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À sa sortie de prison, Steve avait gagné du muscle et changé de regard. D’ambitions aussi. Il ne voulait plus de la petite frappe qu’il avait été, son business allait devenir sérieux. Du côté sombre, bien entendu.

La cocaïne rapportait bien davantage que le shit et ne demandait pas plus de boulot, avait-il appris derrière les barreaux. Il ne lui fallut pas plus d’un mois pour vérifier les enseignements de ses maîtres. Il achetait la poudre au kilo, la fourguait à des revendeurs, mettait le nez dedans plus qu’avant. Pas moi. Moi, toujours clean et fidèle à mon emploi de vendeuse de fringues pas chères et pas en rapport avec ma licence de Lettres Modernes.

Comme dans le passé, j’admirais mon homme, je l’engueulais, le frappais et le consolais. Tout en même temps, en plus fort.

La première fois qu’il est revenu taché du sang d’un autre, j’ai pas posé de questions. J’ai récuré son cran d’arrêt à la javel, ses fringues à 90 degrés. Caressé ses ecchymoses puis versé dans la pornographie no limits, ce sang m’avait donné envie de cul. Ça s’est reproduit, j’avais peur et c’était bon. Un matin avant de partir au boulot, j’ai trouvé un flingue dans son blouson.

C’est plus tard qu’il m’a dit « J’ai pas d’autres solutions ma chérie, sinon tu penses bien que je t’aurais jamais demandé ça. C’est du tout cuit. Quand j'aurai fait mes preuves, promis je te demanderai plus.»

J’avais refusé, hurlé, menacé de me barrer, Steve avait juré ses grands dieux que c’était la première et la dernière fois. J’avais gueulé un non définitif et irrévocable, puis j’avais dit oui. Mon premier faux pas.

On avait filé le directeur de la banque, pris des photos de sa petite famille, imprimé tout ça et placé les clichés dans mon sac. Pour les fourrer sous le nez du gars, faire pression le jour J en somme, en cas de pépin. Pendant deux semaines, Steve avait vécu ses journées dans une camionnette empruntée, se nourrissant de sandwiches au jambon, avachi sur un vieux matelas qui puait le chien. Il avait percé un petit trou dans la carrosserie, par où il observait les allées et venues du personnel, retraçant chaque emploi du temps. Un soir, il avait balancé des grands coups de pompe dans la grille du bâtiment jusqu’à déclencher l’alarme, pour voir combien de temps mettraient les flics à se radiner.

Trois semaines plus tard, nous étions fin prêts. « Du gâteau, ma chérie. »

Tu parles. J’ai beau savoir, dès que Steve plante ses yeux bleus dans les miens, je crois tout.

Mais là, quand je vois sur le lino de la BNP la mare que dessine son sang sous son corps, je crois plus à rien, je m’affole. Faut me comprendre. Je lâche tout, flingue et sac, je me jette sur lui et canardez tant que vous voulez. Il est con, il est peut-être mort et moi aussi, mais je l’aime toujours plus fort.

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