CHAPITRE 3 - REVELATION

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Un soir, de retour de chez les parents de Marie où ils avaient passé la journée, Marie avait trouvé que Fred avait un comportement bizarre ! Il ne disait rien et semblait très soucieux. Elle avait beau le questionner, il ne répondait pas et esquivait les réponses. Elle voulait comprendre ce qui le tracassait et lui ne disait toujours rien ! La tension montait. Marie commençait à avoir une boule au ventre et dans la gorge et à s'énerver.
Elle essayait par tous les moyens de le questionner :

- Mais enfin, que se passe-t-il ?, qu'est ce que tu as ? J'ai fait quelque chose qui ne va pas ? Parle-moi enfin !

Mais Fred ne répondait toujours pas, pire, il était allé s'enfermer dans leur chambre. Elle l'entendait parler tout seul, mais ne distinguait pas ses paroles. Après plusieurs heures de cette attente angoissante, ne sachant pas ce qu'elle devait penser ou faire, après avoir imaginé qu'il avait peut-être un problème de santé qu'il lui avait caché, ou un problème particulier qu'il aurait eu avant qu'ils ne se connaissent, elle imaginait tout et n'importe quoi. Fred est enfin ressorti de la chambre et une fois revenu vers elle, il lui dit :

- J'ai quelque chose de grave à t'apprendre....

Marie était au bord du malaise tant l'angoisse l'oppressait. Elle était arrivée à articuler malgré elle deux mots étranglés :

- Oui ?...quoi ?...

Fred lui a répondu :

- Ton père m'a raconté une chose à propos de toi.....car il voulait que je connaisse la vérité avant qu'on ne se marie et me rassurer que tout était en ordre. Il m'a fait jurer de ne rien te dire, mais c'est plus fort que moi, je ne peux pas garder ça pour moi ! Il m'a dit que tu avais été adoptée à la naissance. Tu es née sous X !. »

Marie, interloquée, choquée, muette, n'avait jamais pensé une telle chose. Rien durant son enfance ne lui avait donné le moindre doute sur sa parenté, rien avait pu laisser présager une telle chose ! Sur le coup, elle n'en croyait pas ses oreilles et les larmes lui montaient au yeux, c'est maintenant qu'elle était abandonnée ! Fred avait ajouté que le père de Marie avait fait tous les papiers nécessaires pour l'adoption, que tout était en ordre et que personne d'autre n'était ou ne devait être au courant.

Les mots ne lui venaient pas. D'un côté elle était soulagée de constater que rien de grave ne concernait son compagnon, mais d'un autre côté, il lui fallait « encaisser » cette nouvelle particulièrement déstabilisante même arrivée à 30 ans. Tout s'était brusquement écroulé : tous les membres de sa famille qui finalement, biologiquement parlant, n'étaient personne pour elle par le lien du sang. Elle se voyait en double : Marie d'hier insouciante, heureuse, persuadée de faire partie du cocon familial, Marie d'aujourd'hui, qui soudain est étrangère à tous. Quel choc ! quel vide !

Les jours qui ont suivi, ont été difficiles pour Marie qui ne pouvait pas se défaire de cette pensée. Comment allait-elle pouvoir paraître devant ses parents la prochaine fois qu'elle les verrait, quel comportement avoir ? Il fallait être comme d'habitude et faire comme si de rien était ! Continuer à vivre avec cette idée ! Ne pas laisser paraître qu'elle connaissait la vérité !

Fred lui avait dit qu'il ne voulait plus en parler. Sans doute avait-il peur de ce qu'il pourrait apprendre sur les causes de l'abandon : enfant d'un viol ? enfant de la prostitution ? Et si tel était le cas, un enfant est un enfant, il n'y est pour rien ! Marie trouvait qu'il était dommage qu'il prenne cet événement dans la négation et qu'il ne veuille même pas qu'elle essaie d'en savoir plus. Pour tant c'était bien ce qu'elle était décidée à faire, mais pas pour le moment.

Par contre, Marie se posait beaucoup de questions : « pourquoi une telle chose lui arrivait-elle ? Sa mère biologique avait-elle été obligée de l'abandonner ? Etait-ce à cause de ses propres parents ? Ou bien était-elle seule à prendre cette décision parce qu'elle n'aurait pas pu l'élever ? Et le père était-il au courant ? »

Elle connaît bien la commune où elle est née et dans les années 1950 il y avait une certaine bourgeoisie dans cette partie de la ville qui attachait une grande importance au « qu'en dira-t-on », le déshonneur d'avoir une fille-mère dans la famille....quelle honte ! les « cathos » pensaient aussi la même chose ! Il y avait de fortes chances pour que ce soit l'un de ces cas, car étant donné le lieu de sa naissance, cette partie résidentielle de la ville avait une réputation bourgeoise . Une fille abusée et séduite par un beau jeune homme, le relâchement après les années de guerre, et voilà ! Elle était certainement très jeune lorsque c'est arrivé.

Mail il y avait d'autres questions que se posait Marie : « - Peut-être que ma mère biologique est morte à ma naissance ? Mais alors ses propres parents auraient pu me garder....si je suis née sous X c'est que cela était prévu à l'avance. Sinon, le nom au moment de l'entrée à la maternité le jour de l'accouchement aurait été enregistré. Ai-je des frères, des sœurs ? Qui est cette famille ? Où sont-ils ? » Toutes ces questions restaient sans réponses et il n'était pas possible d'en parler à ses parents qui sont toujours sensés croire qu'elle ne savait rien.

