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Je crois que je vais mourir aujourd’hui. Ce matin, le médecin a fait venir un prêtre. Je lui ai dit que je ne croyais pas en son Dieu, que je n’avais jamais avalé ses foutaises, son paradis, ses colères, ses règles, son intransigeance, ses attentes. Ensuite, je lui ai raconté mes certitudes, sur le cosmos, le soleil, cette Terre, avec son eau grouillante, son pain granuleux, son air lourd, ses autres affables. Le prêtre m’a souri, et a prié pour le salut de mon âme.

Quand je lui ai dit que je méritais ma mort, il a balayé mes mots comme le vent souffle sur le sable. Alors je lui ai avoué le meurtre d’EE, à lui aussi, je lui ai dit, que je l’avais frappé, puis poussé dans le lac, que le lac devait l’avaler, tout entier, le démanteler et le renvoyer au cosmos. Il a rien dit pendant un moment. Ensuite, il m’a assuré, de sa voix agaçante, que ce n’était pas vrai. Que nous étions bien tous les deux au bord du lac, EE et moi, mais qu’EE avait plongé au mauvais endroit du lac, qu’il s’était explosé le crâne sur une pierre, qu’il n’aurait pas pu se blesser autrement, et que tout le monde savait qu’EE n’était jamais prudent quand il allait nager au lac. Il a ajouté que je m’en voulais de ne pas avoir pu sauver mon ami, que ma culpabilité, pourtant infondée, avait mué mes souvenirs en un cauchemar, une illusion homicide qui, pourtant, n’était pas vraie.

Avec toutes mes dernières forces, je lui ai hurlé dessus. Il ne comprenait rien. J’ai tué EE. Je l’ai fait. J’en suis sûr. Je m’en souviens. Les images sont encore brillantes, dans ma mémoire, toutes fraîches. Je ne l’ai pas tué pour rien. Il me retenait sur Terre. Moi, je veux m’envoler. J’ai enfoncé son crâne, je l’ai mis et remis au fond du lac, pour pouvoir brûler au soleil.

Il est parti, l’homme de foi, il m’a laissé seul.

Je goûte mes derniers instants. La douleur dans ma chair, la sueur sur ma peau, les tremblements dans mes mains. Je le sens. Que je meurs. C’est si lent. Mon sang ralentit. Ce qui me mange grouille de plus en plus fort. Au bout d’un moment, je m’endors. Je glisse. Puis, je flotte.

Je m’envole.

Enfin.

Au bout, tout là-haut, le cosmos.

Je touche le disque solaire.

Le cosmos m’envahit.

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