Partie VI - Cruel Dilemme (Karel et bigboss mystérieux)

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[SPOIL FIN]


Karel n'en revenait pas d'être de retour dans cet horrible bâtiment. Ce bâtiment déguisé en totem mécanique géant, qui avait servi aux expériences les plus morbides sur son ancien Maître. La première fois lui avait amplement suffit.

Ce que cet homme appelait "Arme". Cette arme qui avait réussi à maudire les Dragons et qui était à l'origine de tous les malheurs de Weylor depuis deux siècles. Ce réceptâcle odieux visant à utiliser Serymar comme catalyseur pour anéantir Dragons et tout possesseurs de magie autres que cet homme à l'oeil sans âme. Un homme qui avait causé bien des tragédies : les Dragons, les catastrophes dans le pays, la misère provoquée par leur absence, la vie brisée de son Maître, la mort violente de Syriana et d'Aëlys, et enfin, sa propre famille condamnée à être brisée.

Karel effleura le pommeau de son artéfact et tenta d'appeler ses pouvoirs. Sans surprise, il sentit quelque chose d'invisible lui enserrer la gorge et ses pouvoirs ne se manifestèrent pas : la pièce disposait d'un système d'anti-magie.

  • Je me disais bien que m'avoir laissé mon artéfact était étrange... songea-t-il.

Dans ce silence et cette solitude entre ces murs lisses et blancs couverts de rouages, son angoisse lui revint : il avait été séparé de manière brutale de ses amis et de sa soeur, et ignorait ce qu'il était advenu d'Elma et de Serymar. Il devait à tout prix sortir d'ici.

  • Pourvu que Wil parvienne à faire ce qu'il souhaite... pria-t-il.

Il ignorait si son ami s'était également fait attraper. Le jeune marin était le plus à même de pouvoir désamorcer cette arme grâce à ses talents de mécanicien. Un talent que l'anti-magie ne pourrait affecter.

Peut-être devait-il faire en sorte de gagner du temps pour permettre à Wil de réussir ? Sans parler, la tâche serait ardûe, mais Karel avait également appris qu'il pouvait parfois jouer sur l'incompréhension qu'il pouvait générer malgré-lui.

Une porte grinça et Karel essaya de ne pas frissonner en entendant le pas lourd et menaçant de l'homme à l'oeil de verre. Rester calme. Même si sa seule envie était de se jeter sur cet homme pour l'attaquer et le mettre hors d'état de nuire. La Prophétie disait qu'il devait mettre hors-jeux Serymar, elle mentionnait également cet homme. Si Karel s'était toujours rebellé contre l'idée de s'en prendre à son ancien mentor, les raisons pour arrêter cet être lui étaient bien plus motivantes.

Il se retint de lui faire face. Être fixé par ce regard superficiel et dépourvu d'âme lui était très perturbant. Sans compter le reste de son corps. Ce n'était plus un homme. Karel se souvint avec effroi de l'avertissement de Valkor : il s'agissait d'un ancien Apokeraos, qui s'était mutilé atrocement pour ressembler prétendument à un humain. Le reste de son visage couturé avait été autrefois gravement ravagé par Syriana dans une tentative désespérée de lui échapper.

L'être le rejoignit de son pas lourd et claudiquant. Son ombre recouvrit le jeune homme. Karel garda une posture droite afin de ne pas montrer la moindre faille.

  • Enfin seuls, Enfant de la Prophétie, grinça sa voix semie normale, depuis le temps que j'attendais ce moment.

Karel fit de son mieux pour rester impassible, même s'il n'en menait pas large. Il se sentait démuni et angoissé. Peut-être que cet homme immonde n'aurait pas répondu à ses questions s'il avait eu une voix pour les exprimer. Mais au moins, il aurait pu expulser ses questions et invectives de ses lèvres. Il ne supportait décidément plus ce sentiment d'être prisonnier à l'intérieur de lui-même.

Le sol bougea et une trappe jusque-là invisible s'ouvrit. Un panneau de commande monta et se figea. L'homme le dépassa, et expliqua :

  • Le sang de Dragon est un présent offert par Illuyankas. De ce fait, celui-ci m'appartient. Le Pouvoir Universel t'en a donné, de ce fait, tu m'appartiens aussi. Me voilà donc satisfait de te savoir ici. Tu vas m'aider à instaurer la supprématie qui me revient.

Karel lui répondit par un regard indigné et recula d'un pas, comme pour lui dire qu'il refusait de coopérer à quoi que ce soit de la sorte.

  • Où sont mes amis ? Où est ma soeur, ordure ?
  • Bientôt, tu comprendras, affirma son interlocuteur, je te le promets. Mes nombreuses expériences avancées pourraient même te permettre... de parler véritablement.

Karel se figea et répondit par un regard noir.

  • Vous pensez vraiment m'avoir avec ce stratagème ?