Toutes sortes d'hypothèses lui venaient à l'esprit. Elle en revenait toujours à la même conclusion : « On ne voulait pas de moi et personne ne s'est manifesté, même plus tard, pour me connaître ou me reconnaître ! Peu importe maintenant, ceux qui comptent pour moi, ce sont ceux qui m'ont élevée, ont pris soin de moi et toute la famille qui m'a adoptée ! »

Marie se retrouvait seule en face de cette situation. Elle ne pouvait pas en parler avec ses parents, qui en savaient peut-être plus que ce que son père avait pu dire à Fred et elle ne pouvait pas compter sur lui puisqu'il refusait d'aborder le sujet. Elle devait donc tout garder pour elle et avait décidé d'en rester là pour le moment, ayant choisi d'entamer des recherches après le décès de ses parents adoptifs, peut-être par respect de leur silence et de leur choix.

Il était dur de ne pas connaître ses racines ! Pas de passé, pas d'arbre généalogique pour elle et lorsque parfois les médecins demandaient si elle pourrait avoir des antécédents pour telle ou telle maladie, elle répondait la vérité : « Je ne sais pas, je ne connais pas mes parents... ».

Ne pas savoir d'où elle venait, était un sentiment très frustrant. Il y avait un vide qui ne se comblerait peut-être jamais. Elle se sentait comme coupée du reste de ce qui avait fait son existence d'avant sa naissance, privée brutalement de ses origines.

Heureusement elle se fondait très bien dans cette famille adoptive, car physiquement elle n'avait aucun signe particulier qui pouvait laisser croire que ses parents adoptifs n'étaient pas ses parents biologiques. Toutefois, il était à exclure qu'elle pouvait avoir une quelconque origine nordique ! Elle aimait la chaleur, avait une attirance pour toutes les cultures venant du sud, et elle faisait, régulièrement chaque année dès le printemps, l'admiration de tout le monde, car sa peau prenait le soleil sans problème et bronzait très vite sans effort...

Elle se souvenait que lorsqu'elle était petite, bien sûr, elle aimait écouter des chansons enfantines, mais une musique particulière, surtout pour son jeune âge, l'envoûtait, c'était le Flamenco. Cette danse espagnole d'origine orientale l'émouvait au point de lui donner la chair de poule. Ses parents avaient des disques de cette musique et elle leur demandait souvent de les lui faire écouter. Etait-ce un signe d'un quelconque héritage génétique ?

Les années sont passées ainsi avec toutes ces questions et suppositions restées sans réponses. Depuis, Fred et Marie ont eu deux filles qui connaissent maintenant la vérité. C'était pour elle la moindre des choses que ses filles soient au courant. Elle en a parlé aussi à ses proches (amies et famille de sa génération). Justement, dans la famille, ceux qui étaient les plus âgés, de la génération de ses parents, devaient être au courant, car si sa mère adoptive n'a pas été enceinte, son arrivée du jour au lendemain n'a pas pu passer inaperçue ! D'autant plus qu'elle a été baptisée huit jours après sa naissance et il semble difficile d'organiser, même une petite fête, après un accouchement dont on ne se remettait pas aussi vite à cette époque que maintenant ! Elle en avait fait, d'ailleurs, un jour la réflexion à sa mère bien avant de connaître la vérité, laquelle n'avait pas répondu grand chose. Cela avait paru bizarre à Marie sur le moment, mais elle était passée bien vite à autre chose et n'y avait plus prêté attention.

Marie était déçue par Fred qui ne voulait rien savoir. Elle n'avait personne à qui confier ses questions, ses sentiments quand elle en avait besoin. Mais la vie devait avancer, il ne fallait pas se focaliser sur le sujet.

S'occuper des enfants, de la maison, de sa vie professionnelle, lui prenait tout son temps. La maison, justement, des améliorations ont été faites : construction d'un garage, d'un abri voiture, d'une piscine...bien sûr c'est Fred qui a géré tous ces travaux. Les filles ont grandi et sont parties pour faire des études. Heureusement, elles pouvaient revenir souvent, elles sont toujours restées proches de Marie.

Quelques années plus tard, la mère de Marie est décédée, laissant son père malade et elle s'est décidée à entamer des recherches, non pas pour connaître l'identité des parents géniteurs, puisqu'on ne voulait pas d'elle, mais pour connaître uniquement d'où elle venait. Elle et Fred travaillaient toujours et les trajets pour aller travailler étaient de plus en plus longs car beaucoup de lotissements poussaient comme des champignons un peu partout, ce qui provoquait de plus en plus de monde sur les routes. Jean avait la maladie d'Alzheimer, qui avait débuté avant le décès de Thérèse, sa mère, et il n'était pas possible de le laisser seul chez lui. Il n'avait plus le sens du temps ni de l'espace, il pouvait se perdre s'il sortait et devenait parfois même agressif et également dans l'incapacité de conduire. Il n'était pas non plus envisageable qu'il vienne habiter chez Marie et Fred, qui étaient absents tous les jours de la semaine de sept heures trente du matin à dix-neuf heures le soir. Il a fallu l'installer dans une petite structure médicalisée pas trop loin pour que Marie aille le voir toutes les semaines. Pendant plus de cinq ans, elle est allée ainsi le voir tous les samedis après-midi. Il ne parlait que du passé, des périodes que même elle ne connaissait pas, ne demandait jamais des nouvelles des autres personnes de la famille, jusqu'à ce que petit à petit il ne la reconnaisse plus. Il est ainsi parti lui aussi rejoindre Thérèse, laissant Marie seule.

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