Une étrange rencontre 2

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La vieille dame descendit de son rocher en sautant comme une acrobate de cirque et alla remuer ce qui cuisait dans sa marmite. Ça sentait tellement bon que Cendrillon ne put se retenir et lécha aussitôt ses babines.

« Vous mijotez quoi, ma petite dame ? demanda notre héroïne en se soulevant sur la pointe des pieds afin de voir par elle-même ce qui cuisait.

-Une soupe ! dit aussitôt la vieille.

-Une soupe à quoi ? répondit Cendrillon, qui commençait déjà avoir très faim.

-Une soupe aux champignons.

-Ah ! s’exclama-t-elle un peu déçue, elle détestait ces trucs beiges qui sortaient de terre.

-Je t’ai entendu pleurer ma chère enfant, dit la vieille dame en même temps qu’elle rajoutait une poudre jaune dans sa cuisine.

-Du paprika ? interrogea Cendrillon en voulant changer de sujet.

-Du curcuma, le paprika est plutôt rougeâtre, précisa la vieille dame. Tu ne m’as toujours pas dit pourquoi tu pleurais.

-Du curcuma avec des champignons ! Et ça se marie ces deux-là ?

-Évidemment ! dit-elle en remuant. Tu ne veux toujours pas me dire, la cause de ton chagrin ?

-J’ai perdu mon chien. »

La vieille dame cessa de remuer le contenu de sa marmite et claqua des doigts. Comme par enchantement, Persil jaillit de nulle part et courut aussitôt vers sa maîtresse. Il sauta sur elle en la couvrant comme à son habitude de coups de langue baveux. Cendrillon le serrait à son tour. Des larmes de joie, envahissaient son visage. Elle resta pendant un bon moment dans une étreinte canine puis, une fois qu’elle eut assez de ses retrouvailles, elle le poussa gentiment sur le côté et s’exclama en direction de la vieille : « Mais… ou était-il passé ? Je l’ai cherché partout.

- Il était près de moi, répondit la vieille en rajoutant quelque chose d’étrange dans sa marmite. »

Des soupçons commençaient à naître dans la tête de Cendrillon. Elle n’était plus sûre des bonnes intentions de la dame. Elle connaissait son chien, ce n’était pas de ses habitudes de côtoyer des étrangers. La vieille l’avait sûrement empêché de rentrer chez lui.

-Vous l’avez gardé près de vous malgré lui ! finit-elle par dire avec une pointe de colère dans la voix.

-Oh ! Ce n’était pas bien compliqué, avoua-t-elle tout naturellement en se secouant les mains… Il a suffi de lui donner un beau morceau d’agneau. »

-Et depuis quand sert-on de l’agneau à un chien, quand nous nous contentons de manger seulement de la soupe ?

-Pour être franche avec toi, j’ai fait en sorte que tu viennes ici, dit-elle en souriant. J’ai fait cela pour t’obliger à aller au bal !

La jeune fille regarda la vieille curieusement, elle n’était pas sûre de comprendre sa logique.

« Vous m’avez empêchée d’y aller en kidnappant mon chien, s’exclama-t-elle en croisant les bras, dans le but de me faire venir ici pour ensuite m’envoyer là-bas ! Vous êtes un peu toctoc, ma petite dame !

-Disons que c’est la tradition qui le veut.

-La tradition ! Quelle tradition ?

-Euh… je ne sais plus si c’est bien le mot qui convient ou alors… »

La vielle dame se pencha encore sur sa marmite et regarda longuement à l’intérieur avant de reprendre : « Non le mot c’est… légende, c’est la légende qui le veut.

-Vous avez vu ça dans votre soupe ?

-Oui, tout à fait, mon enfant.

-Mais vous êtes vraiment toctoc, ma petite dame !

-Une fée, ma chère ! Je suis une fée ! »

En entendant cette dernière révélation, la jeune fille écarquilla grandement les yeux, grimaça un étrange sourire puis bâilla. Après tout, un étonnement d’une telle envergure ne pouvait que la fatiguer.

Aussitôt après, elle s’exclama sans cacher cette joie qui la faisait sautiller sur elle-même : « Vous êtes une fée de la forêt ? Une vraie de vraie ?

-Oui, c’est moi-même. La légende veut que tu passes par moi avant d’aller au bal.

-Et pourquoi donc ?

-C’est la légende qui le veut. Dans des centaines d’années, ton histoire sera racontée dans le monde entier. Tu seras très célèbre, Cendrillon ! »

La jeune fille s’émerveilla en ouvrant grandement la bouche et de ses mains, elle coiffa aussitôt ses cheveux comme si toutes ces générations pouvaient l’apercevoir à travers le temps.

« Ma belle-mère et mes sœurs seront-elles connues ? demanda-t-elle curieusement.

-Absolument mon enfant, elles seront connues pour leurs méchancetés et pour toute la misère qu’elles t’ont fait subir ! »

Cendrillon resta à réfléchir pendant un instant, elle n’était pas sûre d’avoir vécu cette misère dont il était question.

« Quant à toi mon enfant, continua la fée avec assurance, tu seras connue pour ton extrême gentillesse et tes vertus. »

Elle ne se rappelait pas non plus toutes ses vertus. Comme toute ces affirmations avaient dévié du chemin de la vérité, Cendrillon se sentit dans l’urgence d’intervenir : « Ce n’est pas tout noir ou tout blanc ! Elles ne sont pas si méchantes et je ne suis pas si gentille. Nulle d’entre nous n’est parfaite !

-Que veux-tu, mon enfant, les gens préfèrent les histoires où les gentils sont d’un côté et les méchants sont de l’autre !

-Et pourquoi donc ?

- Ils n’aiment pas trop se casser la tête, c’est plus facile pour eux comme ça ! »

La jeune fille resta pendant un instant à réfléchir. Elle trouvait décevant qu’une partie des gens veuillent partager le monde en deux catégories, uniquement par paresse intellectuelle.

Cette pensée la fit bâiller encore une fois, et elle décida de clôturer le débat, en donnant raison à toutes ces générations qui croiront un jour, que sa belle-mère et ses sœurs étaient méchantes. Après tout, elles ne l’ont même pas aidée à retrouver Persil.

« Je veux que l’histoire se rappelle, que ma belle-mère était mauvaise, si mauvaise qu’elle me faisait dormir dans la grange ! Et qu’elle me faisait faire tout le ménage, dit-elle comme si le sort de la marâtre ne tenait qu’à elle… Je veux qu’on se souvienne qu’Anastasia n’était qu’une peste et que Javotte, une… euh, non ! Javotte restera gentille, elle me fait de très bon massages !

-Ça sera tout ? demanda la vieille fée, comme si elle prenait commande.

-Oui ! conclut joyeusement Cendrillon en s’approchant près du feu pour se réchauffer.

-Maintenant ma chère enfant nous allons te préparer pour le bal ! Mais avant tout, il me faut une citrouille. J’en ai besoin pour la transformer en carrosse !

-Ce n’est pas la saison des citrouilles. Ça démarre mal, ma petite dame ! Prenez plutôt des champignons. Il y en a partout. »

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