Chapitre 12

9 minutes de lecture

« Merci pour les mots que tu m’as dits. » J.Henley

Revêtant rapidement ma tenue de sport pour ne pas perdre de temps, je ne peux qu’être dépitée et anxieuse des deux prochaines heures à venir. Je ne veux pas le voir. L’éviter le plus possible me permettrait de l’oublier plus facilement… Non ? Un soupir s’échappe de mes lèvres, tandis que je me baisse pour mettre mes baskets. Je ne dois pas penser cela, ni laisser les larmes prendre à nouveau le dessus sur ma volonté. Même si j’ai vaguement songé à sécher le cours en prétextant un mal de tête, au fond de moi, je sais pertinemment que ça ne changerait rien. Le fuir quelques heures, et après ? Jouer les lâches et les faibles ne me ressemble pas. Lacets noués, je me redresse et range mes affaires dans le casier, avant de sortir des vestiaires en traînant un peu des pieds.


 Des voix familières m’informent sur les personnes qui marchent dans ma direction et je relève la tête, croisant le regard mauvais de Phoebe – je n’oublie pas notre petite joute verbale – tandis que Lauren fait semblant de ne pas me voir. Qu’elle ne s’inquiète pas, son existence m’indiffère totalement elle aussi. Les ignorant, je poursuis mon chemin d’un pas lent et m’assois contre le mur du gymnase, levant les yeux vers le ciel grisonnant. Inutile de préciser que le sport n’est réellement pas ma tasse de thé – à part deux ou trois activités – et qu’avec Alan Brown comme enseignant, ça l’est encore moins ! Peu d’élèves peuvent se vanter de réussir à suivre sa cadence, hormis quelques rares exceptions…


Rires moqueurs et soupirs ennuyés s’élèvent de l’assemblée jusqu’à ce qu’il entre à l’intérieur du gymnase, vivement imité par les élèves, moi y comprise. Filles d’un côté, garçons de l’autre, Monsieur Brown commence alors à faire l’appel et je lâche un vague « présente » à l’entente de mon nom, avant de ramener mes genoux contre la poitrine pour y poser mon menton. Trois filles à ma droite se complaignent sur leur sorti shopping gâché par la pluie, et j’ai bien du mal à réfréner l’envie de rire qui me tiraille en les écoutants parler. Ce n’est que de la pluie, elles ne vont pas en mourir non plus ! Et j’en connais d’autres qui seraient bien du genre à se plaindre de la sorte, mais nul besoin de les citer.


Une voix aigüe, parfaitement désagréable à mon oreille s’élève alors dans l’assemblée, meuglant un « excusez-nous Monsieur ! » Qui me fait grimacer et relever brièvement la tête dans leur direction, avant de détourner aussitôt mon regard. Quand on parle du loup… Certes, la vue de Lauren m’écœure au plus haut point, mais c’est encore incomparable face au sentiment de dégoût que j’éprouve envers lui, se tenant à sa gauche. Lui, ainsi que toute la bande – raison de plus pour regarder ailleurs. On se voit plus tard. Cherchant des yeux celui qui m’a tenu compagnie à midi, je jette des regards furtifs un peu partout avant de finir par l’apercevoir à l’opposé de l’endroit où je me trouve, assis un peu en retrait des autres garçons. Il n’a probablement pas dû me voir, mais de toute manière, je n’ai pas non plus envie de lui imposer ma présence. Je lui suis déjà tellement reconnaissante de sa gentillesse à mon égard, même si cela n’aura duré que quelques minutes. Et puis, je passerais plus pour une stalkeuse si j’allais l’aborder maintenant !


  • Bon, vu le temps, on n’a pas vraiment le choix, il va falloir se partager le gymnase. C’est dommage, je vous avais prévu plusieurs séries de relais les filles, je suis sûr que vous auriez adorer ! Ajoute-t-il en levant le pouce dans un large sourire, posture absurde qu’il a toujours eue l’habitude d’arborer.

Je lève les yeux au ciel, et surtout vers eux. Du relai… Haha. Chers Dieux, en ce jour, je vous bénis vivement !

— certains parmi vous ont des idées à proposer ?

