Le Roi

14 minutes de lecture

 « Je n’ai de raison de nier l’existence d’un pantin dont les veines sont des fils d’airains. Je comprends vos désarrois, mais il n’y a rien à reconnaître là où l’on vous susurre l’existence du divin : ‘’les Astres ne s’illuminent que pour vous’’ ; ‘’ce sont les terres qui viennent fouler vos pieds, baisant l’absolu pour goûter le suprême’’. C’est la mélopée des mélodies baladeuses, des ritournelles de balivernes aux berceuses litaniques. Il faut se croire roi pour y croire.

 -Que connaissez-vous de la foi ? De la croix qui octroie les clés de l’infini ? Elle se fait de patience, à la terre et aux rotures. D’instants comme ceux-ci. Vous êtes un petit être à qui je dois une charité que vous me devez en retour. Ainsi, inclinez le corps, je plisserai la couronne.

 -Vous n’êtes qu’une merde mal fabriquée. »

 Le roi tressaillit. Il était roi, royal, de sang royal, fils de roi, fils de reine, père de roi, mais bien plus encore que fils ou père : il était roi. Qu’avait ce barbu à lui faire un simulacre de bonne parole pour prononcer de si plébéiennes expressions ? Assis en un trône de bronze, à la manière d’un monarque ? Cette barbe d’argent lunaire enveloppant cette malfaisante bouche était celle d’un fou, d’un idiot ou d’un barbare. Qui, sinon l’invertueux, pourrait formuler de telles abominations à l’encontre d’un roi de droit divin ?

Ah, le roi aurait voulu appeler la garde. Où était leur clinquante armures ? Leurs virevoltantes rapières ? Cette peau bouclière ? Laissé en bas de cette tour, mon sieur. Vous les avez perdus à la grille hurlante. Vous fûtes appelé par une voix, par ma voix, et les pierreries vous ont absorbés. Vous voilà seul. Mon haï, argenté et inhumain, sur son trône d’airain, un cauchemar se cachant dans sa niche et un souverain loin de sa souveraineté : vous voilà trois. Faites qu’il souffre, roi, il a horreur de se revoir.

 « Vieillard ! Vous m’insultez. Vos mots sont crus, vos mots sont laids. Qu’importe. Si vous cherchez tant à entaillez l’hospitalité due à votre monarque, tranchons de suite les amarres qui nous tiennent au port de bienveillance et voguons à ces troubles que vous cherchez à installer en mon âme. Que fait en mes laies cette tour que vous habitez ? »

 L’âgé, le centenaire, le barbon, l’ancêtre, le vieillard, l’Argenté se leva.

 « Votre question viendra plus tard. Je veux goûter le cœur avant d’en extraire le concentré. »

 Le trône, surélevé du bronze tapissant le sol, rougeoyait d’une pourpre chaleur floutant l’air aux alentour. Le corps de l’homme semblait irrésolu. Il flottait dans le feu irradiant son dos. L’aspect tanguait à ce vent effervescent, ondulant sur cette vague à la nébuleuse ferveur. Où était la chair ? Où était le vêtement ? Le biologique se perdait à l’ardeur. Brûlant. Il brûlait, le roi en était sûr, il fondait à ses yeux ; et pourtant, le voilà, descendant marche à marche l’escalier de son dais, sonnant la fermeté de son corps sur le bronze. Il s’approchait. Sa substance continuait à se mouvoir en ondes incessante. Un flot de magma animé par la véhémence, la vivacité, le flamboiement de son être. Le brasier, ce n’était pas un cœur qui le déversait dans des canaux en combustion permutant la forme. Aucun chenal, aucune veine, aucun lien entre les parcelles, entre la couronne et le pied, entre l’œil et le doigt ; entre le centre du corps et ses extrémités ne voyageait de bouillonnante vitalité. Il descendait. Tout brulait. De la barbe d’argent à la peau cuivré. Tout brûlait. Le corps était une flamme. Tout n’était qu’ardeur. L’esprit, une illumination. Il était incendie et rien ne se consumait. Le brasier vivait de sa propre cendre. Une sinistre ignition, un chêne sans racine, un ciel sans terre. Il était la mort qui n’aurait besoin de vie, une vision sans lumière, il était le monarque sans royaume, le Dieu sans église, l’Être sans l’autre.

