Et tout va mieux!...?

6 minutes de lecture

Maïwenn passa ainsi deux semaines de plus dans cet établissement. Ses journées s’articulaient entre thérapie de groupe et séances individuelles jusqu’au jour où le docteur Trubard la convoqua à nouveau dans son bureau :

— Je crois que l’heure est venue Mademoiselle Deniel, vous pouvez rentrer chez vous. Bien sûr je ne vous laisse pas, il me semble primordial que nous nous voyons une fois par semaine pour faire le point sur votre réadaptation. Qu’en dites-vous ?

— Je me sens beaucoup mieux. Quand je pense à tout ce qui me passait par la tête, je n’arrive pas à y croire. Si vous jugez utile que nous continuions de nous voir, je suis pour aussi.

— Disons que vous avez très bien progressé, mais rien n’est encore gagné. Vous devez tenir bon et suivre votre traitement, finit-il en se levant et lui tendant la main.

— À la semaine prochaine alors docteur et encore merci, conclut Maïwenn avant d’aller faire sa valise.

La jeune femme était originaire d'un village du bord de mer. Ses parents, Lionel et Madeline, tous les deux retraités, avaient tenu pendant des années l’unique boulangerie du bourg.

Pas très grand et un peu gras, Lionel inspirait confiance au premier regard, tandis que Madeline, anglaise d'origine, était une petite boule d'énergie brune frisée à lunettes, avec cet accent britannique qu'elle n'avait jamais vraiment perdu.

Une fois sur place, Maïwenn posa le pied dans l'allée conduisant à leur maison et en faisant cela, elle sentit toutes les tensions s'évacuer, ces trois semaines lui avaient fait du bien.

Après avoir salué ses parents, elle se dirigea vers la plage à quelques mètres. Le temps était magnifique et une légère brise faisait tournoyer le sable. Elle enleva ses chaussures et marcha pieds nus dans le sable qui glissait entre ses orteils. L’endroit était désert à l’exception d’une femme qui promenait son chien, un peu plus loin. Maïwenn les regarda avec attention car l'animal, un labrador noir, courrait rapidement dans sa direction avant de se stopper net à son niveau. Sa maîtresse, d'une cinquantaine d'années, portait une longue robe noire avec des broderies rouges qui flottait au vent tout comme ses longs cheveux roux. Elle s'avança vers Maïwenn et plongea ses yeux bleus sévères dans ceux de la jeune fille.

— N'ayez pas peur, il ne mord pas. Vous l'impressionnez en tout cas pour qu'il n'ose pas approcher plus près.

— Pourtant, je ne suis pas trop rassurée avec les animaux que je ne connais pas. L'inconnue s'avança vers elle et lui tendit la main.

— Il n'y a pas qu'avec les animaux que vous devriez être mal à l’aise, dit-elle, tout en lui serrant le bras.

— Quoi ?

— Allez Esco, on y va, finit l'inconnue en s’éloignant.

Échaudée par cette rencontre étrange et par le vent qui se levait, elle écourta sa balade et passa un début de soirée paisible en famille. Elle écouta donc ses parents lui raconter leur semaine, notamment une visite à l’exposition photo portant sur la cathédrale de Quimper. À la fin du repas, Maïwenn rejoignit sa mère dans la véranda. Elle voulait lui parler de sa rupture avec Brieuc. Madeline le détestait depuis le premier jour, aussi la jeune femme s’attendait à ce que la nouvelle soit plutôt bien prise.

— Que se passe-t-il ? lui demanda froidement sa mère en la voyant s’approcher.

Maïwenn eut un tressaillement et perdit instantanément le sourire détendu qu’elle arborait jusque-là. Surprise par le ton agressif qu'utilisait Madeline, elle décida tout de même de se lancer.

— Tu vas être contente, j’ai quitté Brieuc. Madeline détourna les yeux de sa fille et retourna à ses plantes sans rien dire.

— Il ne me traitait pas bien, tu sais.

— Ah bon. Il te frappait ? demanda sa mère sans lever les yeux.

— Non.

— Alors quoi ? Qu'est-ce qui ne va pas chez toi ? hurla Madeline pointant vers sa fille la paire de ciseaux qu'elle tenait dans la main.

La jeune femme eut un mouvement de recul en même temps que sa mère continuait sa phrase.

— Il est adorable, il a une très bonne situation. Avec lui, tu aurais été à l'abri du besoin., mais non, il n'est pas assez bien pour princesse Maïwenn.

— Mais qu'est-ce qui te prend ? Tu l’as toujours détesté. Il n'en avait rien à faire de moi, je le soupçonne même de m’avoir trompée. Il t'a envoûté ou quoi ?

