3 - Réveille-toi, Harry !

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[TW : Violence, Maltraitance infantile, Violence verbale, Description graphique des blessures]

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Harry se réveilla en sursaut, manquant se cogner la tête contre son "plafond". Il était trempé de sueur froide, ses cheveux collaient désagréablement contre son front et ses joues, et le vieux t-shirt de Dudley, beaucoup trop grand pour lui, lui collait à la peau.

Assis sur un vieux matelas, la respiration saccadée, Harry tenta de reprendre ses esprits. Sa tête lui faisait horriblement mal et ses yeux le brûlaient (d'avoir trop pleuré sans doute). Il faisait noir autour de lui, une obscurité complète qu'il n'avait plus connu depuis qu'il avait quitté son placard sous l'escalier pour la seconde chambre de Dudley.

Malgré lui, et sans qu'il ne sache pourquoi, un sanglot lui serra la gorge et ses larmes se remirent à couler. Petit à petit, incapable de reprendre une respiration calme, la panique s'insinua en lui et son esprit fatigué se mit à analyser ce qu'il se passait. Où était-il ? Quand ? Comment était-il arrivé là ? Et pourquoi s'était-il réveillé alors qu'il se souvenait parfaitement être... mort ?

Le brouillard qui s'était installé dans son esprit se dissipa à cette pensée, et les souvenirs lui revinrent tels un raz-de-marée, insurmontables et étouffants. Il se souvint du rêve, du Ministère, des combats et des morts. Il se souvint de la mort de Sirius, de celle de Bellatrix, de la sienne. Il se souvint, des souvenirs qui n'étaient pas les siens, la vie de Tom Riddle et ses connaissances. Et le rituel : il se souvint du rituel.

Quand il avait pleinement quitté son corps, Voldemort lui avait laissé un dernier souvenir : ce qu'il s'était passé pendant que lui-même se noyait sous le savoir de son ennemi. Il l'avait alors vu combattre Dumbledore et entamé un chant magique en Fourchelang. C'était un rituel complexe et incertain en fourchemagie (une magie extrêmement rare qualifiée de magie noire car non-abordable par le commun des sorciers) qui en appelait directement à Magia elle-même et à sa représentante serpentine Mélusine, qu'on disait plus vieille que Merlin.

À travers ce chant, Voldemort avait demandé à récupérer le morceau de son âme logé dans son front, avait demandé à ce que les dégâts qu'il avait causés dans sa folie soient réparés. Il voulait faire amende honorable – enfin, autant qu'un Mage Noir puisse le faire – et avait prié Magia et Mélusine de le mener là où il pourrait s'épanouir, être aimé, choyé et protégé : loin des conflits, des combats et de la souffrance.

En y repensant, Harry sentit son corps s'engourdir de douleurs fantômes, les mêmes qu'il avait expérimentées quand il avait repris contrôle de son corps : les poumons qui brûlent, les os qui se brisent, le cœur qui se serre jusqu'à l'implosion, et la peau qui pourrit, la pression sur les globes oculaires et toutes les autres douleurs qu'il était bien incapable de distinguer tant elles le submergeaient.

Mais une sortait du lot, celle qui lui fit encore plus mal au cœur et lui amena un nouveau sanglot au bord des lèvres. Celle qui fit redoubler les larmes qui laissaient des traces brûlantes sur ses joues : Sirius était mort. Sirius était mort par sa faute. Et sans Sirius, sans sa dernière famille, sans la seule personne qui l'avait aimé et qui avait eu le désir de le protéger pleinement, sans lui comment pourrait-il vivre ?

Dans sa souffrance, et dans sa panique, à l'image de Sirius tombant à travers le voile se superposa celle de Cédric s'effondrant raide au sol. Puis celle de Quirrel partant en cendres et en fumée, et les cris de sa mère le soir de sa mort et ceux de Bellatrix sous la torture qu'il lui infligeait. Alors inconsciemment, il fit ce que tout enfant, adolescent et même adulte aurait fait à sa place : il cria, fort, longtemps.

Harry poussa un soupir de soulagement quand son esprit s'apaisa, que les cris se turent et que les images cessèrent, lui laissant le temps de reprendre son souffle. Malheureusement pour lui, perdu dans ses pensées et ses souvenirs, il en avait oublié où il se trouvait – où il devait se trouver, puisqu'il n'avait aucune certitude – et ses yeux s'écarquillèrent d'horreur quand des pas lourds se rapprochèrent de lui.

La porte s'ouvrit à la volée, la lumière l'éblouissant un instant, avant de laisser apparaître le visage écarlate virant violacé de son oncle. Ce dernier l'attrapa par la peau du cou, le sortit de ce qui s'avéra être un placard sous l'escalier, et le poussa jusqu'à une porte en bois abîmée. Il ouvrit celle-ci avec tout autant de délicatesse et jeta Harry dans la pièce sans prendre la peine d'allumer la lumière.

L'adolescent trébucha sous la force de la poussée et ne put rien faire lorsqu'il dévala une série de marches pour atterrir dans un bruit mat sur une surface froide et rugueuse qui lui écorcha les bras et la joue gauche. La chute dans les escaliers ne lui avait pas non plus fait du bien, mais il savait qu'il valait mieux ne pas laisser échapper le moindre son.

