Chapitre 4 : Canapé

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Le soir Paul Hubert ne revint pas et sa collaboratrice en fermant le magasin ne dit rien. Il continuerait donc de balayer demain. Il rentra chez lui à pieds car la soirée n'était pas si fraîche et se sentait confusément l'envie de flâner, mais après tout a-t-on besoin de raisons pour cheminer vers chez soi ? Sur le parcours il ne pensa qu'à ça. Revivant la scène de son exploit encore et encore, tâchant de se remémorer tous les détails. Ardent désir d'imprimer ce souvenir en lui à tout jamais. Il pensait avoir connu là son acte fondateur, l'anecdote faisant Histoire qu'il raconterait un jour aux journalistes, puis à sa descendance.
Il fut arrivé chez lui sans avoir pris réellement conscience d'avoir quitté le Lounge. C'est en poussant la porte de son immeuble décrépi qu'un sourire s'imposa enfin sur ses lèvres crispées. Un rictus qu'il ne pouvait réprimer et qui grandit, grandit... Il passa par la Joconde, le Clown puis le Joker durant l’ascension des sept étages. Il arriva sur son palier essoufflé mais hilare, un rire tonitruant éclata et le secoua longtemps. Fébrile, il n'arrivait pas à réfléchir à la suite, tant pis, pour fêter ça, ce soir il mangerait ! Il piqua quelques bouts de Comté sur des allumettes et roula du fromage frais dans une tranche de jambon en pensant à sa mère. Il n'avait aucune aigreur, que la hâte de leur prouver. Il déboucha La bouteille d'eau gazeuse. Eau précieuse qu'il conservait au cas où. Au cas où il aurait eu un invité par exemple, ou une invitée par extraordinaire. Il avait peu de moyens mais beaucoup d'espoir. Et il était débrouillard, il mélangea l'eau bulleuse à de la vodka bon marché. Un peu de sucre. Les quelques gouttes de citrons qui acceptèrent de sortir de leur retranchement où elles avaient pensé mener une fin paisible. Il offrit au demi citron desséché une fin honorable en le laissant tomber dans la poubelle. Une pincée très étroite de gingembre. Et il versa son champagne de brocante dans une coupe en plastique. Demi bouteille Perrier retournée, confectionnée par ses soins au cas où. Au cas où son mystérieux invité aurait eu l'originalité d'apprécier un tel contenant. À force de suppositions il s'était accordé quelques libertés car il ne pouvait se permettre d'acquérir des biens prestigieux pour d'hypothétiques visiteurs. Assis dans sa cuisine, il regardait, par dessus son lit envahissant le salon, la porte de sa salle de bain ouverte pour l'aération et déplaçant le problème de l'humidité de quelques centimètres en y ajoutant un problème d'odeur. Il se mit à rêver qu'un jour il aurait peut être un lit placard !
La cliente... Qu'elle était belle ! Jamais il ne pourrait inviter une fille comme ça chez lui. Ça ne servait à rien de se faire des illusions, ni d'acheter du mousseux. Il préférait penser qu'elle avait tant apprécié sa coiffure, enfin sa création capillaire, qu'elle ne souffrirait plus être traitée par un autre, et alors... Une cliente régulière c'était déjà une clientèle, la suite viendrait d'elle même. Il était confiant en son talent, et rêvait à se contenter de caresser les chiens. Sur ces douces pensées il s'endormit sans même retirer la housse du canapé.

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