Bien sûr qu'il ressentit cet espoir qu'il avait enterré jusqu'au plus profond de son être ressurgir, et Karel en voulut à son interlocuteur pour ça. Cet espoir vain l'avait toujours fait souffrir, et cet homme le savait. Karel avait passé de nombreuses années avant d'accepter sa condition, ainsi que tous les problèmes que ça lui engendrait au quotidien. Des conséquences qui avaient manqué de lui faire baisser les bras à de nombreuses reprises, à l'idée de se retrouver dans un monde où il ne serait jamais compris, mis à part quelques exceptions. Vivre dans un monde où la moindre demande du quotidien s'avérait d'une difficulté parfois extrême, dans un monde où on surinterprétait la moindre de ses réactions en lui collant des psychées qu'il n'avait pas lui avait toujours été épuisant et difficiles à vivre. Au point où le jeune homme avait fini par tomber dans une complaisance inconsciente qui lui avait ôté toute force de se battre et de faire le moindre effort pour s'intégrer, surtout après tant d'essais infructueux pour une particularité qu'il n'avait jamais choisi.

Mais depuis, il avait voyagé. Il avait rencontré de nombreuses personnes. Certaines s'étaient montrées condescendantes à son égard, mais d'autres non, bien au contraire. Karel avait appris à faire la part des choses, et entamer ce périple avec des amis qui lui avaient fait sentir que sa mutité n'était en rien un problème, chacun à sa manière, l'avait mieux aidé à accepter sa condition. Contrairement à Serymar, Karel avait eu la chance d'avoir réussi à bien s'entourer. Wil avait même réussi l'exploit de pousser Karel à en rire parfois, lorsque le Sorcier de l'Eau jouait sur cette particularité pour le provoquer gentiment.

Si autrefois, Karel aurait cédé à cette proposition fort tentante, aujourd'hui, il était plus fort. De toute manière, il n'avait pas besoin de réfléchir de manière poussée pour comprendre qu'il valait mieux ne rien accepter de cet homme.

L'homme s'approcha des commandes et lui fit face :

  • Ce n'est pas une proposition, c'est un projet que je mettrai en oeuvre dès que toute cette histoire sera terminée. Parler avec les gestes, quelle absurdité... tout le monde devrait parler le même langage, tu ne devrais pas faire exception. Tu devrais être fier de servir de premier cobaye pour tester ce procédé.

Karel eut du mal à rester impassible.

  • Cet homme ne cessera-t-il donc jamais de considérer les autres comme des objets expérimentaux ?
  • Mais avant, place à la première expérience, reprit-il, je dois savoir comment procéder pour modifier ta manière de réfléchir. Crois-moi d'expérience, rien de tout ce que ma créature a pu t'apprendre n'est bénéfique pour des hommes censés être supérieurs comme toi et moi. Et pour commencer, il est temps de t'affranchir de tes liens.

Karel sentit un frisson glacé lui remonter l'échine, redoutant la suite. L'homme lui désigna les commandes de manière plus précise :

  • Abaisse cette commande, et tes amis succomberont complètement. Quant à celle-ci, elle permet d'activer l'Arme dans laquelle nous nous trouvons. L'Arme est enfin entière, le Pouvoir Universel a enfin pu y être reliée.

Karel ne fut plus capable de se contenir et envoya un regard effaré à son interlocuteur en comprenant ce qui lui était imposé.

  • Le Maître a donc échoué...

Son interlocuteur n'eut pas besoin de plus s'expliquer. Karel comprit parfaitement qu'il lui était demandé de choisir entre la vie de ses amis et de Lya, et celle de son ancien mentor. S'il choisissait de sauver ses amis, ça serait au prix de l'anéantissement des Dragons et de Weylor toute entière, en plus de condamner son ancien mentor à une vie vide de toute vie. L'autre solution ne lui convenait absolument pas non-plus.

  • Wil, as-tu été capturé aussi ? Si ce n'est pas le cas, je t'en supplie, dépêche-toi, pria-t-il.

C'était son dernier recours. Il devait gagner du temps, coûte que coûte. Ne sachant que faire, Karel tenta le tout pour le tout. Son artéfact restait une arme. Alors il tira son épée et se jeta aussitôt vers le panneau de commande dans l'espoir de le détruire.

Un lance mécanique lui transperça violemment la hanche, et un revers de main mécanique le propulsa plus loin sur le sol, avant même qu'il ait pu atteindre son objectif. Karel grimaça d'une intense douleur qui ne put s'exprimer, ses mains comprimées sur sa blessure.

Il n'eut pas le temps de s'en remettre qu'une poigne métallique le saisit par le col. Karel rencontra le regard terrifiant de son interlocuteur. Un oeil de serpent, l'autre en verre rouge.

  • Je vois que mon Expérience t'a aussi doté de son indiscipline et de son esprit de rébellion, éructa-t-il avec colère, mais patience : ça ta passera lorsque j'aurais effectué les modifications nécessaires sur toi ! Il est important pour ce processus que tu fasses ce que je te demande, afin de briser ce conditionnement qui t'a forgé ! Comme moi, tu te dois de te couper de tous ces liens pour devenir supérieur ! Il ne manque que peu de choses pour que tu sois parfait ! Comment peux-tu refuser une telle offre ?

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