4 - Les Dursley, appréciation

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Les autorités du New Jersey avaient créé un programme de revalorisation de l'Etat qui consistait principalement à attirer de nouvelles entreprises et à créer des emplois dans les zones sensibles où les inégalités économiques étaient très marquées. Ainsi, les villes comme Gotham City et Blüdhaven qui enregistraient de forts taux de criminalité étaient devenues des terrains très attractifs pour les nouvelles entreprises qui, si elles s'engageaient à n'embaucher que des locaux, pouvaient être défiscaliser d'une partie des charges et impôts en plus de recevoir des aides financières fédérales.

Ainsi donc, on avait vu arriver dans ces villes et leurs banlieues de nouveaux investisseurs et des chefs d'entreprises venus tenter leurs rêve américain. Et malheureusement, les divers contrôles des autorités compétentes avaient révélé un grand nombre de tentatives de fraude, de sociétés écran et de réseaux criminels qui profitaient de ces mouvements de population pour s'implanter plus efficacement dans la vie underground locale.

Pour les autres villes, Batman avait pris sur lui de prévenir les héros et justiciers locaux ainsi que les agents sur place, les insistant fortement à garder l'œil ouvert. À Gotham City, en revanche, c'était Bruce Wayne qui endiguait les arrivées massives et approuvait ou non l'installation de nouvelles entreprises sur son territoire. Bien que la Wayne Company n'avait pas exactement de concurrent direct dans la région de Gotham, il était de notoriété publique que le Roi de Gotham était honnête en affaires et n'hésitait que rarement à investir dans le lancement d'entreprises qu'il approuvait.

Et c'était pour toutes ces raisons que Lucius Fox se tenait présentement devant le pavillon du 6 Elysium Way, dans la périphérie bourgeoise de Gotham. En effet, le Vice-président de la Wayne Company était celui chargé des entretiens préliminaires avec les nouveaux entrepreneurs Gothamites : après tout, Lucius Fox avait un instinct infaillible qui lui avait permis de redresser des compagnies entières au nom des Wayne, lui valant le titre de Midas de Gotham.

Une petite plaque en argent à côté du portail arborait le nom de sa mission du jour : les Dursley. Famille britannique venue s'installer aux Etats-Unis dans le but d'y ouvrir une branche de l'entreprise Grunnings dirigée par le patriarche, Vernon.

Grunnings avait un peu moins de vingt ans, ce qui en faisait une très jeune entreprise dans le paysage industriel gothamite. Lucius s'était renseigné, à la demande de son ami et patron : Grunnings avait commencé par ne produire que des perceuses, puis, quelques dix ans plus tôt, l'entreprise s'était ouverte à un marché plus grand et elle comptait à présent 6 usines sur le territoire britannique tout en produisant des machines industrielles professionnelles en plus d'une large gamme d'outils vendus à des particuliers. C'étaient les machines industrielles qui intéressaient la Wayne Compagnie, puisqu'un contrat d'exclusivité permettrait à l'entreprise de gagner du temps dans sa propre production. Et de toute évidence Mr. Dursley était bien décidé à profiter de l'opportunité créée par le programme New-Jersiais.

S'avançant dans l'allée gravillonnée, la main crispée sur sa mallette noire, Lucius sentit une sensation de malaise s'installer en lui. Il avait l'estomac noué, et plus il approchait de la porte qui le séparait des Dursley, plus il se retranchait derrière son masque d'impassibilité, celui qu'il n'utilisait que rarement lorsqu'une situation lui paraissait potentiellement pénible. Et s'il devait s'en tenir aux échanges téléphoniques qu'il avait eu quelques jours plus tôt avec le couple, cette visite serait très loin d'être une partie de plaisir.

Une pression sur la sonnette, et la porte s'ouvrit sur une femme grande et mince à l'allure chevaline. Pétunia Dursley le dévisagea le temps d'une demi-seconde, puis se reprit comme si de rien n'était. Elle s'écarta dans une invitation à entrer, et le guida jusqu'au salon où les attendaient thé et petits gâteaux (so British), tout en le remerciant de sa venue, Nous sommes tellement honorés et heureux de cette opportunité, avec un sourire à faire pâlir des requins.

Le salon était décoré avec un extrême mauvais goût. Les meubles étaient rococos, les motifs du divan et des fauteuils juraient, les différents bahuts et le manteau de cheminée étaient surchargés de babioles qui puaient l'opulence et la fausse richesse. L'imitation de tapis persan ressemblait à une mosaïque de couleurs vives qui faisait mal aux yeux, et la moquette murale– qui avait encore une moquette murale ?– avait ses propres couleurs et motifs vieillots. En somme, le salon était tout sauf un exemple d'harmonie, et Lucius pouvait presque sentir une migraine pointer le bout du nez à cette vue.

