Chapitre 1

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L’apocalypse zombie atteignit Lille un samedi matin. Il s’apprêtait à sortir pour acheter du pain pendant qu’elle regardait les informations télévisées en buvant son thé, encore en pyjama. Tandis qu’il laçait ses chaussures, elle lui lança :

« Fais attention dans la rue, il paraît qu’il y a des dégénérés qui se jettent sur les gens, c’est plutôt flippant ! »

Elle grimaça devant l’image retransmise en direct sur l’écran.

« Ne t’inquiète pas, je prends ma bombe anti-agression. »

Elle pensait lui suggérer de prendre plutôt le katana qui leur servait de décoration depuis leur voyage au Japon, mais il était déjà parti.

La bombe anti-agression ne lui fut d’aucune utilité. La boulangère, plus pâle que d’ordinaire, lui tendit une baguette de pain encore tiède. Lorsqu’il s’en saisit, il remarqua qu’elle portait un pansement au bras. Taché de sang. La blessure ne devait pas être très belle à voir. Il n’eut pas l’occasion de s’informer sur son état de santé. À peine eut-il croisé son regard qu’il comprit qu’elle n’allait pas bien. Ses yeux injectés de sang étaient animés d’un éclat animal, les pupilles dilatées, et sa peau était devenue grise et terne. C’en était presque effrayant, mais pas autant que le grognement inhumain qu’elle poussa.

Il eut un mouvement de recul, malheureusement insuffisant pour le mettre hors de danger. La boulangère s’agrippa à son bras et enfonça ses dents avides dans la chair tendre.

Quelques coups hésitants se firent entendre à la porte. Elle quitta son canapé pour aller ouvrir.

« Tu as encore oublié tes clés ! soupira-t-elle. D’ailleurs, tu en as mis du temps pour aller chercher le pain. Qu’est-ce que tu… »

Elle se figea. Sur le palier se tenait un homme — son mari, à première vue — au teint anormalement pâle, bien qu’il fût difficile de clairement le constater étant donné la quantité de sang dont il était couvert.

Elle lui claqua la porte au nez dans un sursaut de panique et attendit, haletante. Mais qu’attendait-elle, au juste ? De se réveiller de ce mauvais rêve ?

Tremblante, elle colla sa joue contre la porte et risqua un coup d’œil à travers l’œilleton. Il était toujours là. Son image déformée par le grand angle de vision aurait pu sembler comique, d’autant plus qu’il tenait toujours la baguette de pain entre ses mains, mais elle ne ressentit qu’un frisson de terreur.

La télévision, toujours allumée, laissa échapper les mots « apocalypse » et « zombie ». Ses yeux tombèrent sur l’étagère pleine de livres où un ouvrage sembla se détacher des autres, Le guide de survie en territoire zombie de Max Brooks, qu’elle avait lu avec beaucoup d’amusement. Sa bouche s’emplit d’un goût amer. Son compagnon était-il devenu un vrai zombie ? Vu la quantité de sang dont il était couvert, il avait dû s’attaquer à un voisin sur le chemin du retour. Dans ce cas, pourquoi ne s’était-il pas jeté sur elle pour lui dévorer la cervelle ? Et pourquoi n’essayait-il pas d’enfoncer la porte pour l’atteindre ?

Elle lui parla à travers la porte mais n’obtint aucune réponse. Elle le voyait ouvrir la bouche mais les seuls sont à sortir étaient des gémissements et grognements inquiétants. N’importe quel film, livre ou série sur les zombies dirait qu’il ne faut jamais ouvrir la porte à un zombie si on tient à la vie. Seulement voilà, quand il s’agit de la personne qui a partagé votre vie durant les cinq dernières années, la décision est un peu plus difficile à prendre.

Après moult réflexions, elle décida d’ouvrir la porte et de voir ce qui se passerait. Ce qu’elle fit, d’abord en entrebâillant lentement le battant. Il ne tenta pas de forcer le passage et restait sagement à sa place, sur le paillasson affichant « Bienvenue ». Quand l’entrée lui ouvrit les bras, il s’avança d’un pas maladroit vers elle, qui reculait. Mais pas de hurlements, pas de grognements bestiaux, pas de mains tendues vers elle avec avidité. Rien de tout cela. Il lui tendit machinalement le pain.

Elle sentait son cœur battre à tout rompre et son esprit s’échauffer. Mais il n’y avait visiblement pas de quoi tuer un zombie. Du moins pour l’instant.

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