Chapitre 15

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Ecrit en écoutant notamment : Vortek's – No Karma

La dernière étape du trajet se fait à bord d’un bus qui nous emmène jusqu’à l’auberge réservée pour la nuit à venir. Fort heureusement pour ma tranquillité, Daniel et moi occuperons une chambre seulement tous les deux. Nos minets seront répartis dans deux autres piaules de quatre. J’ai l’impression de revivre mes voyages scolaires du collège et du lycée tant ça parlemente entre eux pour diviser le groupe. Ils ont pourtant l’air de tous s’entendre, il n’y a pas de véritables clans qui s’opposeraient.

  • Rendez-vous sur le parking d’ici une demi-heure ! lance Daniel alors qu’ils se dispersent déjà.

Décidément, c’est vraiment ça, on jurerait que Daniel est un pauvre prof qui essaye de gérer tant bien que mal une classe hors de contrôle.

***

Nous marchons quelques minutes à travers le port et sa zone industrielle ; très différent de l’image de carte postale de la Cité Corsaire. Enfin, nous arrivons devant le château de la Duchesse Anne, juste à l’entrée de la vieille ville. Nous y pénétrons par un chemin pavé qui se glisse sous deux arches taillées dans les remparts. Les rues sont ici bien plus étroites et le peu de lumière qui filtre donne une soudaine impression de fraîcheur. Je me doute que l’endroit doit être encore plus fréquenté en été, mais en ces vacances de la Toussaint, les touristes sont de sortie. Les gérants des innombrables boutiques de souvenirs, librairies et même glaciers doivent s’en frotter les mains.

Pour nous, au contraire, le but de la visite n’est pas uniquement touristique. C’est déjà le cas pour Dimitri et Kenzo, qui doivent filmer des plans pour compléter leur tournage de mercredi passé. Apparemment, l’intro de leur scène se veut romantique et doit montrer les deux jeunes hommes se tenir la main dans les rues de la ville.

Ils ont tous les deux enfilé une marinière pour encore mieux s'intégrer à l’ambiance maritime. Il n’y a pas mieux pour accentuer l’air d’ange démoniaque de Dimitri ! Il a l'air tout mignon, mais l’ayant vu dans le plus simple appareil il y a quelques jours, je connais les trésors que cachent ces vêtements. Je devine des formes intéressantes sur le haut de son pantalon et me plais à imaginer que le simple contact avec Kenzo puisse déjà l’exciter. Ils filment de nombreux plans dans les rues, tantôt s’enlaçant derrière le dos, parfois avec une main baladeuse sur les fesses de l’autre…

Je suis prêt à défaillir lorsque, parvenus devant les façades sculptées de la cathédrale Saint-Vincent, le cadreur vient capturer un baiser entre les deux. J’aimerais tellement être à la place de Kenzo, en train de goûter aux lèvres de Dimitri ! Et puis, du peu que je le connais, son caractère me plaît bien. Il paraît posé et réfléchi, ce qui contraste avec la plupart des autres acteurs. C’est ce qui m’attire encore plus depuis que je l’ai rencontré dans la vraie vie.

***

  • Quartier libre jusqu’à vingt heures ! Faites juste en sorte d’être au restaurant à l’heure ! annonce Daniel après les longues séances de tournage et de shooting sous tous les angles.

Personne ne pourra prétendre que notre boss s’occupe mal de nous. Même s’il y a de fréquents roulements dans l’équipe d’acteurs, il fait énormément d'efforts afin d'y maintenir une bonne ambiance. Une main vient se poser dans mon dos. Évidemment, c’est Kenzo.

  • Alors, on fait un tour ensemble, comme prévu ?
  • D’accord ! J’arrive dans deux minutes.
  • Je viens avec vous, lance Dimitri en passant.

Je me poste à l’écart du groupe pour répondre à Sarah, à qui j’avais envoyé toute une batterie de photos de la ville, mais aussi de notre troupe.

« Il est vraiment beau gosse le blond sur la droite ;) »

Dimitri, évidemment.

« T’as vu ça ! J’ai de la chance de pas encore avoir fait de malaise en face de lui », réponds-je, fier comme un paon de pouvoir côtoyer un mec de ce standing.

Et dire que tout cela est parti d’une connaissance de connaissance, de ce qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à un plan foireux. Une nouvelle vague de satisfaction me parcourt. Je glisse mon téléphone dans ma poche et reviens vers mes collègues. De loin, j’entends Kenzo maugréer en direction de Dimitri :

  • C’est pas du jeu, ça !

Les deux se retournent brusquement en me voyant arriver. J’aimerais être aussi complice avec Dimitri… Nous nous dirigeons vers le front de mer ouest de la ville en suivant les panneaux touristiques indiquant la plage de Bon-Secours. Nous pouvons observer au loin le soleil qui amorce sa descente au-dessus des pointes rocheuses de Dinard. Cette région est absolument sublime. En plus, je suis entouré de deux beaux gosses – même si l’un des deux remporte clairement la palme. Depuis tout à l’heure, je me gargarise sans aucun scrupule des regards qui se posent sur notre trio.

Du sable fin s’est glissé entre les pavés colorés de la rue, qui descend en pente douce vers la plage. Quelques voiliers à la coque blanche y sont stationnés à l’abri des grandes marées.

  • C’est marrant, cette sorte de bassin, en plein milieu de la plage, remarqué-je.
  • Oui ! s’écrie Dimitri. C’est la fameuse piscine d’eau de mer. L’eau se renouvelle à chaque marée haute et permet de se baigner vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
  • Tu connais déjà la ville ?
  • Plus ou moins, j’y suis passé quand j’étais gamin. La piscine est d’ailleurs un de mes souvenirs les plus clairs.
  • C’est trop cool ça !

Je crois que je m’enthousiasme trop pour ces banalités, mais cette discussion anodine suffit déjà à me donner le sentiment de partager son intimité. Mes lèvres s'assèchent et j’en oublie presque notre camarade Kenzo. Il mitraille à l’aide de son téléphone le paysage à trois cent soixante degrés – je dirais même à 2π stéradians en tant que bon scientifique, c’est la mesure de l’angle en trois dimensions d’un demi-espace.

Dimitri me sort soudainement de mes réflexions.

  • Viens, c’est le moment parfait pour une photo.

En effet, il a l’œil ! Le soleil s’est glissé entre deux nuages d’altitude qui diffractent ses rayons sur la mer à peine ridée. Il sort son sourire aguicheur et nous prend en selfie, appuyés contre la rambarde en fer noir. Tant pis si je ne souris pas comme lui ; je suis déjà comblé d’avoir cette photo. Alors que mes yeux se perdent vers l’horizon, sa tête se tourne vers moi et il appuie ses lèvres sur les miennes. Bordel de misère ! Je fais quoi, maintenant ? Pourquoi est-ce qu’il ne m’a pas prévenu ?

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