¢нαριтяє ɪɪɪ : Le fin mot de l'histoire - partie 3

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  • Un ultimatum ? Elle vous a fait chanté entre guillemets ?
  • Oui, c'est à peu près ça. Elle a pris une photo de moi lorsque je déployais mes ailes. Puis lorsqu'elle a vu qu'une photo ne suffisait pas, elle a commencé à me prendre en vidéo, à m'enregistrer.
  • Mais vous n'avez rien vu ?
  • Si. Mais qu'est ce que je pouvais faire ? Je ne suis qu'un courant d'air dans son monde. Je peux faire tomber des objets, influencer les émotions, mais mes pouvoirs doivent resté discret. Je suis comme un nuage dans le ciel ; je me laisse porter sans raison apparente au grès du vent. Et pourtant j'influence en bien le monde en faisant pleuvoir de temps à autres.
  • Pour un ange gardien, vous ne faîtes pas grand chose.
  • Je l'aide à prendre les bonnes décision en agissant sur le cœur de tous les problèmes humains : les sentiments.
  • Pourtant ça n'a pas l'air d'avoir suffit avec Ophélie ?
  • Parce que je n'avais pas que les siens à gérer.

L'homme me regarde, les yeux un peu écarquillé, comme s'il pouvait comprendre la gravité de ce que j'étais entrain de lui exposer.

  • Je n'ai pas réussi à garder la tête froide, ce soir où elle a revu Marc.
  • Le serveur ?
  • Oui.
  • Que s'est-il passé ce soir là ?

Je ferme les yeux, prend une longue inspiration. Il s'agit là du dernier point de mon histoire. Le plus dangereux. Le plus tragique. Je ferme les yeux et ma bouche parle seule ; je ne veux pas lire dans les yeux du barman son jugement.

La table est belle, bien dressée. Nous ne sommes pas au café contrairement à ce qui était convenu.Ophélie a reçu un message de ce dernier lui disant qu'il préférait qu'il dîne seuls, en tête à tête chez lui, ses parents étant absents. Ma protégée était en joie. Elle s'était fait « belle ». Elle portait une robe rouge au décolleté extravaguant. Des talons qui lui détruisait la voûte plantaire. Du maquillage qui alourdissait ses traits de manière affreusement banal. J'assistais à tout cela comme un spectateur.

Ophélie attend avec impatience le café dans cette salle à manger où les volets sont tirés, la nuit étant déjà bien installées, lui interdisant de regarder le ciel.M'interdisant également de façon détournée d'agir. Durant le repas, lorsque Marc à le dos tourné, elle me jette des regards insistants. Elle me menace sans un mot de balancer tout ce qu'elle a récolté sur moi sur internet si je n'agite ne serait ce que le petit doigt – et Dieu sait ce que je peux faire rien qu'en agitant le petit doigt. Je peux détruire ce sentiment qui fait voleter des papillons dans son ventre. Je peux déclencher de multiples catastrophes qui gâcheront leur dîner. Mais je n'y parviens pas. Je me dis que le fait qu'elle est de quoi prouver qu'elle est protégé par un ange est la raison de ce blocage. Mais au fond, je sais qu'il n'en est rien.

Je crains cependant la réelle raison de ma peur. Un archange n'est pas fait pour avoir des sentiments. Et je ne veux pas devenir autre chose qu'un archange. Je ne veux pas être déchu. Je ne veux pas décevoir ce ciel qui m'observe à travers les lames en plastique des volets. Ce ciel noir qui me foudroie du regard, m'intime d'agir, de ne pas laisser les choses se faire. Mais je reste passif, je ferme les yeux sur les signes que l'ont m'envoie.

Ils se regardent, ils se dévorent du regard bien plus qu'ils ne mangent. Ils rient, parlent de tout et de rien. Quelque chose que je n'ai jamais pu faire avec elle. Trop sérieux, trop tragique, trop mélancolique. Trop angélique. Trop moi. Ça faisait beaucoup de trop.

Je vois leurs mains tenter de se joindre, je retiens mon souffle. Elles se ravisent, je respire de nouveau. Je pense à la destruction que va causer leur amour. Me rend compte que je ne pense plus qu'il est impossible qu'elle sorte avec cet homme qui lui sourit de ses dents parfaites. Je l'envisage même très sérieusement. Le côté gauche de ma poitrine pèse une tonne.

Je vais faire quelque chose.

Le café arrive, Ophélie le regarde avec un sourire.

  • Un café avec un nuage de lait s'il vous plaît garçon ! Plaisante-t-elle.

Elle ne m'a jamais taquinée. Marc sourit à cette remarque. J'aurais voulu lui sourire de cette manière. Il part en cuisine préparer la « commande ». Pendant ce temps, Ophélie en profite pour me regarder avec insistance. Elle sait que si je n'interviens pas, ce café achèvera de faire tomber Marc sous son charme. Moi, je pense à leurs mains qui n'ont pu se joindre tout à l'heure, me dis qu'elle se fait sans doute des idées. Que Marc n'est pas si amouraché que ça. Les bougies, les roses offertes en début de soirée, l'ambiance tamisée me sourient narquoisement.

Je dois faire quelque chose.

Marc revient avec deux tasses fumantes. Le nuage flotte insolemment dans celle d'Ophélie. Il est aussi blanc et pur que ceux du Paradis. Ophélie le regarde, intensément. Je regarde attentivement son visage. Mais il ne se transforme pas. J'ai un mouvement de recul. Ophélie ne le perçoit même pas, concentrée à paraître belle, inconsciente que son charme n'opère plus. Je la regarde, un pincement au cœur. Le ciel est entrain de l'abandonner. Elle va payer le prix de manière forcée. Je vais lui faire payer le prix de manière forcée. Je vais devoir continuer à la surveiller tandis qu'elle perdra peu à peu sa fraîcheur et son charme, déchue à sa manière.

Ais-je échoué ? Non. Désormais, elle ne pourra plus plaire. C'est une certitude. Mais plus je la regarde, et plus je me demande si son visage a toujours été si beau au naturel, sans ciel, sans nuage de lait, sans théorie. Ses yeux sont magnifiques, resplendissants comme des joyaux. Sa bouche est délicatement ourlée, rosée, pulpeuse. Ses joues légèrement fardées sont désirables. Ses sourcils sont agréables, suivant ses émotions de manière incroyablement belle et gracieux.

Je ne peux rien faire.

Ophélie n'a pas besoin du ciel, elle n'en a jamais eu besoin. Elle a déjà tout ce que l'on pouvait désirer chez une femme. Je m'alarme. Mon poud s'accélère. Puis s'apaise. Marc est comme les autres. Sans la beauté accordée parles cieux, Ophélie ne se démarque pas des autres à ses yeux. Il attend sans doutes cette jeune fille idyllique qu'il avait vu,plongée dans ses pensées ce jour là au café, ignorant qu'Ophélie ne pourrait plus jamais reprendre ce visage. Il ignore que le ciel est entrain de l'abandonner parce qu'elle a trop longtemps refusé son aide.

Mais Marc n'a que faire de ce que je pense. Il se fiche des punitions divines, n'en a même pas conscience. Il saisit sous mon regard impuissant le menton d'Ophélie.Celle ci relève les yeux de son café, étonnée.

Sans plus attendre, leurs lèvres se scellent. Scellant avec elles leur amour. Et la fin prochaine de l'humanité.

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