— Moi ! Monsieur Brown, moi ! S’exclame aussitôt Noah Davis, fervent admirateur de notre professeur d’éducation sportive – accessoirement élève et ami de sa classe.

— Oui Noah?

— Pourquoi pas du volley, ou alors du basket ? On pourrait faire un tournoi !

— Oh, j’aime ! Idée sensas’ mon petit gars ! Réponds l’homme à la coupe au bol, dans un clin d’œil à l’attention de l’intéressé.

Mes yeux se sont posés mécaniquement sur le jeune homme à la même coupe de cheveux affreuse et hirsute, et un sourire étire légèrement mes lèvres. Noah… Infatigable comme toujours. Sans doute le plus grand fanatique de sport que j’ai jamais vu, véritable pile électrique à l’image de Brown, à qui il voue une totale admiration – plus fan que lui, tu meurs ! Membre du club d’art-martial du lycée, il n’y a pas un jour où je ne l’ai pas vu s’entraîner avec ardeur. Ça me rend légèrement envieuse, lui au moins a une véritable passion qui le motive, un but dans la vie. Et bien que je me suis un peu mise moi-même à l’écart du groupe, je sais que Lee restera toujours sincère avec moi. Combien de fois m’a-t-il demandé de sortir avec lui pour plaisanter ? Actuellement, j’ai besoin d’espace, certes. Mais je sais que lui, lui, ne m’aurait pas tourné le dos.


  • Les autres, pas d’objections ?

— Mais les garçons sont plus forts que les filles, ce ne serait pas juste ! S’élève alors la voix criarde de Phoebe parmi le tumulte des nombreuses conversations. Et puis c’est trop brutal comme sport !

Lui lançant un profond regard consterné, je ricane intérieurement au vu de sa stupidité. Pitié. Elle a peur de se casser un ongle ou quoi ?

  • Et pourquoi pas de la danse ou de la gymnastique ? Ça changerait pour une fois !

— Comme si nous les mecs, on allait s’adonner à ce genre d’activités… Rétorque d’un ton cynique une voix masculine que je reconnais comme étant celle de Bryan Gray. Hors de question que je me ridiculise !

Des rires goguenards masculins suivent aussitôt et les conversations fusent de plus belle, tandis que j’esquisse moi-même un rictus narquois suite à la remarque de Bryan – lui aussi dans sa classe. Je n’ai pas esquissé de pas de danse depuis ceux réglementaires appris en sport durant nos années collège, sans compter qu’elle et moi ne devons probablement pas avoir les mêmes goûts musicaux… Loin de là même. Et comme l’a si distinctement souligné Bryan, qui a envie de se ridiculiser ? Quitte à choisir, je crois bien que je préférerais cent fois la course de relais… Non, mille fois plutôt.



  • Si ça t’amuse de courir derrière un ballon, personne ne te retient Bryan.

— Ça c’est du football, pas du volley-ball.

— Du calme les jeunes, du calme ! Intervient Brown en tapant dans ses mains, coupant court à la discussion. Bon vous les filles, choisissez le sport que vous voulez, je m’occupe de superviser les matchs des garçons. Ça convient à tout le monde ?

Phoebe pousse alors un petit cri de victoire, vivement imitée par d’autres écervelées tandis que d’autres ont plutôt l’air dubitatives, moi y compris. Je suis totalement blasée, non, déconfite plutôt. Me levant en secouant la tête, je m’approche timidement du prof qui beugle déjà ses instructions aux garçons.


  • Qu’y a-t-il Henley ?

— Est-ce qu’on ne pourrait pas choisir une autre activité ? J’ai deux pieds gauches, vous savez.

— Mais non voyons, la fougue de la jeunesse n’a pas de limite, même sur la danse !

— Ce n’est pas le problème Monsieur, répondis-je en arquant un sourcil, ayant grand-peine à me retenir de rire.

— Navré Henley, mais je crains que tu n’aies pas d’autres alternatives que de t’investir du côté des filles ! Je refuse que tu lambines dans ton coin, et je ne peux pas non plus te laisser jouer avec les garçons. Imagine si tu tombais face à Noah !

— Euh…

— Haha, c’est bien ce que je dis ! Allez, va donc et essaie de te donner à fond ! ajoute t-il en faisant sa pose ridicule.