L'oncle Vernon alluma la lumière avant de descendre à son tour la série de marches, refermant la porte derrière-lui. Ils étaient dans un sous-sol éclairé par de vieux néons que le sol en béton blanc réfléchissait dans une certaine mesure. Harry essaya de se remettre debout, de s'éloigner de son oncle, mais il n'en eut pas le temps qu'une grosse main l'attrapa par le bras pour le balancer contre l'un des murs vierges. Il se redressa juste à temps pour être cueilli par un poing lourd qui s'abattit sur sa joue abîmée.

— Qu'est-ce que tu croyais être en train de faire, monstre ? Perturber le repos des honnêtes gens avec tes cris d'animaux !

Un nouveau coup l'atteignit dans l'épaule cette fois-ci, alors que l'oncle Vernon continuait de s'égosiller.

— Et ne me regarde pas comme ça, garçon ! Ne me regarde pas du tout : les monstres dans ton genre devraient toujours baisser les yeux devant leurs supérieurs. Tu devrais avoir honte, monstre, honte d'amener ton anormalité dans ma maison ! Tu vas voir, je vais te faire passer l'envie de te faire entendre, moi, tu vas voir. Il n'est pas dit que Vernon Dursley laissera un monstre anormal comme toi faire sa loi sous son toit, ah ça non ! Je vais te dresser, moi, tu vas voir !

Et son discours continua encore, et encore, pendant longtemps. Chaque phrase était ponctuée d'un coup de poing ou de pied sur le corps de l'adolescent recroquevillé sous la douleur. Jamais l'oncle Vernon ne l'avait frappé aussi fort, ni aussi longtemps. En plus, il avait pris des coups au visage ce qui voulait dire qu'il ne pourrait pas sortir avant que les marques ne s'atténuent un peu...

Au bout d'un moment, l'homme-baleine finit par se fatiguer. Il s'éloigna alors du corps tremblant et sanguinolent en soufflant comme un bœuf et l'observa un moment une moue dégoutée cachée derrière sa moustache fournie. Il s'apprêtait à dire encore quelque chose de désagréable lorsqu'il fut interrompu par la voix étouffée de sa douce femme.

— VERNON ! Dépêche-toi de remonter, il y a un certain Mr. Fox au téléphone pour toi !

Le patriarche Dursley grommela quelque chose d'incompréhensible avant de répondre à son épouse. Il monta deux ou trois marches et se retourna pour regarder le garçon toujours au sol, le surplombant de toute sa hauteur.

— Ne bouge pas de là, garçon. Et ne t'avise pas de faire plus de bruit ou tu le regretteras.

Et il quitta le sous-sol, plongeant Harry dans l'obscurité. Encore.

Cependant, l'adolescent ne remarqua pas le départ de son oncle, pas plus qu'il n'entendit les derniers mots qu'il lui avait craché. Harry était noyé de souffrances depuis bien longtemps, et des acouphènes lui donnaient l'impression d'être complètement sourd, imperméable au monde extérieur sinon à travers la douleur qui lancinait dans tout son corps.

Harry n'était pas médecin, mais il avait passé suffisamment de temps à l'infirmerie (à l'école primaire comme à Poudlard) pour reconnaître certaines de ses blessures rien qu'à la douleur qu'il ressentait. Par exemple, il savait qu'il s'était au moins fêlé (sinon cassé) plusieurs côtes lors de sa chute dans les escaliers, ou encore que sa pommette gauche et son arcade sourcilière du même côté étaient ouvertes (raison pour laquelle il avait l'impression que son visage était trempé).

Mais au-delà de sa capacité à deviner ses blessures, le brun avait une relation privilégiée avec sa magie. Il s'en était rendu compte à son arrivée à Poudlard. Quand il avait commencé à côtoyer la magie de façon permanente, et qu'il avait eu à travailler la sienne, il avait réalisé que contrairement à Hermione et d'autres nés-moldus (ou élevés par les moldus), il parvenait à atteindre sa magie très facilement, à la modeler à sa guise et même à interagir avec elle. Le dernier point était cependant resté sous silence puisque apparemment ce n'était pas courant dans le monde magique et qu'il ne voulait pas encore passé pour un monstre ou une anomalie : son statut de Survivant s'en chargeait bien assez, merci beaucoup.

Ainsi donc, sa magie qui le soignait autant qu'elle le pouvait et lui permettait de rester en vie depuis qu'il était tout gosse, seul, affamé et assoiffé dans un placard à balais sombre, lui "transmettait" une sorte de check-up. Et cette fois-ci, les résultats étaient très mauvais, pire que d'habitude. L'oncle Vernon s'était déchaîné et des hématomes commençaient à apparaître un peu partout sur sa peau anormalement diaphane. Tout son corps le faisait souffrir mais il avait de la chance dans son malheur : en dehors de ses côtes, aucun os n'était brisé.

Ainsi, Harry resta longtemps couché sur le sol, le visage baignant dans son propre sang, la respiration sifflante et le corps douloureux. Il tenta bien d'initier un processus de guérison magique mais en dehors d'une sensation étrange rien ne se produisit. Ce n'était pas normal. Rien de tout ça n'était normal. Il avait l'esprit embrumé et il sentait qu'il pouvait s'évanouir à tout moment, mais pour la première fois depuis... depuis très longtemps, Harry décida de réfléchir. Et ça commençait par une question bien particulière :

Qu'est-ce qui se passait, bordel ?

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