connu. Je n’avais qu’à revenir sur mes pas et me rendre au campement. Personne ne m’y chercherait. Je me cachais dans un grotte ou en haut d’un arbre.

Je suis resté longtemps à enchainer les plans foireux alors qu’une solution réelle subsistait. Je crois qu’inconsciemment, je retardais cette décision. Tout simplement parce qu’il y persistait une part d’incertitude.

Tous ces dangers, toute cette pression auxquels j’avais finis par faire face, ne m’empêchaient pas d’être toujours un pauvre gosse.

Quitte à te décevoir lorsque je me suis remis en route, je ne faisais pas couragement face à la situation.

C’était comme quand j’attendais sagement tes punitions. Je ne prenais pas mes responsablités. Il s’agissait juste de résignation. Où aurais-je pu fuir ? Qui m’aurait aidé ?

Le village était si proche désormais. L’envie de m’y introduire me démangea un peu. Au moins toute cette histoire serait finie.

J'ai donc suivi la même déviation que ce matin et la maison de Grégory finit par apparaitre.

En remarquant le soleil faiblir, je réalisais l’effort fournit. Ma propre résistance me surprenait.

Le grand moment était arrivé. Comment Grégory allait-il m’accueillir ?

Je n’avais même pas prévu de prétexte à ma venue. Qu’importe j’improviserais. Après tout un lent devait être facile à embobiner.

Voilà que j’en devenais cruel. Tu es content, je suppose. Au moins cette attitude était virile.

La suite par contre va te déplaire.

Une grande inspiration, un coup sec sur la porte, et…rien. Une nouvelle tentative ne donna toujours rien. Une autre non plus.

Alors j’ai appelé, puis crié. Toujours rien.

Enfin j’ai songé à regarder par la fenêtre. L’intérieur était désert. C’est là que mon esprit a craqué.

Je fis le tour de la maison dans l’intention regarder par l’arrière. Quelle connerie ! Cette bâtisse ne disposait que d’une seule pièce.

La réaction normale aurait consisté à attendre caché le retour de Grégory. Le genre de raisonnement que bien calé dans son fauteuil on reproche au héros de son livre de ne pas avoir.

Moi mes pieds me relançaient sans cesse, des questions terribles s’entrechoquaient dans ma tête, et mon estomac se plaignait lui aussi.

Mon instinct prit les commandes, et me dicta trois mots : sécurité, repos, et nourriture. Rien d’autre n’existait. Je balançais une pierre dans un des carreaux à l’arrière et ouvrais une fenêtre.

Une fois à l’intérieur je me ruais sur la marmite. Elle était vide. Je me reportais sur l’armoire. En bas il y trainait un saucisson. J’y mordis directement.

« Grégory comprendra. C’est mon ami. » Me recassais-je tout en m’empiffrant.

Au prix de quelques hauts le cœur causés par mon empressement, je repris des forces, toutefois pas suffisamment.

Il fallait que je m’allonge un peu. La lumière du jour était entrain de disparaitre. Plus de chaleur, rassasié, personne en mesure de me repérer, et confortablement installé, qu’est-ce que j’étais bien.

Je pris enfin un peu recul. Comment avais-je pu en arriver là ?

C’est là que j’ai pensé à toi. Après tout tu étais le responsable de ma présence parmi ces criminels. Au fait pourquoi toi le grand moraliste tu m’avais envoyé chez eux ?

Ce n’était pas l’ouvrage, qui manquait ne serait-ce qu’avec les mines.

En bon fils soumis je ne m’étais jamais posé la question . Seulement j’en avais trop vu pour l’être encore.

Mes connaissances sur le trafic d’alcool se limitait à deux points : l’illégalité et la rentabilité.

L’argent ! C’était là l’explication. Monsieur Davidson t’avait filé bien plus que n’importe quel autre employeur.

Comme c’était minable de ta part.

Je ressentis cette découverte comme une sorte de revanche, une sensation très agréable. Cette satisfaction augmenta mon relâchement. Sans que je m’en rende compte, je m’endormis.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Jules Famas ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0