— Haha, c’est bien ce que je dis ! Allez, va donc et essaie de te donner à fond ! Ajoute-t-il en faisant sa pause ridicule.

Et à peine ai-je le temps de réagir qu’il réprime déjà des élèves, s’éloignant de moi sans prévenir. Désappointée, je tourne lentement les talons pour traverser le terrain en passant sur les côtés pour éviter de gêner les garçons, rejoignant les autres filles en quelques secondes. Vu les visages ennuyés, affichés par certaines, j’en conclus que je ne suis probablement pas la seule à ne pas être d’avis à danser. C’est rassurant en soit de savoir que certaines personnes savent encore faire preuve de bon sens en ce bas monde. Il semble que Phoebe continue de mener les opérations, expliquant son idée totalement débile aux autres filles absorbées par ses paroles, alors que moi-même feins de l’écouter.

  • Qui dit danse dit forcément musique ! S’exclame-t-elle d’une voix enjouée, visiblement fière d’être au centre de l’attention. Il me semble qu’il y a un poste dans le local où on range le matériel. Comme ça, on réfléchit ensemble à une chorégraphie et on montrera le fruit de nos efforts aux mâles qui jouent derrière avant la fin du cours ! Partantes les filles ?

Si la plupart semblent emballées – phénomène de stupidité de masse sans doute – par l’idée de se trémousser et de se donner en spectacle devant un public exclusivement masculin, inutile de préciser quel est mon état d’esprit quant à cette proposition pour le moins… grotesque. Et encore, je pèse mes mots. Ça, elle ne me forcera pas à le faire, oh que non. Enfin, je me moque, mais qui sait, je vais peut-être enfin avoir un aperçu de la manière dont elle s’y prend pour allumer les mecs. Et ça, ça promet sûrement quelque chose d’inoubliable…


  • La majorité l’emporte alors ! Maintenant hum… Henley ! Beugle-t-elle bien fort, m’obligeant à décaler mon visage de quelques centimètres.

— Quoi ? Répondis-je froidement, peu désireuse d’échanger ne serait-ce que deux phrases avec elle.

— Vu que tu sembles être passionnée par ce que je dis, vas-y, on t’écoute, lâche-t-elle en posant ses mains sur ses hanches dans une posture de défi. Quelle musique tu proposes ?

La toisant du regard, je cherche à comprendre ce qui lui passe par la tête à poser cette question à moi, bien que la réponse me paraît aussi très claire. Phoebe sait pertinemment que je n’en ai rien à foutre de sa minable prestation de danse, même, que sa seule existence m’indiffère alors… Pourquoi venir me faire chier avec ça sérieux ? À part me plomber mon humeur et me faire passer pour une conne, je ne vois rien d’autre. J’ai plus envie de me barrer de cette ambiance minable, mais bon, autant me plier à son exigence pour qu’elle soit satisfaite et me fiche enfin la paix. Une chanson, une chanson… Je ne sais pas ce qu’écoute une poupée peinturée moi ! Ah, mais suis-je bête, ça ne peut être que de la m…


  • Alors ? Demande-t-elle d’un ton sec, le regard devenu noir, visiblement agacée de se faire attendre.

D’un ton aussi tranchant que le sien, je marmonne le titre de la première chanson qui m’est venu à l’esprit et son visage se détend légèrement ; ça a l’air de lui plaire visiblement, bonne pioche ma vieille ! Si ça peut me permettre d’être tranquille un petit moment…

  • Excellent choix ! Ouais, c’est bon ça, ça vous va les filles ? S’écrie-t-elle en se retournant vers la mince poignée de filles réellement emballées par ce choix.

 Du coin de l’œil j’aperçois Lauren et Tess s’empresser de partir en courant, probablement pour aller chercher le poste dans le local de sport, et j’en profite alors pour commencer à m’éloigner à mon tour, nullement désireuse de participer à leur petite comédie.

  • T’as pas de si mauvais goûts que ça finalement.

Un rictus se forme aussitôt sur mes lèvres et je tourne lentement mon visage pour lui faire face, avant d’ouvrir la bouche.

  • Détrompe-toi. J’ai juste pensé à la première chanson qui pouvait convenir à une fille comme toi. Rien de plus.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Sitraka Tiavina ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0