— Envoutée, n'importe quoi. Reviens un peu sur terre ou retourne chez les fous ! Tu crois que tu peux tout avoir sur un plateau ? Il faut faire des concessions et serrer les dents. Tu crois que les hommes te courent après ? Réveille-toi. Quant à tes études de langues… Tu crois que c'est avec cela que tu vas te nourrir ? Idiote. Je l’adorais !

— Que t’arrives-t-il, je ne te reconnais plus.

— J'espère bien qu'il t’a trompée, c'est tout ce que tu mérites, finit sa mère emportée par la rage.

Son nez se mit soudainement à saigner. Puis, elle eut un vertige qui l'obligea à lâcher ses ciseaux pour se tenir à un rebord de la véranda. Elle quitta ensuite la pièce sans laisser une chance à sa fille de répondre. Lionel, partit se promener dans le jardin, venait de croiser sa femme qui montait telle une furie dans leur chambre. Étonné de la voir dans cet état de colère, il décida de la laisser seule et se rendit alors auprès de sa fille.

— Ta mère ne va pas bien, elle dort très mal en ce moment et est très irritable. Ça nous bouleverse aussi ton séjour en psychiatrie. Il faut lui pardonner.

— Désolée d’avoir eu besoin de prendre soin de moi en maison de repos, papa, « maison de repos », rétorqua Maïwenn en quittant la pièce.

— Ne le prends pas comme cela, ne pars pas, demanda son père, en vain.

Toutes ces émotions avaient épuisé la jeune fille qui décida d'aller se coucher. Ce moment de la journée était toujours une source d'angoisse malgré son traitement et elle ne put alors s'empêcher de repenser à ce que lui avait dit la femme sur la plage. Quelque chose dans sa réflexion la mettait mal à l'aise. Ce n’est qu’au bout d'une heure qu’elle sentit enfin le sommeil la gagner, bercée par le roulement des vagues non loin.

Tout à coup, une main la gifla, ce qui la fit tomber dans l'herbe dense d'un bord de falaise. Prise au dépourvu, Maïwenn se releva difficilement. Elle réalisa alors être au milieu d'une ronde que formaient trois femmes qui se moquaient d'elle. La première était grande, blonde, aux yeux bleus et portait une robe verte fluide qui, au contact du vent, donnait l'impression que ses pieds quittaient le sol. La seconde, plus petite et plus quelconque, était châtain aux yeux verts perçants et toute de bleu vêtue. Elle semblait être moins sûre d’elle et regardait avec attention chaque mouvement de la troisième qui n'était autre que l’inconnue croisée sur la plage. Les trois femmes tournaient de plus belle la poussant sans qu’elle ne comprenne pourquoi.

— Arrêtez, je vous en supplie, cria Maïwenn.

— Ce n'est que le début ! rétorqua la femme de la plage en ricanant.

— Arrêtez, arrêtez ! implora-t-elle encore.

— Tu nous fais vraiment peur, ironisa la blonde.

— Cette fois-ci, ça suffit ! hurla Maïwenn. Elle pointa du doigt cette dernière qui fut projetée au-delà de la falaise, dans le vide.

— Je suis maîtresse de mes rêves, bordel ! Laissez-moi tranquille. Je veux que vous vous en alliez maintenant, cria Maïwenn, le visage face au vent.

Dans un bruit fracassant, une fissure se forma dans le vide derrière elles. De cette déchirure sortit une immense porte de bois à deux battants. La rousse, qui jusqu'à présent semblait jubiler, devint nerveuse :

— C'est toi qui fais cela ? ... Non... C'est impossible.

— Et bien, il faut croire que si… la preuve. Sortez de ma tête.

La porte s'entrouvrit peu à peu, aspirant vers elle les deux femmes restantes qui tentaient désespérément de résister en s'accrochant aux battants, mais elles lâchèrent prise et furent happées à leur tour. Le bruit des portes se refermant réveilla la jeune femme. Gelée et encore tremblante, elle descendit dans la cuisine prendre un verre d'eau et y trouva son père.

— Pourquoi tu ne dors pas ? lui demanda-t-elle.

— J'ai fait un cauchemar, je n'arrive plus à me rendormir. Et toi ?

— Pareil, je viens juste prendre un verre d'eau.

— Nous sommes des gens stressés de mon côté de la famille, tu tiens cela de moi, s’excusa presque Lionel. Elle salua son père puis retourna se coucher pour enfin s'enfoncer dans le sommeil.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire La porte qui grince ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0