Acte I. Scène 2

7 minutes de lecture

Dimanche 27 février 2022 – 12h00

JOSEPHINE : Bonjour Gabin ! Maude n'est pas venue avec toi ?

GABIN : Non, elle n'est pas venue. Elle te souhaite un joyeux anniversaire. Et moi aussi, encore une fois.

JOSEPHINE : Merci encore pour votre message de jeudi. J'ai beaucoup aimé votre remarque. C'était quoi déjà ?

GABIN : Vingt-trois ans le vingt-trois février 2022, c'est vingt-trois fois plus de bougies à souffler qu'un an le premier février 2022. C'était juste une remarque absurde, parce que là la date est identique à l'âge, mais la remarque en elle-même n'a aucun lien. C'est aussi vingt-trois fois plus de bougies à souffler qu'un an aujourd'hui, ou à n'importe quelle autre date, en fait.

JOSEPHINE : Oui, c'était une remarque absurde ; mais c'est ça qui m'a fait rire. Pourquoi Maude n'est-elle pas venue ?

GABIN : Elle n'avait pas trop envie.

JOSEPHINE : J'oublie tout le temps à quel point t'es rigolo. Et en vrai ? Elle avait encore une représentation ?

GABIN : Non, mais c'est vrai qu'elle en a eu pas mal ces derniers temps. Tu as vraiment bien fait de lui conseiller de s'inscrire dans un groupe de théâtre. Elle adore ça ! Aujourd'hui, elle n'était juste pas trop d'humeur à venir. L'ambiance fête de famille tout ça, elle n'avait pas trop envie. Mais ce n'est pas par rapport à toi. D'ailleurs, on serait ravis de t'avoir à dîner un soir de la semaine prochaine, si ça te dit. Il faudra que je te donne ton cadeau en plus, parce que c'est quelque chose que j'ai commandé et la livraison a eu un peu de retard.

JOSEPHINE : Pas de cadeau et pas de Maude, que de déceptions. Tu me crèves le cœur Gabin !

CHARLOTTE : Bonjour Gabin. A peine arrivé et déjà en train de crever le cœur de la reine de la journée, à ce que j'entends.

JOSEPHINE : Ah mais non, Tata, pas du tout. Je plaisantais, c'est tout. C'est juste dommage que Maude ne soit pas avec nous aujourd'hui. Mais avec plaisir, Gabin, pour venir chez vous la semaine prochaine. Je n'ai rien de spécial de prévu, donc quand vous voudrez.

CHARLOTTE : Vous vous êtes encore disputés, c'est ça ?

GABIN : Mais enfin Maman, pas du tout ! Puis pourquoi "encore" ? On ne se dispute quasiment jamais, tu sais.

CHARLOTTE : Tu parles. Chaque fois que vous êtes tous les deux, vous êtes en train de vous chamailler.

GABIN : Figure-toi que c'est pour ça qu'elle ne voulait pas venir.

CHARLOTTE : Ah, tu vois. J'avais raison.

GABIN : Mais non ! Ce n'est pas parce qu'on s'est chamaillés ou quoi. C'est à cause de ce type de remarques de ta part.

CHARLOTTE : Excusez-moi de m'inquiéter du bonheur de mon fils !

JOSEPHINE : Moi, je trouve que Gabin et Maude ont l'air très heureux ensemble. En fait, je devrais probablement faire ça comme vœux en soufflant mes bougies : avoir un jour une relation aussi épanouie que la leur.

GABIN : Merci Joséphine. Je confirme, Maman, que je suis très heureux. Que nous sommes très heureux avec Maude. A tel point que même ce genre de remarques ne ternit pas notre bonheur. Mais ce n'est pas pour autant que c'est spécialement agréable de se sentir jugés. Et puis, même si ce n'était pas le cas, si on se disputait ou quoi, ça ne te regarderait pas, en fait. Ce ne sont pas tes affaires.

CHARLOTTE : Bien sûr que ça me regarde ! Le bonheur de mon fils, j'en fais une affaire personnelle.

GABIN : Et il ne t'est jamais venu à l'idée de traiter cette affaire personnelle en te souciant de ton propre comportement plutôt que de celui de Maude ?

JOSEPHINE : Ouhla, calmez-vous ! Allez, on change de sujet. C'est mon anniversaire, c'est moi qui décide.

CHARLOTTE : Pas la peine, je vais partir de l'autre côté.

JOSEPHINE : Je suis désolée, Gabin, je ne voulais pas créer tout ça. Moi je vous admire beaucoup, Maude et toi. Même ça, de dire qu'elle ne vient pas parce qu'elle n'a pas envie. Vous m'époustouflez en fait. Ça ne me serait jamais venu à l'idée de dire ça comme ça. Je me serais sentie obligée de trouver une excuse. Avec vous, tout a l'air tellement simple ; toujours.

GABIN : Tu sais, Joséphine, les choses sont simples quand on décide de les considérer comme telles. Et compliquées quand on décide de les compliquer, comme c'est visiblement le choix de certaines personnes.

JOSEPHINE : Au final, ce n'est pas grave si ton cadeau n'est pas arrivé. Car tu me fais déjà plein de cadeaux aujourd'hui, avec toute cette sagesse.

GABIN : C'est bien la première fois qu'on me considère comme quelqu'un de sage.

THIERRY : Je confirme.

GABIN : Bonjour, Papa. Décidément, Maman et toi allez très bien ensemble.

THIERRY : Que me vaut cette remarque ? C'est la chemise assortie à la couleur de ses chaussures, c'est ça ? Je savais que c'était trop. C'était son idée, bien évidemment.