 L’Argenté avait atteint le parterre.

 Le roi dépérissait devant le mystère, suant le sang de son corps, l’eau déjà dissipée. L’anatomie de l’entité fluctuait encore. Il voulu toucher cette surface en ébullition et buta. Ah, l’être était solide. Qu’importe la chair ou le vêtement, la peau ou la soie, le roi sentit sous ses doigts ce qui est, fut et sera parfait, le contour du perpétuel, et sous la membrane s’agitait une essence pérenne.

 « Ô, mon D-…

 -Non : Amonantzias. Voilà mon nom. Le trône est à vous. »

 Il s’inclina en s’écartant, ouvrant à la flaque humaine un passage vers l’escalier. Malgré la courbette, l’Argenté le toisait encore de haut.

 Le monarque gravit l’escalier, butant tout du long, se retournant sans cesse pour observer l’être qui déjà ne le regardait plus. Franchissant la dernière marche, tête d’abord, avant de se hisser sur le trône de bronze, maintenant froid, le roi se retourna et vit s’étendre devant lui le domaine d’Amonantzias.

 Les veines. Son attention fut obnubilée par les veines. Lamelles de fontes s’entrelaçant en tuyaux où courait un rouge pulsant, s’échappant parfois de l’étreinte mécanique pour venir couler lentement au sol. Là, se formaient des nappes vives s’écoulant en trappes et trous, cages d’égouts et grille de caniveau. Le liquide stagnant un peu dans la mer d’engrenage dessous avant d’être digérées par la tour. La machinerie simple se remettait en route après avoir barré la route aux fuyards. Le liquide ocre était régurgité dans les artères. Elles serpentaient docilement le long des manuscrits et engins qui briquaient les murs. Les canaux s’étreignaient dans leurs mouvements ascendants. Unions, ruptures et réunions en une danse murale qui étranglait papiers et mécanismes en son envers dans un labyrinthe de branches métalliques, de racines et de sèves, insensé et maladif. Le rouge coulait toujours sur les murs. Et le toit en était teinté ; haut, haut, par delà le ciel peut-être, par delà la vision même, où était le toit enseveli sous fil, sang et métal ? Il aurait pu être de bois, le roi ne l’aurait su. De bronze, il ne l’aurait vu. De pierre, il ne l’aurait connu.

 Tout n’était que chaos tentaculaire, carnage d’abattoir, les fils strangulant, crevant ; égorgement, massacre et hécatombe, suçage des décimés. On pouvait distinguer, au sein de ce nuage rouge, quelques veines s’accoupler, ouvrant leurs lamelles pour voler quelques instants d’ardeur. C’était un amour pauvre, plus riche en fer qu’en sentiment, mais dans le reflet des sangs joints brillaient les souvenirs d’antiques soleils d’été, et les veines souriaient d’une ultime extase.

 De la masse, sortait un seul fil. Si infime, pensa le roi. Il courait le mur opposé jusqu’à atteindre une horloge qui surplombait le porte menant à l’antre. Celle-ci était constituée de seize mains et à chaque extrémité un cœur de verre. Douze étaient remplies de liquide rouge et ne tournait plus, chacun arrêté sur l’un des seize signes de l’horloge. Les quatre autres continuaient à tonner lentement. Le roi voyait une couronne, une armure et un livre parmi les signes encore vides. Le quatrième lui échappait.

 Surprenamment, il ne vit pas la fosse au dessus de l’horloge et le cauchemar qui s’y terrait.

 « Êtes-vous calmés ? »

 Le roi sentit son cœur. Il ne battait plus. Loin d’être alarmé, il trouva cette absence rassurante et sourit.

 « C’est extraordinaire, je le suis.

 - Portez-vous la couronne ? »

 Le monarque sur le trône d’un autre se tâta la tête avant de rire faiblement.

 « On ne la porte pas en campagne. Et me voilà à me tâter le chef. Ah, bouffonnerie.

 - Paysan. Pèse-t-elle ?

 - Peu, elle est d’étain.

 - Paysan. Dans quel fourreau portez-vous le sceptre ?

 - Le sceptre n’est pas enfourné !? Il est sur un coussin.

