Le rendez-vous

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Juin 2017 : le premier rendez-vous

On était en plein été. Hélène avait revêtu une petite robe bleue de saison, légère et près du corps, mettant en valeur ses formes. Deux fines brettelles la retenaient sur ses épaules nues. Elle avait pris la précaution d'emporter une écharpe de tulle blanc dans son sac, si la soirée devait se prolonger au-delà du raisonnable.

Elle avait sauté dans un taxi. Elle ne voulait pas être en retard à son premier rendez-vous. Les rues défilaient à toute vitesse à travers les vitres de la voiture. Le chauffeur, le visage rond et une casquette grise vissée sur le crâne, ne disait rien, mais levait de temps en temps ses petits yeux vicieux dans le rétroviseur intérieur et souriait : il avait sans doute plus d'une idée derrière la tête. Si Hélène y avait pris garde, elle aurait été gênée de son regard insistant qui la déshabillait littéralement. Mais elle n'avait rien remarqué, pianotant sur son téléphone. Elle avait hâte de le retrouver.

Le taxi laissa Hélène devant le Café des Arts. C’était un de ces établissements au charme suranné : les baies vitrées occupaient tout le bas et faisaient l’angle en une belle courbe. Un store rouge, replié à cette heure, portait le nom écrit en lettres blanches liées. La porte à deux battants était ornée de longues poignées dorées, astiquées tous les matins par un commis. Une dizaine de tables rondes à deux places occupaient tout le devant. Sur chacune, il y avait un petit présentoir en métal noir avec un numéro et les cartes des boissons et des desserts.

Ils s'étaient donné rendez-vous à cet endroit, à deux pas du port et de sa guinguette.

Une voiture s’approcha et se gara devant le restaurant. Un élégant jeune homme en sortit, habillé d’un costume foncé et brillant, les cheveux gominés tirés en arrière : Timothée. Il avait sorti le grand jeu : il ressemblait à James Bond, la voiture en moins : une vieille Peugeot qui avait dû faire plus d'une fois le tour du monde, mais l’élégance y était. Ils s’embrassèrent et entrèrent dans le restaurant. La salle était encore à moitié vide. Ça ne durerait sans doute pas.

Quelques tables étaient déjà réservées à voir le petit panneau. Un sommelier indiqua la leur à côté de la fenêtre, avec vue sur la rade, illuminée de mille couleurs. La nuit était complètement tombée maintenant. Ils s’assirent et commandèrent une bouteille de champagne pour fêter la conclusion de ce gros contrat dont ils avaient négocié les clauses avec beaucoup de finesse et d'intelligence, selon les dires de leur boss qui leur avait octroyé une jolie prime. C'est surtout que cette négociation avait rapporté un gros paquet de billets au bureau et garantissait un juteux bénéfice à la fin de l'année. Mais ça, le boss avait pris la précaution de ne pas le leur révéler.

Timothée était plutôt en forme et racontait des blagues à Hélène qui se laissait prendre à chaque fois. Ils pouffaient en se tenant les mains. Après quelques instants, ils se levèrent :

— Sur la terrasse. On va aller boire sur la terrasse, indiqua le jeune homme en s'adressant au serveur.

— Bien, Madame, Monsieur, je vous apporte votre bouteille subito presto, répondit tout sourire le sommelier, les suivant du regard, tout en remplissant une chope de bière au bar.

L’air frais était agréable. On entendait la petite guinguette du port et sa radio qui diffusait des chansons du top 50 des années 80. D’autres clients étaient venus s’installer aux tables sur le trottoir. Tout était calme. Hélène se sentait bien. Timothée en profita pour lui prendre la main ; elle ne la retira pas, se disant qu'elle aurait pu vivre une belle histoire avec ce James Bond d'un soir, parce qu'avec Patrick, la routine s'était installée, son boulot avait pris désormais toute la place. Trop à son goût. Et depuis un ou deux mois maintenant, il y avait ce désir qui pointait au creux de son ventre : elle voulait un enfant. Pour cela, il fallait un mari, du moins un homme, et un père... présent et attentif, pas un bourreau de travail qui ne pense qu'à son plan de carrière !

Ce soir-là, Hélène et Timothée formaient un joli couple, un peu à la Robert Doisneau : on aurait pu les prendre pour des amoureux. Mais ils étaient collègues et amis, rien de plus. Si on le lui avait demandé, elle l'aurait présenté comme tel. Ce qu'il était d'ailleurs.

Elle avait bien le droit de prendre du bon temps et ils pouvaient bien se détendre après tout, ils ne l'avaient pas volée, cette soirée !

Le garçon arriva, la bouteille dans un seau à glace sous le bras et deux flûtes dans la main. Il les servit, Hélène d'abord, puis Timothée, leur souhaita « À votre bonne santé, Madame, Monsieur ! » et se retira, répondant à d'autres clients de la terrasse.

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