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Si les sentiments se commandaient, ça se saurait, non ? Je le sais, il est pas malin, Steve, un peu loser, pas mal aveugle, toujours à la limite de tout, mais c’est un gars gentil au fond. Et émouvant. Je l’aime, c’est aussi simple que ça.

Noël dernier : Six mois de taule et deux incisives dans la nature pour ne pas s’être arrêté lors d’un contrôle routier. Monsieur était en train de faire le kéké sur un scooter volé, sans casque, du shit dans les poches – carton plein. Sur la roue arrière peut-être, ou en slalom. Moins discret que lui, tu meurs. Le gendarme qui a levé le bras a voulu s’interposer pour stopper le scooter et son conducteur. Steve a réfléchi à sa façon, rentré la tête dans les épaules, tourné la poignée des gaz, tenté de forcer le passage et heurté l’autre gendarme. Zigzags, coups de freins, le bleu se ramasse en arrière. Le scooter se couche et les incisives de mon homme mordent le goudron.

Joyeux Noël.

Le tribunal correctionnel a transformé le sursis qui courait depuis quelques mois pour trafic de stupéfiants, en prison ferme. Par bonheur, le gendarme, légèrement blessé, n’a pas porté plainte. Je suis allée le remercier, un gars bien.

J’ai continué à voir Steve à la maison d’arrêt. Là-bas, il s’est fait casser la gueule deux ou trois fois – le bizutage –, s’est mis à la muscu et aux airs butés, a lié des amitiés avec des types pas nets. La prison, quoi.

De mon côté, j’ai tenté de me raisonner. Ma famille a profité de l’aubaine pour en mettre une seconde couche. C’est pas que je la comprenne pas...

Pour me désennuyer, je suis sorti avec deux garçons, tout en ne jurant pas ma fidélité à mon homme en prison. Il pestait, fais pas ça ma chérie, s’il te plaît. Je peux pas t’attendre tout le temps j’ai gueulé un jour au parloir.

Les deux garçons m’ont très rapidement ennuyée par leurs convenances, leur besoin de sécurité. Le premier, vite oublié. Pour le deuxième, ça a un peu traîné. Il faut dire qu’il représentait pour mes parents le beau-fils parfait, beau, intelligent, réfléchi, cultivé. Emmerdant à mourir. Pas une seule fois j’ai réussi à m’engueuler, tout glissait sur lui.

Où se situe l’intérêt de s’insulter en couple, de se pourrir jusqu’à se faire du mal, me demande-t-on ? J’en sais rien, je ne me sens en vie que comme ça, j’aime les retrouvailles, les rabibochages. Je n’apprécie le miel qu’après le feu du piment.

(...)

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