Chapitre 41

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L’après-midi a été éprouvante. Même, éprouvante est un mot faible, alors que l’on a passé tout notre temps à crapahuter dans des chemins de plus en plus pentus, et que malgré les nombreuses balises on a réussi à se perdre, ce qui a causé un détour de plus d’une heure pendant lequel l’ambiance s’est très sérieusement refroidie, chacun reprochant aux autres l’erreur d’orientation. Max, dont la mauvaise foi est incomparable à la mienne alors que je me considère déjà comme un expert dans le domaine, a particulièrement pesté pendant une bonne demi-heure contre tout le monde, avant que Malik, qui déteste entendre râler, ne l’envoie paître. Heureusement, son humeur, et la notre au passage, s’est considérablement améliorée quand on a retrouvé le bon chemin. En arrivant à la fin du parcours, l’ambiance était revenue à la rigolade comme en début d’après-midi.

Quand on arrive enfin à la dernière balise, où nous attendent certains de nos camarades avec Renaud, il fait déjà sombre et l’on s’assoit à même le sol avec un soupir de soulagement. Pendant quelques instants, je reste là à attendre que les fourmis dans mes jambes se passent.

Malgré notre petit détour imprévu, nous ne sommes pas les derniers et il manque encore plusieurs groupes. J’ai un petit pincement d’inquiétude en voyant qu’Enzo n’est pas encore là. Je sais qu’Anne a dit qu’elle ne nous lâchait pas des yeux, mais sachant qu’on a réussi à se perdre pendant plus d’une heure sans qu’un des encadrants ne viennent nous voir, ça me rassure moyennement.

Mais il arrive, avec le reste de son groupe, à peine dix minutes plus tard. Contrairement à à peu près tout le monde, lui n’a pas l’air au bord de l’épuisement – l’air d’un gars normal après une randonnée d’une journée. Non, ses vêtements sont toujours aussi bien lisses, ses cheveux toujours faussement indisciplinés.

- Ça va ?

Je sursaute. Malik vient de s’asseoir à côté de moi.

- Qu’est ce que tu as à les regarder comme ça ? Poursuit-il. Il y a un problème avec les Saint-Thomas ?

- Euh… Non. Non, pas que je sache.

Il hoche la tête.

- Tant mieux. J’espère que ça durera, ce temps de paix avec les autres.

- À qui le dis-tu.

On discute un instant de choses et d’autres.

- J’espère que tu n’a pas trop vexé Max tout à l’heure en l’envoyant bouler, dis-je en rigolant.

Il hausse les épaules.

- Ce n’est pas très grave, ça ne lui fait pas de mal de se faire rabrouer un peu de temps en temps.

Je prends un air surpris : il est rare que Malik sorte de son calme imperturbable.

- Ça ne te ferait pas de mal de le faire aussi de temps en temps, d’ailleurs.

- De me faire rabrouer ? Je m’étonne.

- Non, rit-il. D’envoyer bouler Max. T’es toujours en train d’essayer d’arranger les choses, de le laisser mal te parler juste pour ne pas prendre le risque de le fâcher. Comme tout à l’heure, d’ailleurs, quand il parlait de la soirée de Saint-Valentin.

Je garde le silence un instant. c’est vrai que, particulièrement dernièrement, j’essaie le plus possible d’arrondir les angles avec Max. ça, et le fait que j’évite tout sujet qui a trait de près ou de loin à ma vie amoureuse.

- Je sais, dis-je, mais depuis quelques temps c’est pas toujours facile avec Max, alors si je peux éviter qu’il ne se braque encore plus…

- Je comprends, mais ce n’est pas une raison pour le laisser faire. Surtout que tu lui as déjà dit à plusieurs reprises que tu ne voulais pas qu’il te charrie sur ta relation avec Sarah. En plus, ça se voyait que tu étais déjà mal à l’aise avec les questions de Thibaut.

- Ah bon ?

- Bah, un peu, ouais… Enfin, ce n’est pas la faute de Thibaut, tu sais comment il est…

- Oui, je sais, je ne lui en veux pas. C’est juste qu’avec Sarah, c’est un peu compliqué…

Je réfléchis un instant. Est-ce que je devrai en parler avec Malik ? Après tout, ça fait un moment qu’il me tend des perches pour que je me confie à lui. Et puis, je ne suis pas obligé de lui parler de tout.

- Je pense que je vais quitter Sarah.

Il ne dit rien, attendant visiblement que je continue. Ne sachant pas trop quoi dire de plus, j’ajoute :

- Je suis désolé.

Il rigole :

- Pourquoi tu es désolé ?

- Je ne sais pas, je croyais que tu aimais bien Sarah ?

- Oui, je l’aime bien, mais ce n’est pas une raison pour que tu restes avec si ça ne va plus. Ce qui compte, c’est ce que toi tu veux. De toute façon, ça se voyait que ça n’allait plus trop entre vous, il était temps que ça se termine. C’est mieux pour vous deux.

On reste silencieux un instant.

- C’est pour ça que tu étais bizarre depuis quelques temps ?

- En partie, ouais. J’avoue que ça me soulage un peu d’avoir pris la décision.

- Ça se voit.

- Comment ça ?

- Hum, je ne sais pas trop comment dire. On en parlait avec Thibaut, et depuis deux-trois jours, on te trouve plus… joyeux, je dirais.

Je ne sais pas quoi ajouter après ça. De toute façon, il est temps qu’on parte puisque tous les groupes sont maintenant revenus et qu’il faut qu’on rejoigne le bus. On se relève difficilement, courbaturés par la longue marche. Malik se tourne vers moi, un peu gêné.

- En tout cas, dit-il d’un ton maladroit, même si j’aimais bien Sarah et qu’on ne la verra peut-être quasiment plus, je t’aime bien toi. Enfin, je veux dire, je t’aime plus. Genre, t’es un de mes meilleurs amis.

Il passe sa main dans ses cheveux et ajoute :

- C’était la déclaration d’amitié la plus pourrie du monde, non ?

Je rigole :

- Tu manques un peu de pratique je dirais. Mais l’intention me touche, hein !

- Tant mieux, parce que c’est le mieux que tu auras ! Allez viens, avant que le bus ne parte sans nous.

Je le suis pour rejoindre nos camarades.

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