Et puis il y avait le fameux Vernon Dursley. Assis dans l'un des fauteuil, l'homme gras peina à se relever pour accueillir son invité. Lucius profita de leur poignée de main pour détailler ses hôtes. Vernon était vêtu d'un horrible costume en velours marron mal ajusté qui, couplé à sa moustache, le faisait ressembler à un énorme phoque. Le pire était peut-être son menton haut et sa poitrine gonflée d'ego, comme s'il était particulièrement fier de si bien paraître pour les affaires. Au moins sa femme avait-elle eu la décence de porter un tailleur – de luxe, certes – d'un gris neutre, et des bijoux simples qui étaient élégants sans être outranciers. Son époux aurait peut-être dû en prendre exemple, lui qui portait une montre excessivement cher, qu'il ne devait sortir que lorsqu'il avait besoin d'impressionner quelqu'un. Lucius connaissait ce genre de nouveaux-riches, il les pratiquait de plus en plus maintenant qu'ils arrivaient en masse pour installer leurs entreprises, et il les détestait cordialement. Ils avaient la fâcheuse tendance à se croire plus importants qu'ils ne l'étaient et à exiger un respect qu'ils ne méritaient pas. Décidément, cette entrevue serait tout sauf agréable.

oOo

— J'en déduis que tout s'est bien passé.

Lucius jeta sa veste à l'aveugle et s'effondra sur la chaise devant le bureau de Bruce. Il se massa les yeux d'une main, ignorant largement la remarque ironique et le petit sourire compatissant de son patron. Il était le vice-président de la Wayne Enterprises, à la tête de la division technologique, Wayne Tech, en tant qu'ingénieur principal et surtout : on lui devait une grande partie de l'arsenal de la Bat-family. Bien sûr, le dernier point n'était connu que de lui et des principaux concernés, mais il en tirait néanmoins une grande fierté. Toujours est-il qu'il était plus que rodé aux entretiens divers et aux jeux de pouvoirs en affaire. Il avait eu son compte de mégalomanes et de manipulateurs, il connaissait bien les individus qui se prenaient pour des rois, ainsi que ceux dont les excentricités pouvaient briser les nerfs de l'homme de fer qu'était Bruce. Mais ce qu'il avait rencontré aujourd'hui...

— Je n'ai jamais vu ça, Bruce. C'est à se demander comment il a pu ouvrir autant d'usines au Royaume-Uni.

Bruce était impassible, comme toujours, et écoutait patiemment ce que son associé avait à lui dire. Si l'homme suspectait des activités criminelles, alors Bruce informerait Gordon pour organiser des contrôles, et si le commissaire se faisait brider, alors le Batman pourrait toujours rendre une petite visite de courtoisie à ces charmantes personnes que rencontrait Lucius.

— L'homme parlait comme s'il possédait à lui seul la moitié de la fortune mondiale, il me regardait comme si ma place était à ses pieds et que je lui devait le plus grand des respects. Chaque fois qu'il mentionnait son entreprise, c'était pour affirmer que ses bons à rien d'employés devaient lui être reconnaissant du travail qu'il leurs offrait, qu'il tenait la société à la seule force de ses bras, qu'il ne pouvait compter que sur lui-même.

Bruce fronça les sourcils. Ce genre d'individus avaient toujours quelque chose d'illégal à se reprocher, et malheureusement, ils étaient souvent persuadés d'être dans leurs bon droit. Bruce était prêt à parié que ce bon Mr. Dursley se servait allègrement dans la caisse sous prétexte que l'entreprise lui appartenait.

— Et puis lui et sa femme n'arrêtaient pas de répéter à quel point ils sont normaux, comme leur fils Dudley est un jeune homme normal et intelligent, comme ils viennent chacun d'une bonne famille normale, comme ils sont fiers d'être des gens respectables qui gagnent leur vie de façon honnête. Il n'y a même pas besoin d'être un grand détective pour savoir qu'il y a quelque chose qui cloche chez eux.

Bruce s'accouda à son bureau alors que Lucius continuait sur sa lancée. Le vice-président avait visiblement le coeur lourd, preuve qu'il s'était retenu tout le long de l'entretien pour rester courtois et ne pas cracher leurs quatre vérités à ses interlocuteurs. De toute évidence, les Dursley ne seraient pas de futur associés. Mais vu comme la rencontre semblait avoir ébranlée Lucius, il demanderait à Tim de faire quelques recherches supplémentaires à leur propos, par acquis de conscience.

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