3 : L'EXODE

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Cela faisait trois jours qu’ils naviguaient et deux nuits qu’ils n’avaient pas dormi. Le vieil homme voulait être certain d’avoir semé la quatrième sentinelle. Il semblait connaître chaque recoin des marais. De nuit c’était lui qui barrait. De jour, ils se relayaient et il donnait les instructions à Nahul lorsque le jeune homme prenait la barre.

Nahul était plein d’interrogations, mais devant le visage concentré de cet homme étrange, il n’osait les poser. Tout juste apprit-il son nom : Namaar. Leurs noms, voilà les seuls mots qu’ils échangèrent, tant la tension était palpable au bord de la pirogue.

Les pensées dérivaient alors vers son village, vers cette vie qui allait prendre un nouveau tournant au sein des Inens, dans cette communauté qu’il aimait tant. Peut-être étaient-ils tous morts à cette heure ? Il se sentait coupable d’avoir abandonné Barnel et il craignait le pire. Mais l’instinct de survie lui faisait dépasser ces sombres pensées, pour se concentrer sur cette course, cette fuite… mais pour quelle destination ?

Jusqu’à présent, la vie semblait tracée devant lui : devenir chasseur, trouver une femme, avoir des enfants dans ces marécages qu’il aimait et qui avaient toujours été son monde. Tout s’était effondré, et désormais il était face à l’inconnu.

Le troisième jour, le visage de Namaar se détendit. Nahul retrouva dans sa voix et dans ses traits la douceur qui l’avait tant étonné lors de leur première rencontre.

— Nous sommes en sécurité, jeune chasseur.

— Vous êtes sûr ?

— Oui, tu peux me faire confiance. En souriant, il reprit :

— Je pense que les quelques baies que nous avons mangées ne t’ont pas pleinement rassasié. En tout cas, moi non. Nous allons y remédier. Que dirais-tu d’aller chasser ? Et puis, je te dois un festin ce soir, non ?

Ils attachèrent la pirogue, taillèrent des morceaux de bois en pointe et s’avancèrent sur les terres des marais. Namaar marchait sans faire le moindre bruit, il semblait flotter sur le sol. Il s’était barbouillé le visage de boue et invita Nahul à faire de même.

Au bout d’un moment, le vieil homme s’immobilisa et, d’un geste, montra la proie qu’il avait aperçue au loin. Après un instant de calme, il émit un son guttural, un cri d’animal en période des amours. L’animal dressa la tête, hésita puis avança vers eux, en quête d’une femelle. Quand il fut à portée, Namaar se dressa et lui planta sa lance dans l’œil. Un cri strident sortit de la gueule du quadrupède. Nahul réagit aussitôt et lança le projectile dans le flanc, essayant de viser le cœur.

L’animal blessé voulut courir mais rapidement il tituba. Le cœur avait bien été touché, et sa vision chancelait. Il s’effondra, palpitant. La première vraie chasse du jeune homme ! Namaar lui dit de l’achever et de pratiquer la communion, ce que Nahul fit respectueusement. Une fois le rituel réalisé, tous deux tirèrent le gibier jusqu’à la pirogue.

— La maison est à quelques heures d’ici. Là-bas tu pourras te restaurer et te reposer.

Maintenant que la pression était retombée, le temps qui le séparait de la demeure de Namaar paraissait s’allonger à l’infini. Nahul était plus épuisé que mort de faim. Il voulait juste s’allonger en espérant sortir de ce cauchemar, comme si tout cela n’avait été qu’un mauvais rêve.

Enfin, ils arrivèrent aux abords d’une prairie et le vieil homme accosta la pirogue.

— Tu viens ? Ça y est, on est arrivés.

Ils tirèrent le gibier à terre. Il pesait lourd, et Nahul était à bout de force.

— Tu as l’air éreinté. Si tu veux, tu n’as qu’à dormir le temps qu’il te faudra. Je t’ai attendu durant des années, je ne suis pas à quelques heures près.

Ils traversèrent la prairie et atteignirent un arbre immense. Nahul distingua une petite porte au pied de l’arbre. Il pénétra dans l’antre de Namaar. C’était un vrai capharnaüm. Des plantes séchées ou en décoction semblaient envahir la maison. Des livres anciens étaient ouverts, jonchant le sol. D’autres remplissaient jusqu’à ras bord des meubles entiers. La grande bibliothèque semblait être le cœur de cette demeure.

— Vous êtes un chaman ?

— Si on veut… je préfère me considérer comme un herboriste. Mais sache que le pouvoir des plantes peut être surprenant. Elles peuvent tuer comme sauver une vie et servir à bien d’autres choses encore. Je vais d’ailleurs te donner une décoction de ma composition pour t’aider à dormir en paix le temps qu’il te faudra.

— Merci, dit le jeune homme, hésitant. C’est vrai que je suis épuisé.

— Je vais te laisser ma chambre. Tu sais, je suis un véritable ermite et j’ai rarement de la compagnie.

Nahul le suivit, se traînant jusqu’à la chambre. Il s’allongea. Enfin un vrai lit ! L’ermite revint quelques instants après, un liquide verdâtre à la main.

— Fais-moi confiance. Le goût est plutôt amer, mais avec ça tu te réveilleras au sommet de ta forme.

C’était plus fort que lui, Nahul lui faisait confiance. Son charisme, sa douceur... Et le vieil homme ne lui avait-il pas sauvé la vie ? Il n’eut pas le temps de s’inquiéter de ce qu’il avait ingéré. Il s’endormit instantanément.

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