Dortoir

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Aujourd’hui, j’adopte le mot « Dortoir ».

Il faut procéder dans l’ordre et ce dortoir sera très utile pour le confort des autres mots adoptés à la Dicodanerie.

C’est que j’en ai connu des dortoirs depuis ma plus tendre enfance. Des grands, des petits, des avec box, des sans box.

J’en ai connu dès l’âge de cinq ans, dans une maison de convalescence pour enfants, tenue en particulier par sœur Marie Céline et sœur Saint Paul.

Mais je les ai surtout connus dès mon arrivée, à onze ans, dans un austère collège de Jésuites. Le jour de la rentrée scolaire, il suffisait de suivre ses valises pour trouver les dortoirs.

Ils occupaient le poulailler du bâtiment central (Peut-être faudrait-il que j’adopte aussi le poulailler. Nous verrons plus tard). Quatre rangées de lits, séparés par leurs tables de chevet en bois blanc, s'alignaient parfaitement sous les immenses poutres du toit.

Les privilégiés disposaient d'un lit dans une alcôve, mais devaient payer le prix de cette intimité supplémentaire en se cognant la tête chaque fois qu'ils se levaient couchaient levaient.

La penderie était collective, et les lavabos étaient avantageusement remplacés par une auge inclinée, que longeait un tuyau, percé à intervalles réguliers de petits robinets d'arrosage. L'eau glacée remplaçait l'eau froide et l'eau chaude, et coulait, soit en un jet minuscule et nerveux qui vous griffait la peau, soit au goutte à goutte, ou pas du tout, selon l'extrémité du tuyau sollicitée et la fréquentation des lieux.

Il fallait être habitué aux randonnées de scouts, et avoir un sens aigu de la propreté pour prolonger les ablutions matinales.

Tout était spartiate, sauf les WC qui étaient turcs et où on allait plus par besoin que par envie, tant ils évoquaient la campagne automnale au moment de l'épandage fertiliseur.

J’adopte le mot dortoir car « un mot tu est un mot foutu » et force est de constater qu’il y a de moins en moins de dortoirs. D’ailleurs, celui dont je vous ai parlé a brûlé sous mes yeux par une nuit glaciale de l’hiver 61.

L'incendie avait pris des proportions inimaginables. Le vent attisait un feu qui se nourrissait de bonnes poutres bien sèches et de tout le bric à brac en bois qu'elles abritaient depuis les siècles et des siècles, amen.

Les pompiers des casernes avoisinantes arrivaient en renfort dans la cour d'honneur du collège, car les températures exceptionnelles de cette nuit là créaient des difficultés inattendues. Vingt degrés en dessous de zéro les avaient transformés en statuts de glace. Leur efficacité était amoindrie. L'un d'eux, le visage noirci et les cheveux roussis, cherchait en vain à descendre. Nous en avions déjà trop vu et nous ne verrions pas la suite.

L'heure était inhabituelle. Je veux dire que les soirs sans incendie, nous étions couchés depuis longtemps. On nous rassembla, donc, pour nous conduire dans un autre collège de la ville, car notre dortoir risquait de brûler d'un instant à l'autre. Nous partîmes, en rangs par deux, et fîmes un grand détour pour éviter le lieu du sinistre. Spectacle étrange que ces potaches déambulant dans les rues glacées au milieu de la nuit...

Il nous faut encore attendre dans un couloir mal éclairé que l'on retrouve les clés d'un dortoir désaffecté à défaut d'être désinfecté. Mais enfin, il ne fait plus que moins dix au lieu de moins vingt. On a presque chaud lorsque l'on pénètre dans un ancien dortoir sous les toits (c'est fou ce qu'il peut y avoir comme dortoirs sous les toits !) où se trouve un alignement de lits, sans matelas, ni couvertures, ni draps, ni polochons, ni oreillers, ni tables de nuits, ni pots de chambre, ni pantoufles, ni pyjamas, ni sommeil ...

Finalement, nous nous endormirons tout de même sous nos couvertures, harassés de fatigue, emportés par nos cauchemars, et inquiets du lendemain !


Mais tout ceci est une autre histoire qui commence ici https://www.scribay.com/read/text/938281099/penco-chez-les-jesuites

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