Chapitre 1

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Écrit en écoutant notamment : Rakoon – Chapters (Téyo remix)

« Script completed. Data has been successfully updated from all servers to database. »

Je me redresse avec un signe victorieux. Les regards de plusieurs collègues de l’open space se fixent sur moi, alors pour me justifier, je souffle avec satisfaction un « c’est bon, mon nouveau système marche ! ». Il était temps, car ma revue de projet se tiendra ce vendredi, dans trois jours. Plus que deux ou trois derniers détails purement esthétiques à régler, puis préparer des diapositives. Je note qu’il est déjà dix-neuf heures trente : ma journée de travail a été largement suffisante pour un stagiaire.

Je pousse la grande porte en verre du bâtiment, mets mon casque sur les oreilles et marche sans réfléchir jusqu’à l’arrêt de bus. La mélodie du morceau m’englobe instantanément, me faisant oublier ma journée remplie de chiffres, de fonctions et d’erreurs informatiques en tout genre.

Je parviens à me créer un espace vital d’un quart de mètre carré au milieu de la foule compacte qui prend le même bus que moi. En même temps, c’est l’heure de pointe ! L’engin, dont le compteur doit avoisiner les cinq cent mille kilomètres, démarre difficilement, peinant à dépasser les trente kilomètres à l’heure dans une misérable côte. Je parviens à extraire mon téléphone de ma poche. Vingt-cinq messages à rattraper dans mon groupe d’amis, c’est très sûrement par rapport à la soirée de vendredi.

En effet, nous sommes tous en train de terminer notre stage de fin d’études, et nous avons tous signé notre futur contrat de travail dans notre entreprise ; enfin presque, l’affaire doit se conclure cette semaine pour moi. Le plan est plutôt simple : gros before dans la coloc d’Antoine et Geoffroy, un cinquante mètres carrés en plein quatorzième arrondissement, puis sortie en boîte à prévoir.

Je suis le seul du groupe à être resté en banlieue parisienne ; c’est là qu’est implantée mon entreprise, celle pour laquelle je me suis battu afin d’avoir mon stage et y être embauché. L’informatique et l’aérospatial, c’est un rêve de gosse qui ne m’a jamais lâché. Au contraire, mes amis se tuent tous à la tâche dans les gros cabinets de conseil de la capitale, enfin ça leur plaît, alors tant mieux. Eux ne comprennent pas non plus en quoi le code informatique est passionnant ; on aime se chamailler là-dessus.

Une odeur âcre se répand soudainement dans le couloir du bus. Alors que j’en étais encore à froncer les sourcils, une personne à l’arrière lance avec un calme olympien :

  • Sortez, le bus prend feu.

Les portes s’ouvrent, laissant les passagers sortir et se poster à distance raisonnable du nuage de fumée qui s’échappe depuis le compartiment moteur. Certains ont sorti leur téléphone pour filmer, espérant peut-être qu’ils pourront poser pour Instagram devant des gerbes de flammes dévorant leur moyen de transport quotidien.

Le conducteur s’empare de l’extincteur qui se trouve dans sa cabine et se met à asperger la zone critique avec un sang-froid surprenant, douchant les espoirs des quelques pyromanes refoulés. Le bus suivant de la ligne arrive quelques instants plus tard et s’arrête cinquante mètres après l’autre. La foule se précipite pour tenter d’attraper les dernières places restantes contre les portes ; comme il ne me reste que deux courts arrêts, je choisis de terminer à pied.

Pour l’instant, je préfère encore profiter de la possibilité de garder mon logement du Crous quelques mois, même si je devrais bientôt gagner suffisamment pour envisager un appartement plus spacieux.

Je passe devant les bâtiments de mon école d’ingénieur, complètement désertée à l’exception de quelques agents d’entretien poussant leur chariot. Un pincement au cœur me prend lorsque je me rappelle que ma vie d’étudiant est définitivement terminée. Maintenant, place à la vie active et sérieuse, aux réelles responsabilités, à la semaine de cinq jours bien calée et aux afterworks. Je sors un instant ma carte d’étudiant pour la contempler : Martial Bordereau – Année scolaire 2020/2021. Pour une fois, la photo est réussie, mes mèches sombres en bataille font plus bad boy que geek.

J’espère surtout que je continuerai à voir mes amis aussi régulièrement, que nos liens ne se distendront pas trop rapidement.

Si j’ai réussi à m’intégrer dans leur groupe, c’est surtout grâce à Sarah. Elle est la première personne à qui j’ai dit que j’aimais les mecs, lors de notre première année ici. Évidemment, il y avait sûrement bien plus, mais ce détail a certainement été une aide précieuse. Sarah m’a entraîné à rejoindre l’association d’audiovisuel de l’école, où elle et ses amis œuvraient depuis déjà plusieurs mois. Même si j’ai continué à fréquenter le club d’échecs de l’école, et même à y prendre le poste de président en deuxième année, c’est vrai que leur asso était classée bien plus haut dans l’échelle de popularité de l’école. Toutes ces soirées, dont j’entendais seulement parler entre deux cours jusqu’ici, étaient rapidement devenues partie intégrante de mes semaines. Ce n’est pas pour autant que je m’amusais à me bourrer la gueule – il faut savoir converser des limites – , pas comme les épaves qu’on retrouvait le vendredi matin en cours - si elles avaient eu la force de se lever.

Je dépose rapidement mon sac à dos sur mon lit avant de me ruer sur mon PC pour lancer Chess.com. Je me sens en forme pour gagner quelques parties et essayer de me rapprocher de la barre des mille huit cents points elo, ce qui représente déjà un cap important. J’avais déjà atteint un niveau similaire lorsque j’étais au lycée, avant de complètement abandonner pendant mes années de classe préparatoire. Ce n’est qu’en école d’ingénieur que j’ai repris ; en plus, il y avait un deuxième année tellement beau gosse au club d’échecs ! Je me suis arraché les cheveux pendant des mois sans savoir si je devais faire le premier pas ; finalement, j’ai bien fait d’hésiter, car malgré ses attitudes, il faisait bel et bien partie des quatre-vingt-quinze pour cent d’hétéros inaccessibles.

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