Irréparable

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Mais tout pouvait encore changer. Elle touchait du bout du doigt cette fabuleuse chance de revenir en arrière, et de mettre fin à tout cela. Elle le voyait, et plus important encore, elle y croyait.

Elle était heureuse, c'était si fort, incontestable. Elle la voyait qui lui souriait, et c'est une explosion de bonheur dans sa poitrine. Sa vie aurait pu être différente de mille façons, pourtant elle était ici, à se dire que son existence n'aurait pas pu être plus belle.

Et elle la serre dans ses bras.

Fort.

Très fort.

Un peu trop.

Elle veut lui montrer combien elle l'aime, combien elle est heureuse de l'avoir à ses côtés.

Et tout s'effrite au moment où...

* * *


Je suis brusquement tirée en arrière.

Ce sont nos parents, qui surveillaient nos jeux, en silence, qui interviennent. Je les regarde sans comprendre, parce qu'une jeune adolescente ne peut pas comprendre pourquoi on lui refuse ces marques d'affection envers sa sœur. Et je me demande si je l'ai une nouvelle fois blessée involontairement. Je l'interroge du regard, mais elle n'y répond pas. Elle a baissé les yeux. Mais elle ne pleure pas, elle a seulement l'air triste, alors je me dis que je n'ai pas dû lui faire bien mal. Je me tourne vers nos parents, le visage fermé, pour leur montrer à quel point leur réaction est stupide, à quel point elle est néfaste, à quel point elle me blesse.

  • Qu'est-ce que j'ai fait encore ?

Ils ne répondent pas. Bordel, ça fait mal de ne pas se sentir comprise, ni même écoutée ! Alors je hurle, pour qu'ils m'entendent puisque je ne parle pas assez fort.

Est-ce pire ?

Presque. Puisqu'ils me regardent comme si j'étais l'adulte capable de les corriger.

Je jette les jouets.

Sur eux.

Sur ma sœur.

Dans tous les sens.

Et je leur crie, usant de tout mon souffle, que je les déteste pour leur silence que je ne mérite pas.

Mais j'en doute maintenant.


Rien ne s'arrange. Les années filent devant mes yeux, et je tends les bras pour les retenir, les empêcher d'amener les événements que je sais imminents, mais je n'y parviens pas. Inlassablement le même schéma se reproduit. Ils me craignent, et en grandissant, leur frayeur pour ma bêtise me plonge dans le noir complet. Je finis par ne plus prononcer un mot, par les regarder seulement quand leurs yeux sont tournés dans une direction opposée à la mienne.

Je deviens le monstre qu'ils ont enfanté.

Et moi qui me disais que je pouvais tout changer, je prends tout juste conscience que je n'y arrive pas. C'est à peine si j'essaie, car finalement je n'y pense pas vraiment. 

Le moindre de mes gestes est épié.

La moindre de mes justifications est censurée.

J'ai l'impression de devenir le vilain petit canard que l'on veut éloigner de la famille, en particulier lorsqu'il est décidé que je vivrai en internat dès ma rentrée au lycée. Évidemment, ma sœur est encore au collège, la question ne se pose pas pour elle. Pourtant, j'ai l'intime conviction que même lorsqu'elle changera d'établissement l'an prochain, elle restera à la maison tandis que je ne rentrerai que le week-end.

Ils m'éloignent.

Mais si ce n'était qu'eux. Elle aussi me regarde de biais comme si je lui faisais peur.

Comme si je pouvais lui faire du mal.

Alors que j'en suis tout bonnement incapable.

Ce mépris affiché à mon égard me ronge ; Je vais mal finir si ça continue comme ça.

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