Partie 1

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Après tout ce temps à en rêver, ils y étaient enfin. Le moment où ils pourraient régler leurs dettes de jeux se rapprochait à grands pas. Cependant, plongés dans l’obscurité comme ils étaient actuellement, ils n’iraient pas très loin. Afin qu’ils ne perdent pas une minute, Eleanor prit la tête de leur petit groupe.

— Il nous faut trouver un moyen de s’éclairer, dit-elle à voix basse. Delphine, Soliman, essayez de voir s’il n’y a pas une lampe sur une table. Vous allez à droite, je vais à gauche.

Ils se séparèrent et Eleanor commença à toucher délicatement tout ce qu’elle trouvait pour découvrir un éclairage. Pendant ses recherches, elle récapitula ce qu’elle savait : le propriétaire de la bibliothèque où ils étaient entrés par effraction, Mr Bergson, était un collectionneur fou de vieux livres. Fortuné, il pouvait se permettre d’acheter des livres du monde entier importés à grand frais. Il avait pour habitude d’archiver et de lire ses ouvrages jusqu’à tard dans la nuit, ce qui laissait présumer à la fois la présence d’un bureau et d’une lampe. Elle savait également que le précieux livre qu’ils convoitaient, L’histoire de la nature des oyseaux de Pierre Belon, était caché dans cette pièce. Ce soir-là, Mr Bergson était sorti avec sa femme, ce qui laissait le champ libre pour pénétrer dans la bibliothèque. Cependant, il était probable que leur sortie ne durerait pas plus d’une heure et c’était la seule occasion pour leur groupe de récupérer le livre. Ils devaient donc faire vite.

Au bout de quelques minutes de recherche, la main d’Eleanor frôla une lampe à pétrole qui vacilla sur son socle. La jeune femme la rattrapa de justesse puis tourna une molette qui lui permit enfin d’y voir clair. La lampe, tout en laiton et en verre ouvragé, éclaira un bureau de couleur acajou méticuleusement rangé. Il y avait un téléphone noir avec un cadran en laiton à droite, quelques piles de feuilles soigneusement alignées sur les étagères au-dessus du bureau et un grand sous-main vert et or. Quelques secondes plus tard, une exclamation retentit dans la pièce. Delphine venait de les avertir à sa façon qu’elle avait trouvé quelque chose d’important.

Eleanor saisit la lampe et prit quelques secondes pour admirer la bibliothèque de Mr Bergson. La pièce était petite, mais savamment organisée. Autour de la jeune femme s’élevaient des rayonnages remplis de livres, dont les lettres d’or gravées sur les couvertures luisaient doucement. Deux rayonnages au milieu de la pièce coupaient l’espace. Le reste disparaissait dans la pièce plongée dans l’obscurité. Après quelques secondes de contemplation muette, Eleanor secoua la tête pour se réveiller et se précipita vers l’extrémité de la pièce où se trouvaient déjà Delphine et Soliman.

Dissimulée derrière une épaisse tenture de velours vert, une alcôve était apparue aux yeux des trois cambrioleurs. Il s’agissait d’une petite cavité assez profonde, creusée à même le mur, et protégée par d’épais barreaux. Au fond étaient installées deux étagères de bois verni où s’alignaient quelques livres, dont les couvertures parfois très abîmées par le temps montraient leur grande valeur. La lampe de Delphine éclaira de sa lumière vacillante les titres aux lettres d’or ternies. Ils ne mirent pas longtemps à trouver le livre rare qu’ils étaient venus chercher.

Soliman, le plus mince d’entre eux, passa le bras entre les barreaux pour essayer d’atteindre L’histoire de la nature des oyseaux, mais Mr Bergson avait tout prévu au cas où des cambrioleurs s’infiltreraient dans sa bibliothèque : les barreaux étaient suffisamment resserrés pour empêcher quiconque de saisir les livres depuis l’extérieur. Delphine poussa un grognement rageur : ils étaient si près du but ! Eleanor, toujours pratique, examina alors la grille : les barreaux noirs étaient épais et ils mettraient trop de temps à tenter de les scier. Une petite porte, protégée par trois cadenas, permettait au collectionneur de pouvoir récupérer ses livres lorsqu’il le souhaitait. Un fil noir relié à la porte et serpentant vers le plafond attira alors l’attention de Soliman, qui leur fit remarquer.

— Il y a une alarme, dit-il avant de jurer. Il faut la désactiver avant d’ouvrir la porte, sans quoi, on va se faire repérer tout de suite.

— Je vais fouiller le bureau, signala Eleanor. J’y trouverai peut-être des indices sur l’endroit où sont dissimulés ces clefs ou sur l’alarme. Nous savons que le collectionneur laisse tout dans cette pièce, on devrait réussir à récupérer le livre. Essayez Delphine et toi de trouver l’armoire où se trouve l’alarme pour la désactiver.

La jeune femme retourna au bureau d’acajou. D’un geste vif, elle récupéra la pile de papiers puis l’étala sur le sous-main pour y voir plus clair. Couverts d’une fine écriture patte-de-mouche, ceux-ci établissaient la liste de tous les ouvrages présents dans la bibliothèque. Eleanor bénit l’exhaustivité de Mr Bergson : à côté du titre du livre qu’ils cherchaient se trouvait la date de parution et le nom de l’éditeur ainsi que son emplacement dans la pièce. Sur un des feuillets, elle découvrit le titre du livre qu’ils cherchaient avec l’emplacement de la grille. Parfait. Restait maintenant à ouvrir les cadenas. Eleanor fureta partout, mais aucune clef n’était cachée sous le sous-main vert et or ni sur les petites étagères au dessus du bureau.

Restaient les trois tiroirs. Le premier contenait des flacons d’encre noire ainsi qu’un plumier joliment décoré. Eleanor l’examina de près, mais la contenance n’était pas suffisante pour y dissimuler une clef de la taille des cadenas de la section protégée. Il leur fallait trouver d’épaisses clefs en métal terni. Le second tiroir contenait quelques carnets. Les deux premiers étaient sans grand intérêt, listant une série de noms et de chiffres ressemblant à des transactions pour acheter ou vendre des livres. Cependant, le dernier attira son attention. Il contenait aussi des colonnes de noms et de chiffres, mais ces dernières étaient dédiées aux livres rares. Eleanor trouva L’histoire de la nature des oyseaux dans la courte liste qui y était écrite. Le reste des pages étaient vides, sauf l’arrière du carnet qui comportait un étrange message.

119:10
Voir l’ange
Double fond

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