L'anniversaire

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1er septembre 2017, le matin

Hélène fut réveillée par la vibration de son téléphone. Elle tâtonna pour le trouver. Elle reconnut sans peine la voix de Patrick. Il s'excusait de son attitude de la veille ; il avait été un vrai con – il le reconnaissait, c'était déjà ça – mais aujourd'hui, il avait mis tout son travail de côté rien que pour elle, pour eux. Il changerait et ferait des efforts. Elle devait le croire. Elle l'écoutait à demi-réveillée, à demi-convaincue. Elle voulait se convaincre de cet ultime revirement.

Elle sortit du canapé de Sandra ; elles avaient finalement fait chambre à part. Tout en écoutant Patrick, elle laissait son regard se perdre à l'horizon, au-delà des deux immeubles qui cachaient la plage et le lac. Elle se massait doucement la nuque endolorie par une mauvaise position pendant la nuit.

— Tu sais, j'aimerais nous donner une nouvelle chance. Je t'ai fait beaucoup de mal, je le sais. Je m'en veux tellement... J'aimerais que tu me pardonnes... Ce boulot m'a pris tout mon temps, mais depuis hier soir, je ne fais que tourner en rond. Je n'arrive plus à réfléchir. Je ne sais pas si je vais vraiment accepter cette proposition de responsable européen. Ça me fout les boules ! Et nous, dans tout cela ? Je ne peux pas vivre sans toi...Tu le sais....

Oh oui, elle le savait ! Elle non plus ne pouvait imaginer vivre sans lui. Hélène ne disait rien. Ses yeux se mouillèrent un peu. Elle l'aimait. Il l'aimait. Il n'y avait que cela qui comptait.

— Tu m'as parlé d'enfant...

« Tiens, il avait quand même écouté et retenu ça... » se dit-elle sans l'exprimer à haute voix.

— Je ne sais pas si je serai un bon père… J'ai peur de ne pas être à la hauteur.… Mais…

Il ne termina pas sa phrase et reprit :

— Nous pourrions nous retrouver comme on l'avait décidé. Parce que là, j'ai l'impression qu'on s'est perdus… Et j'ai peur que ce soit pour de bon… T'es là, je t'entends plus…

— Oui, je t'écoute et je crois qu'il faut qu'on se pose, qu'on se dise les choses, franchement... répondit-elle en sanglotant. On pourrait se retrouver ce soir, comme on a dit au Café des Arts sur la terrasse... La météo annonce une agréable température.

Yes ! Disons vingt et une heures...

Hélène accepta la proposition :

— Va pour vingt et une heures.

Sandra s'était levée et écoutait discrètement derrière la porte la conversation de son amie. Allait-elle une fois de plus tomber dans le piège des regrets et des Pardonne-moi, mon amour... Tu sais, je t'aime et je vais changer ? Ce refrain, elle l'avait trop entendu et en avait assez souffert. Elle ne voulait pas qu'Hélène souffre comme elle.

Reposant son téléphone, Hélène aperçut Sandra dans le grand miroir. Elle se retourna, s'avança, l'enlaça et, sans un mot, posa sa tête sur son épaule. Elle était soulagée. Tout allait redevenir comme avant... Elle en était sûre. Des larmes mouillèrent encore une fois ses grands yeux.

Sandra, la serra contre elle. Elle pleurait, elle aussi, mais pas de joie. Tout lui revenait. Et ça lui faisait mal.

1er septembre 2017, le soir

Hélène regarda sa montre : vingt-et-une heures dix. Il était en retard... Mauvais signe ? Elle essayait de ne pas s'inquiéter : un embouteillage ? Ou, mieux encore, Patrick s'était arrêté chez un fleuriste pour lui offrir un gros bouquet de roses rouges, ses préférées. Elle but une gorgée de café.

Elle était habillée comme la veille, n'étant pas retournée à la maison après le travail. Elle y avait pensé une seconde, pour mettre sa robe bleue, celle des grandes occasions, mais ça aurait fait trop « mise ne scène à la Barbara Cartland ». Elle aurait attiré tous les regards et on l'aurait sûrement prise pour une fêtarde trop bourrée qui avait été éjectée d'un banc public par la voirie. En même temps, vingt et une heures, c'était encore tôt. Avant de s'asseoir à la terrase, elle était retournée marcher sur les quais. Espérait-elle y revivre la soirée avec Timothée ?

Elle avait remonté ses cheveux ; ça lui allait bien, ce style décontracté. Même si elle n'avait que la trentaine naissance, elle faisait très jeune, presque une ado.

La tasse vide de son premier café trônait au milieu de la table de la terrasse. Un couple d'amoureux se bécotait à côté. « N'en profitez pas trop, on fera bientôt comme vous ! Et vous allez être jaloux de notre amour ! » se dit-elle.

Le temps passait et Patrick n'était toujours pas là. Elle l'appela sur son portable : répondeur. Elle lui envoya un message. Pas de réponse. Il était sûrement en route et allait débouler, ventre à terre et essoufflé... Trouvant une excuse bidon... Comme d'habitude.... S'il lui parlait de son boulot, elle lui jetterait sa tasse à la figure !

Soudain, le téléphone vibra. Sans regarder le numéro, elle répondit :

— Alors, t'es où ? Tu m'as acheté des fleurs au moins... ?

La voix qui lui répondit n'était pas celle de Patrick. Elle écouta sans dire un mot. Ses yeux cherchaient un point où s'accrocher, tournant en tous sens. Sa main se mit à trembler puis tout son corps. Elle lâcha son téléphone dont la vitre se brisa en touchant terre. Elle s'évanouit et sa tête frappa durement la table métallique. La tasse se renversa et roula sur elle-même.

On y entendait encore une voix : Allô, Madame ! Répondez ! Que se passe-t-il ?

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