Chapitre 8

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- Quel film ce soir ? Demande Thibaut.
Celui-ci vient de passer la porte de ma maison Mes parents sont partis avec ma sœur pour le week-end, mon frère est sorti : j’ai la maison pour nous. Thibaut nous amène également le graal : des pizzas du restaurant italien de ses parents, fournisseurs officiels de nos soirées. Autant dire que nous sommes plus que ravis de le voir.
- On a qu’à regarder le dernier Avenger, propose Max.
- Veto, objecte Margot.
- Non ! Pourquoi ?
- Une série de quinze films sans qu’un seul des personnages principaux ne soit pas un homme, pas blanc ou pas hétéro, non merci.

Max soupire. C’est comme ça dans nos soirées, chacun a un droit de veto. Autant dire que les choix peuvent être très longs.
- Un Harry Potter alors ? Avance Malik.
Margot secoue la tête.
- Même problème, même réponse.
- Ah non, s’écrie Max, tu n’as pas le droit de souiller Harry Potter !
J’interviens pour que la discussion ne tourne pas en un énième débat – ça m’attristerait beaucoup de ne pas pouvoir manger ces pizzas rapidement.
- De toute façon, on les a déjà vus mille fois ! On n’a qu’à faire un jeu.
La solution semble convenir. En ces temps sombres, il est bon de savoir que l’on peut toujours compter sur Mario pour réconcilier tout le monde.

La soirée se poursuit tranquillement, entre éclats de rire et éclats de voix – certaines rumeurs prétendent que je suis mauvais perdant. Les pizzas sont finies depuis longtemps, et nous restons là, avachis autour de la table basse du salon, à refaire le monde et à partager les potins. Margot nous raconte son dernier flirt, avec, je cite, un première « au QI d’huître ».
- Bref, ce n’est pas une histoire très glorieuse, conclue-t-elle. Et si on changeait de sujet ?
- Ouais, on n’a pas fini notre conversation de cette après-midi, Lucas ! Me dit Thibaut.
Avant que je n’ai pu lui demander de se taire, Max enchaîne :
- C’est vrai, il faut quand même qu’on parle du fait que Max est un être asexuel !
Ils rigolent tous les deux et j’en reste bouche bée. Il y a juste quelques heures de ça, Max m’a dit avoir compris que ça me soûlait qu’il parle de ma sexualité comme ça, et là il remet ça.

- Max putain, qu’est-ce que tu ne comprends pas quand je te dis que je ne veux pas en parler ?
- Hé mec, je dis ça pour toi ! Ça me rend triste de savoir que tu n’aimes pas baiser, alors que c’est quand même la meilleure chose au monde, hein les mecs ?
Les gars ont un rire gras. Parfois, je me dis que Margot a raison : les hommes sont vraiment tous des abrutis. Je proteste :
- Ce n’est pas ce que j’ai dit !
- Alors tu es satisfait de tes relations sexuelles ?
J’ouvre la bouche mais je ne sais pas trop quoi dire, en partie parce que ça me met mal à l’aise de parler de ça, même au milieu de mes potes. Margot me sauve.
- Lucas, t’es pas obligé de répondre si t’en n’as pas envie. Et toi, ajoute-t-elle en se tournant vers Max, arrête de te comporter comme un abruti.
- Mais c’est pour l’aider ! Franchement, n’importe quel gars normal de notre âge ne rêve que de coucher avec une fille !
Je me lève d’un bond.
- Désolé de ne pas être assez normal pour toi, dis-je de ma voix la plus froide, avant de quitter le salon et de monter à ma chambre.