GABIN : C'est vrai que le mauve n'est pas la couleur avec laquelle ça passe le plus inaperçu. Mais pour tout te dire, ça ne m'avais pas sauté aux yeux. Je parlais plutôt d'une certaine harmonie dans les entrées sympathiques que vous choisissez de faire pour me saluer.

THIERRY : Maude n'est pas avec toi ?

GABIN : L'harmonie continue.

THIERRY : Si l'harmonie continue entre vous, j'en suis très heureux, fils. Tu sais, c'est très important l'harmonie dans un couple. Et quand je dis ça, je ne parle pas d'accorder la couleur de vos vêtements.

JOSEPHINE : Je crois que Gabin parlait de l'harmonie entre tata et toi, plutôt. Elle a posé la même question.

GABIN : Bien vu, Joséphine. Mais s'il faut être honnête, tu l'as posée aussi. Je suppose que ça ne veut pas dire grand chose. Mais je confirme quand même, vu qu'apparemment il le faut, qu'entre Maude et moi l'harmonie est toujours au rendez-vous également.

THIERRY : Et toi, Joséphine ? C'est quand que tu nous amènes un petit amoureux ? Tu fais quel âge déjà ? Vingt-et-un ?

JOSEPHINE : Vingt-trois jeudi dernier, tonton. Ce n'est pas très dur à retenir : je suis née un mois après Gabin.

GABIN : Il ne connaît pas mon âge non plus, c'est pour ça.

THIERRY : C'est vrai, je l'avoue. Il y a des choses bien plus importantes dans la vie à retenir que des chiffres. Les chiffres ne sont pas grand chose. Mais les gens qui nous aiment, ça c'est important. Et toi, Joséphine, tu es tellement adorable. Je ne comprends pas que personne ne se soit encore amouraché de toi.

GABIN : Alors que, même de Gabin, quelqu'un à réussi à s'amouracher.

THIERRY : Tu sais, nos nouveaux voisins ont un fils qui doit avoir ton âge. Ça a l'air d'être vraiment un bon garçon : sérieux, ambitieux, respectueux. On pourrait te le présenter, si tu veux.

JOSEPHINE : Non merci, Tonton. Ce serait beaucoup trop gênant. Mais je tiens quand même à préciser que ce n'est pas que personne ne s'est amouraché de moi. C'est moi qui ne me suis amourachée de personne. Enfin, récemment du moins. Et avant, de personne avec qui ça ait marché, en tout cas.

THIERRY : Pourtant, tu n'as pas l'air d'être une fille difficile.

GABIN : Alors que même un gars aussi critique que Gabin a réussi à trouver chaussure à son pied.

THIERRY : Bah, je suppose que c'est une histoire de chance. La bonne personne, au bon moment, dans les bonnes circonstances. Ça ne devrait pas être trop compliqué je pense, de trouver quelqu'un qui convienne à une fille si douce et agréable que toi. Mais parfois, il faut savoir donner un petit coup de pouce au destin.

JOSEPHINE : Peut-être. Mais me présenter le voisin, je ne le sens vraiment pas. Ça ne serait carrément pas naturel. Et puis, je ne suis pas si désespérée que ça. J'ai toute la vie devant moi. Et je préfère laisser faire le destin. Je suis peut-être trop romantique, mais j'ai envie d'avoir une belle histoire d'amour. Des circonstances de rencontre qui fassent rêver.

GABIN : Et puis sérieux, ambitieux et respectueux ; ce n'est pas non plus un portrait qui fait rêver.

JOSEPHINE : Disons, c'est vrai qu'un peu plus de fantaisie pourrait être appréciable. Et ambitieux, je ne suis pas certaine que ce soit une qualité. Mais bon, moi, ce n'est pas tant le portrait qui me dérange. Peut-être que c'est un garçon très charmant, et que si je le rencontrais dans d'autres circonstances, il pourrait se passer quelque chose. Je pense qu'on ne peut pas savoir ce qu'on va ressentir tant qu'on n'a pas la personne en face de soi. Mais c'est vraiment l'histoire de la rencontre arrangée, je ne sais pas, ça a quelque chose d'un peu abject. Ou désespéré du moins. Et le charme d'une personne, je pense qu'il a aussi trait aux circonstances.

GABIN : Je ne suis pas certain d'être d'accord avec ça. Tu parlais de fantaisie, Joséphine. Pour moi, ce qui compte, c'est la fantaisie qui vient colorer chacune de tes journées quand tu es amoureux. Si tu as de la fantaisie tous les jours, peu importe que le chemin pour en arriver là ait ou non été surprenant ou spécial. Il n'en a pas besoin, en fait. Si tu as de la surprise et quelque chose de spécial dans ta relation, c'est ça qui compte. Peu importe l'histoire. Peu importe le début de l'histoire, en tout cas.

JOSEPHINE : Peut-être. Mais quand même, une jolie histoire d'amour, ça fait rêver.

GABIN : Je comprends. Mais une jolie relation, ça fait encore plus rêver.

THIERRY : Pour une fois, je suis d'accord avec Gabin. Tu sais, Charlotte et moi, on n'a pas spécialement une jolie histoire. Je ne sais même plus trop comment on est tombé amoureux en fait. On était à l'école ensemble, et ça a dû venir avec le temps je suppose. Je pense qu'on passait du temps ensemble, alors tout le monde a commencé à nous considérer comme des amoureux : les autres élèves, et nos parents surtout. On a dû finir par se laisser prendre au jeu.

GABIN : Je suis d'accord avec ça, mais pas avec le fait qu'il faille pour autant accepter une rencontre arrangée avec le voisin. Surtout que ce gars a l'air d'être d'un rasoir pas possible !

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