 - Paysan, paysan, paysan ! Dites-moi au moins que vous avez une quelconque passion pour le monde qui est vôtre ?

 - Comment ne pourrais-je ? J’en suis le roi, c’est une évi…

 - Ah, bien. Le mouvement des vagues ? Des déserts ou des Lunes ? Combien de temps avez-vous porté votre œil sur le froid aux extrémités du monde ? Et combien pour les astres d’été ? Et vous n’avez pas négligé les plantes et les fleurs, j’espère ? On en trouve même de belles en toundra, mais leur majesté habite les jungles maritimes. C’est raisonnable d’en rester là. Le corps ? Jusqu’où avez-vous creusé ? Jusqu’au sang ? Auquel avez-vous mêlé celui de l’Homme ? Des lions ? Des oiseaux de Bastis ? À la sève des arbres-mondes ? Ah, le bronze et le fer peut-être ?

 - Eh bien, je- »

 Le roi n’eut le temps d’interrompre : l’homme s’était rapproché, déversant une litanie de questions alimenté par une fureur joyeuse et excitée. Il montait les marches.

 « Et le soleil ? Quelles études avaient vous fait du soleil ? Et comment l’avez-vous capturé ? Dans un miroir ? En un œil ? J’espère que vous n’avez pas fait l’erreur de le prendre dans le votre ? Et l’avez-vous déjà éteint quatre jours durant et ainsi fait taire les révoltes, les enfants et les loups pour mieux sommeiller ? Vos rêves ? Les avez-vous peints sur les corps de vos soldats ? Ou sculptés dans l’eau des tempêtes et le vent qui murent vos tours ? Ou les avez-vous gardés pour vous ? A les chasser inlassablement, vous amusant à les faire cauchemarder à leur tour ? Dites-moi, qu’avez-vous exploré de votre monde ? »

 Le roi était recroquevillé sur le trône, Amonantzas penché sur lui, l’écrasant de sa passion.

 « Eh bien, j’aime bien compter les taxes… »

 Quelques instants coulèrent le long de son cou. Puis la pression s’accrut. Enseveli sous un regard, englouti par le trône, le monarque se sentait éclater. L’homme lui tournait le dos, quittant le dais et le…

 « Paysan. »

 Poussé par une quelconque défiance que son sang lui léguait d’un ancêtre plus courageux et honorable, l’insulté s’extirpa de la contrainte de son siège et arracha les nuages noirs devant ses yeux.

 « Qu’avez-vous à me traitez de paysans, je sui…

 - Qu’avez-vous à portez la couronne et à ne pas en connaître le poids ? Qu’avez-vous à portez l’épée et à ne pas en faire votre sceptre ? Qu’avez-vous à ne rien savoir des terres que vous gouvernez ? A être ignorant de la nature de votre univers ? Qu’avez-vous à n’être qu’une absence sur un trône ? A vous appeler roi et à être paysan ?

 - Cessez ! Je vous ordonne de cesser !

 - Ordonne. Ordonne et vois comme tes ordres tombent dans l’air et s’écrasent tel verre. Et n’entends-tu pas tes illusions se briser de même ? Et n’entends-tu pas ta couronne éclater, ton royaume détoner de toute part du vacarme de la révolte, ton sang royale se fendre sur le fil si infime de la réalité ? Dis-moi, roi, qu’entends-tu alors que tes mots se fondent dans les soupirs du vent comme s’ils n’avaient jamais existé ?

 - J’entends… »

 Il était retombé dans le fauteuil. S’agrippant maintenant le visage, larmes creusant sillons, il sanglotait.

 « Je n’entends rien… Où sont mes gardes ? Où sont mes Hommes ?

 - Partis. Il n’y a pas de roi, il n’y en avait jamais eu. Juste un homme comme les autres. Un paysan avec un peu d’étain sur la tête.

 - Non. Non non non non non, je suis roi. »

 Les yeux rouges, l’esprit brisé, acculé face à la mort de ses certitudes, certitudes qu’il n’avait jamais comprises et mort qu’il ne comprenait pas, il se leva, pointa l’homme du doigt et hurla :

 « … »

 Rien ne sortit de sa bouche. Il s’écroula, tombant du dais sur le bronze dessous. Il ne parla plus, ni ne respira. Dans les reflets d’airains perlait une larme rouge.