Cinq minutes plus tard, je suis assis en tailleur sur mon lit et je fulmine. Je ne sais pas vraiment pourquoi j’ai réagi aussi mal. Max a toujours été très lourd, et m’a toujours chambré là-dessus – sur les filles avec qui je suis sorti sans essayer de les peloter, sur ma virginité perdue trop tard à son goût… – mais dernièrement, j’ai de plus en plus de mal à supporter ses petites remarques.
Des petits coups sont tapés à ma porte. Sans que je n’ai répondu, elle s’ouvre et laisse passer une tête encadrée de cheveux bruns.
- Je peux entrer ? Me demande Margot.
J’acquiesce et elle vient s’asseoir en silence à côté de moi.
- Je suis désolé d’avoir gâché la soirée, dis-je.
- Ce n’est pas toi, c’est Max qui est lourd. Ça ne lui fait pas de mal de se faire envoyer paître de temps en temps.

Elle reste silencieuse un instant pendant que je joue avec les franges de mon oreiller.
- Tu penses qu’il a raison ? Je lui demande.
- Sur quoi ?
- Que je ne suis pas… normal. Tu sais, pour ne pas penser tout le temps au sexe et tout ça.
Elle pousse un soupir agacé.
- Mon chat, on va reprendre : d’abord, la normalité, ça ne veut rien dire, il y a autant de façons d’être que de gens sur Terre, et autant de sexualités. Ce qu’il faut, c’est juste trouver celle qui te correspond, à toi et à toi seul. Et ensuite, si être « normal » c’est se comporter comme un homme et envisager toutes les femmes comme des objets sexuels, alors j’espère bien que tu ne le sois pas !
Je souris. Margot sait toujours me remonter le moral.

- Tu veux en parler ? Me demande-t-elle.
- Je… je ne sais pas vraiment quoi dire. Je veux dire, quand on couche ensemble, avec Sarah, c’est cool, mais quand on ne le fait pas, ben, ça ne me manque pas particulièrement non plus. C’est sympa à faire, mais c’est pas non plus une expérience mystique, avec des frissons dans tout le corps et des papillons dans le ventre comme ce qu’on voit dans les livres.
Elle réfléchit quelques instants avant de me répondre.

- Ne te vexe pas, mais peut-être que ça vient de la personne avec qui tu le fais, peut-être que…
- Je sais ce que tu vas dire, je la coupe. Je sais que tu n’apprécies pas vraiment Sarah.
- Ce n’est pas ce que j’allais dire. Enfin, c’est vrai que je ne trouves pas que ce soit une personne intéressante, mais ce n’est pas ça qui empêche d’avoir des relations sexuelles, hein ! Ça m'est aussi arrivé de coucher avec des gars qui étaient qui étaient très loin d’être des lumières ! Je dirai même que c’est la norme quand tu couches avec des mecs, rajoute-t-elle en riant.
Je souris. Margot a des avis très tranchés sur les hommes.
- Mais bref, c’est pas le sujet. Ce que je voulais dire, c’est : comment c’était avec tes anciennes copines ?
Je réfléchis quelques instants.

- Globalement assez semblable. Parfois un peu mieux, parfois un peu moins bien, mais jamais rien d’extraordinaire.
Elle pince les lèvres et me regarde intensément.
- Quoi ?
Elle ouvre la bouche pour parler, puis la referme, semble hésiter à trouver ses mots. Finalement, elle renonce à ce qu’elle voulait me dire :
- Rien. Ce que je dis n’est pas toujours vrai, et je n’ai pas envie de me tromper là-dessus.
Je n’insiste pas : avec Margot, je sais que c’est inutile de vouloir lui tirer les vers du nez.
- Mais, ajoute-t-elle en se rapprochant de moi, je veux que tu saches que quoi qu’il arrive, je suis toujours là et tu peux toujours parler avec moi, Ok ? Et t’es pas quelqu’un de normal, t’es quelqu’un de génial.
J’acquiesce en souriant. Cette fille devrait vraiment devenir coach de vie, elle ferait un carton.
- Et en attendant, ajoute-t-elle en se redressant, on va aller dormir, parce que tu as promis de venir faire du shopping avec moi demain et qu’il est hors de question qu’on me voit avec un type dont les cernes lui arrivent aux genoux, compris ?

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