Chapitre 5 - La taverne des macchabées

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« ... Et si Tenebror parvient à conquérir l’Elfie, alors Nanarnya le sera aussi tôt ou tard ! Vous serez énucléés, émasculés, éventrés, éviscérés, on fera des baignoires avec votre sang et du ping-pong avec vos gonades !

— C'est terrible, ce que vous me racontez là ! » s'écria Belkaroth. Puis il se leva et leur sourit : « Bon ! Et si nous allions dans une auberge sympa ? »

Les deux elfes crièrent de joie.

La Taverne de la Bonne Fortune, située au fin fond de Nanarnya, était sans nul doute un endroit très mal famé, lieu de toutes les débauches imaginables. De jeunes femmes mal élevées — certainement des ribaudes — buvaient de la bière en riant ; l’aubergiste — probablement un bandit de la pire espèce — était mal peigné au possible ; il y avait même un insecte mort dans un coin. Quand Chlamydia et Syphilis virent cet infâme lieu de perdition, ils se demandèrent subitement s'ils avaient bien fait de suivre leur funeste guide. Mais il était trop tard, et déjà ils se retrouvaient face à l'ignoble comptoir ! Au-dessus de leurs têtes s'affichaient moultes viandes abjectes entre deux tranches de pain mou, ainsi que des gobelets renfermant d’occultes gruaux sucrés, et d'où sortaient de curieux cylindres de bois traversés d'un trou pour absorber la boisson. Le rude homme leur grogna :

« Mille excuses ma bonne dame, mais que tu ne commandasse point ton menu eût tôt fait de me créer une jolie collection d’embrouilles. Que prendras-tu donc, ma sympathique mijaurée ? »

Effarée face à un tel sabir, l’elfe ne put que se boucher les oreilles.

« Trois maxi gigots à la mayonnaise, décida à leur place le rude voleur. Et la meilleure bière de la région ! »

Il y avait quarante places de libres, mais le hasard voulut qu'ils s’asseyassent en face d'une demoiselle étrange et menaçante. Elle était rousse, avec une superbe chevelure noire, et jouait avec une dague tandis que des haches pendaient à sa ceinture en compagnie d'une épée juste à côté de son carquois. La farouche femme sauvage les dévisagea de ses yeux fraîchement fardés :

« Qui êtes-vous, qui osez vous asseoir devant Bël’vytä, la reine de la Guilde des Assassins ?

— Je suis Belkaroth, fils de Belkokoth, et voici deux elfes de l’Elfie.

— Ah, d'accord. »

Et elle se remit à jouer avec sa dague.

« Syphilis, as-tu vu ? souffla Chlamydia à sa délicate oreille pointue. C'est une tueuse de sang-froid particulièrement dangereuse et elle est à la tête d'une terrible organisation criminelle !

— Oui, je crois bien qu'il faudrait nous méfier. »

Puis ils mangèrent leur gigot.

La porte s'ouvrit en grinçant et deux hommes entrèrent dans l'auberge avec fracas. « Oyez, oyez ! clamèrent-ils en sortant une affiche. Forte récompense à qui ramènera ces deux criminels ! »

Chlamydia et Syphilis se demandèrent s'ils avaient la berlue : sur l'affiche se trouvait leurs propres visages !

« Mais enfin ! cria Chlamydia. Qu’ai-je donc fait donc ? »

Tous les regards convergèrent vers elle.

Bël’vytä fronça ses deux sourcils parfaitement épilés.

« Filez par la porte de derrière ! Je les retiens !

— Mais enfin, pourquoi faites-vous cela ?

— Je n'ai point le temps pour discuter de telles futilités ! »

Elle élança alors son splendide corps de tigresse. Le premier assaillant dut reculer sous les coups de son bras fin et gracile, tandis que le second se fit laminer le visage par des ongles parfaitement manucurés. Un autre se fit écraser le crâne d'un coup porté par sa magnifique natte. Mais elle croulait sous le nombre et disparut bientôt sous un tas d'hommes qui se jetaient sur elle plutôt que sur les deux fugitifs recherchés.

« Non ! gémirent en choeur Chlamydia et Syphilis.

— Il est trop tard pour elle ! rugit Belkaroth. Accomplissons sa dernière volonté ! »

Et ils s’enfuirent par la porte d'entrée.


*


Au-delà de l’Elfie se trouvent les Montagnes du Danger qui la séparent de Nanarnya, de hauts pics escarpés se dressant vers les cieux, où les chemins sont étroits et traîtres, longeant de terribles précipices abyssaux. Chlamydia, Syphilis et Belkaroth y couraient depuis des heures, sans jamais s'arrêter pour reprendre leur souffle. Des centaines de traqueurs les poursuivaient très sûrement !

Enfin, ils s’arrêtèrent devant un manoir sinistre qui se dressait au beau milieu de nulle part et dont le nom ne figurait sur aucune carte.

« Une habitation ! s’exclama Syphilis. Nous pourrons sûrement nous y cacher pour y passer la nuit !

— Excellente initiative ! Nous planterons notre tente en haut du donjon, afin de pouvoir voir de loin s'il arrive un ennemi ! »

Dans leur fuite précipitée et paniquée, Belkaroth avait pensé par miracle à emporter la tente, l'argent, les provisions, les armes et les vêtements de rechange. Il avait porté tout cela sur son dos durant tout le long et n'avait heureusement rien laissé tomber en cours de route. Enfin, par le meilleur des hasards, rien n'avait été abîmé dans cette folle débandade.

Mais longue serait la route jusqu'à Nanarnya, aussi durent-ils rationner leurs vivres : ils ne mangèrent que deux rôtis de dinde, vingt fourrés à la pomme de terre et une tablette de chocolat chacun. Puis Belkaroth sortit une harpe et ils chantèrent autour du feu.


Kermyth était un grand guerrier

Et il avait une grande épée

Il combattait vraiment très bien

Et il buvait beaucoup de vin.


Un jour il fit un grand tournoi

Qui fut donné par un vieux roi

Il se battit très très longtemps

Et gagna au bout d'un moment.


On fit un banquet très très grand

Et tout le monde était content

Le roi offrit sa fille Péguy

Et elle était drôlement jolie.


Kermyth était un grand guerrier

Mais un très gentil chevalier

Ils se marièrent avec des fleurs

Et ils vécurent plein de bonheurs.


« Que c'est beau ! s'exclama Syphilis.

— Ce que je trouve incroyable, c'est la puissance évocatrice des mots, soupira Chlamydia. Les gens qui ont écrit cela ont dû prendre moultes années !

— Allons ! Dormons à présent ! Demain est un autre jour, même si ce sera aussi une nouvelle nuit, si vous voyez ce que je veux dire ! » plaisanta Belkaroth, et il s'écroula comme une masse.

Soudain, alors que sonnait minuit, retentit un grand cri perçant. Syphilis se leva d'un bond et saisit son épée.

Chlamydia était debout, ensorcelée comme par magie. Ses yeux étaient exorbités et sa bouche encore plus. Devant elle se dressait un individu effroyable aux allures monstruo-démoniques dont sortaient des dents satano-horriblesques.

C'est alors qu'il comprit l'effroyable vérité archi-terriblissime : le manoir était hanté par un vampire !!!

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