 Amonantzias soupira, tira de sa ceinture une verrerie, vide, et lentement se dirigea vers l’horloge et la niche la surplombant.

Porte tes armes au soupir du sirocco et laisse voler le fer. Les vents recouvreront tes futures conquêtes de fontes et de souffre. Et tes ennemies bruleront et les cendres feront des soleils noirs.

 Dans la mer d’airain dansait une forêt. Feuilles pourpres sous un ciel de suie et les racines dévorait du bronze. Les hurlements sifflaient entre les branchages. Par delà les cimes, terres et hommes s’embrasaient. Les yeux du roi étaient vides.

Meurs le temps et meurs l’enfant, mourront les Hommes et resteront tes villes. Au disque de feu répond par les bastilles d’argents, répond par la Lune prisonnières des citadelles.

 Dans la mer d’airain s’érigeait une métropole aux reflets d’albes et d’ivoires. Donjons grattant l’azur peuplés de masques riant travaillant à la lumière d’un palais éthéré. Sur un trône en son centre était assis un être à la barbe argenté. Les yeux du roi brûlaient lentement.

Sang en bronze, chair en fer, argent en âme et tu fus la fin des Hommes. Prends les veines, joins le cuivre, tisse le linceul de la raison. Tahilio est de pierre, Carilia de viande, et toi endeuillé, t’accouplant aux larmes, baisant le cercueil.

 Dans la mer d’airain, les lunes tombaient, les astres riaient et le soleil reprenait l’ascendant, une nouvelle aurore horrifiant la ferraille humaine. Une tour triste se tenait en lieu de la forêt. La mort, la vie, les terres et les cieux, le magma dans les veines et les océans dans les yeux se turent devant l’être y entrant. Le sol sous le roi frémit. Et convulsa. Vibrèrent les étendues, éclatèrent vents et marbres et le monde se brisa sous les hurlements d’un perdu solitaire ; alors brulèrent les bois ; alors détonèrent les cités ; alors mourut le silence, remplacé éternellement par un cri. La tour disparut. Le bronze s’apaisa. Seule une larme rouge s’y reflétait.

 Et se plongeant dans les pupilles du roi se tenait une femme, couché tel le monarque de l'autre coté du sol.

Tu l’as bien peu fait souffrir.

 Ses yeux étaient ardents.

Il ne s’est pas vu en toi.

 Il tressaillit et tenta de bouger.

Tu es faible.

 Il agrippa le bronze et serra.

Dis-lui ce que tu as vu.

 Lentement, il se relevait.

Et cherche une vigueur qui te fasse tenir la couronne.

 Il parvint à ses pieds et, s’enracinant dans le bronze, bombant le torse, dressant le dos, tonna :

Paysan.

 « Où sont tes cités d’argents ? Où est ton peuple riant ? Où sont tes enfants ? Dans quel brasier ? Te sentais-tu roi quand ton monde s’est effondré ? Tes œuvres parties en sable, fondues dans le soupir du vent comme s’ils n’avaient jamais existé ? Dis-moi, quelle couronne portais-tu devant le linceul de ta fille ? »

 Amonantzias suspendit ses pas et leva le flacon. Le verre suait du sang, remplissant lentement l’intérieur.

 « Réponds-moi, Argenté, où est ton royaume !? »

 Il ne pouvait voir que son dos et la bouteille à ses cotés tenu à bout de bras et de doigts. Il la lui présentait.

 « Continuez. »

 « C’est impossible. Impossible. Je ne peux pas… Je ne peux pas parler. Trop de mots ne sont plus à moi. Trop d’insectes dans le crâne. Ils hurlent. Ils hurlent. Une masse rouge qui me dévore l’esprit. Auparavant, ils riaient. Où riaient-ils ?! Ils ricanent dans des nids que je n’ai jamais vus. Ils me grouillent dans les yeux et me sortent des ongles. Je les sens à chaque coin de ma peau, à me dévorer, à me pondre sur les os leurs mille petits. Et dans leurs yeux… Je vois des souvenirs qui ne sont pas miens. Et ils m’envahissent. Je ne vois qu’eux. Des insectes… Me fécondant les souvenirs d’un autre. Des souvenirs d’un inhumain. D’un fou. D’un roi. Et ce roi s’est tenu devant moi, et m’a demandé pourquoi je ne connaissais pas le poids de ma couronne ? Le poids d’une couronne… La sienne ne pèse guère plus qu’une montagne de cendre. Et il me demanda mon sceptre, car le sien ne fut respecté qu’en dehors de son fourreau. Et il me questionna, car ses réponses lui avaient tout perdu. Et il me demanda si j’étais roi, et j’étais heureux de n’avoir été rien d’autre que moi, à compter mes taxes, à porter de l’étain, à n’être qu’humain. »

