Hector

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Hector montait les escaliers en forçant son exubérance et sa bonne humeur. En plus des somnifères, il prenait des psycho-stimulants la journée. Pour tenir éveillé. Pour tenir le coup. Il posait ses pieds nus sur les marches en chêne, il taquinait le gamin et pensait au mot « tenir ».

— Debout, mon fils, tes parents sont toujours vivants. Du nerf. Ce sera pour une autre fois. L'école t'attend. Dictée... Ha ! Ha !

La gueule outrée que Zoya devait tirer le ravissait. Il lui en voulait toujours, tellement. Son refus catégorique, sa volonté imposante et abusive, son arrogance de femelle ! Au nom de quoi ? D’un paquet d’hormones déréglées. Cette conne avait refusé d’avorter.

La semaine précédent son test de grossesse positif, l’ampleur du Cauchemar avait été confirmée. Les protocoles de sécurité avaient été imposés aux familles souhaitant garder leurs enfants chez eux. Quel était le sens de mettre un bébé au monde dans de telles conditions ? C’était absurde, égoïste, dangereux, ridicule, inconscient, inconcevable, pathétique, vain, nul, nul, nul. Il avait hurlé, pleuré, supplié. Nul, nul, nul. Ils devaient se consacrer aux deux grands, vivants eux, pas à un embryon de merde. Ils devaient les protéger, leurs petits, les aider, leur éviter de basculer dans le Cauchemar, et sauver leur vie, à elle et à lui !

Non, rien à faire, elle avait mené sa grossesse à terme et avait accouché, sans lui ! de Bébé, trois kilos deux, de grands yeux bleus, Bébé, Simon, comme le grand-père d'Hector, la salope ! Simon qui souriait et gazouillait du haut de ses six mois. Simon qui dans moins de trois ans les tuerait peut-être tous… Simon son fils qu'il n'avait pas encore tenu dans les bras.

Il entra dans la chambre de Boris. Zoya avait déjà ouvert le lit et lui avait attaché la chaîne au pied. Le gamin était assis, les cheveux trop longs, ébouriffés, boudeur, mignon. À croquer.

— T’es réveillé, mon grand ?

— Putain, P’a, j’en ai marre ! Comment tu veux que je m’habille avec cette saloperie !!!

— Ton pantalon a une ouverture sur le côté. Ne commence pas, c’est inutile.… Allez, je te donne un coup de main.

Comment son poussin d’amour, son premier né, son bébé d’or, son petit trésor pourrait-il se transformer en tueur ? Hector n'y croyait plus, enlève les chaînes, c’est ton fils, merde. Pourtant, chaque matin, les infos lui rappelaient le danger : des parents n’avaient plus tenu, avaient abandonné les cadenas… On les retrouvait égorgés. Leurs gosses pataugeaient dans le sang en rigolant, les tripes en collier, ils dépeçaient et jouaient à la balle, avec les yeux, le foie, l’estomac. Basket, foot, baseball, ballon-chasseur, sans exception, ils riaient et jouaient… Tous. Des gosses.

— Papa, s’te plait, enlève cette chaine, j’en peux plus moi, Papâââ, je voudrais mourir moi, je te ferai jamais rien, tu le sais quand même. Je t'aime Papa.

Hector tapota la tête du petit et partit aux toilettes. Il était constipé. C’était quoi cette vie ? Boris avait neuf ans et Olga cinq. Il ne tiendrait pas un an de plus. La puberté, comme solution, comme unique espoir ?

Il entendit un cri, un hurlement, en bas. Zoya ! Il bondit, le pantalon sur les genoux.

— Zoya, Zoya ! Que se passe-t-il ?

— Hector, oh mon Dieu, Hector, les infos !!!

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