 Le roi suait. L’effort cataclysmique de s’être extirpé des visions l’avait tari de toutes ses forces. Alors qu’il allait s’écrouler, Amonantzias parla :

 « Continuez. C’est encore faible. »

 Nulle émotion dans la voix. Il agitait la bouteille comme on l’aurait fait devant un chien. Le roi détona.

 « Faible ?! Faible ! Faible comme votre cœur ?! Faible comme- Faible comme un roi qui ne porte ni royaume ni peuple, juste sa propre vie. Juste un caprice. Faible comme un homme qui pleure sa fille et ordonne que son royaume meurs. Ah, voilà un ordre qui aurait mérité de s’être écrasé à terre. Faible, comme un roi qui écoute sa voix avant celle de son peuple. Je refuse. Je refuse votre faiblesse. Je refuse votre couronne. Je refuse la couronne. Je n’en ai pas besoin. Je refuse le sceptre. Je n’en ai pas besoin. Je refuse votre royauté. Je n’ai besoin que de celle que font la terre et l’Homme. Ma couronne, je la ferais dans les champs et les cités. Les cultures seront le socle, et la pierre la gemme en son centre. Et je ne serais toujours pas roi. Et mon sceptre sera un épi de blé, et tous s’agenouilleront. Et je ne serais toujours pas roi. Et dans mon œil ne sera pas le Soleil, et dans mes citadelles ne seront pas les Lunes ; dans mes horloges sera un temps qui passe pour l’Homme. Et je ne serais toujours pas roi. Je n’aurais d’esclaves que ceux qui me tendront leurs chaines. Je n’aurais de sols que ceux qui se labourent à mes pieds. Je n’aurais de trône que le siège au cœur de chaque homme. Et à la fin de mon règne, je n’aurais pas tant de linceul à filer avec les veines de mes gens et l’argent de mes mines. Alors je serai roi. »

 Le silence s’inclina. L’air fit de même. Les astres se prosternèrent et Amonantzias versa un flacon de liquide rouge au sol. Le tout coula dans les trous et cages d’égouts avant de tomber dans une mer d’engrenages. C’était le début d’un long voyage pour ce concentré. L’Argenté se rassit sur son trône et se figea, regardant l’Horloge. Le roi s’était endormi, enveloppé d’un silence toujours penché et d’un vent encore courbé.

 Il dormit trente ans. Au réveil, son premier regard fut en direction de l’être, immobile en éternel vigile. L’Horloge ne tonnait que de trois cœurs. Levé, calme et apaisé, le souverain quitta le bronze et franchis la por-

 « Roi. Dites-moi. Ces cendres vous paraissent-elles lourdes ? »

 Se retournant pour lancer une réplique cinglante, le roi flancha, son corps rompant devant l’image se gravant dans ses pupilles.

 Amonantzias portait une blanche couronne d’éther. Et sur ses pointes tanguaient un amas de corps, masse de torses tordues et de sourires torsadés, entortillés autour du trône dont ils étaient le socle. Des milliers de corps. Des milliers de rictus et d’yeux d’insectes aux cous distordus. Tous regardaient le roi en écrasant le leur qui se tenait le dos droit.

 Amonantzias riait d’un rire magnifique. On aurait presque pu l’aimer pour son sourire. Le monarque quitta la salle, poursuivi par le jacassement joyeux de l’Argenté et le vacarme de son royaume. Il ne remarqua pas l'ombre dans le bronze se lamenter de son départ, assise au pied d'un Argenté qui ne souffrait pas assez.



Ansi Vit le Rat en passant.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 6 versions.

Vous aimez lire Le Rat ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0