Chapitre 3. Aux Portes des Enfers (pt - 1)

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La jeune lavandière scrutait le ciel. Elle s’était arrêtée au milieu de la foule qui évoluait autour d’elle pour prendre un moment de répit. C’était une habitude qu’elle avait prise de son maître. Le ciel au-dessus de Mirona était souvent gris durant cette période de l’année. Le soleil, timide, refusait de sortir de sa cachette nuageuse. Et pour ne rien arranger un vent frais soufflait dans les rues de la ville, créant ainsi une drôle d’atmosphère pesait sur celle-ci. Elle s’était arrêtée pour respirer un moment. Elle paraissait chercher quelque chose de spécial dans le ciel, mais il n’y avait rien.

Etre une servante à la maison Splendor n’était pas de tout repos. Trier, laver, recoudre, durant une semaine elle n’avait fait que répéter ces mêmes actions sans interruptions. Si Clarissa n’était pas venu l’aider, elle n’aurait jamais pu s’en sortir. Et quand elle pensait pouvoir se reposer, le cuisinier, qui lui aussi aurait eu besoin d’un autre marmiton, lui faisait éplucher des légumes, balayer le sol, et faire le service aux heures des repas. Il fallait se réveiller chaque jour avant l’aube et se coucher quand la dernière tâche était effectuée. Par moment elle sentait ses mains s’engourdir. De plus le majordome venait s’assurer de lui-même qu’elle abattait correctement son travail, lui ajoutant par moment des coups de pressions insoutenable. Celui-ci ne manquait aucune occasion pour la critiquer où la sermonner. Elle n’avait pas travaillé ainsi depuis longtemps et la paresse, par moment, se faisait ressentir. Elle voulait s’arrêter et prendre un moment pour apprécier Mirona qu’elle n’avait pas fini de découvrir où aller s’amuser avec le neveu et la nièce de Clarissa. Mais quand elle pensait rechigner à la tâche, la peur de décevoir sa tutrice se faisait sentir en elle et s’armant de courage elle faisait ce qu’il fallait. Même si c’était un travail pénible celui-ci avait néanmoins ses avantages. Parika, dès son entrée, avait reçu un uniforme composé d’une robe grise assortit d’un tablier blanc qu’elle portait par-dessus avec, cousu sur sa manche gauche, un brassard de couleur bleu pour signifier son origine. Cette uniforme était porté par tous les servants travaillant dans les maisons de noble et donc il était facile de les reconnaître à travers tout le monde qui se balader dans la ville. Ils constituaient une toute autre classe de la société à eux seul mais n’étaient pas bien plus riche que les apprentis. Elle avait une chance dont bon nombre de ses semblables rêveraient : elle avait un endroit décent ou dormir qu’elle partageait avec les autres servants et le plus important elle était bien nourrie.

Le cuisinier l’avait envoyé à la ville ouvrière et sur le chemin de retour, elle transportait une hotte remplie de buches de bois qu’elle avait acheté aux bucherons. Ces derniers venaient aussi du Valkerham et cela lui faisait plaisir de voir et de discuter avec des gens de sa terre natale, la plupart d’entre eux n’étant que des marchands itinérants qui venaient rarement dans ce coin de la ville. Son dos commençait à la faire souffrir et tout ce qu’elle espérait c’était que le cuisinier ne lui demande rien d’autre à son retour. Cependant cette pensée se dissipa rapidement car elle se rendit compte qu’elle ne pouvait rien lui refuser. Un vent doux fit virevolter la mèche quelle laissait pendre et caressa son visage. Comme un signe envoyé par le ciel pour lui commandait de reprendre la route et d’arrêter de se plaindre, elle retroussa ses manches, replaça sa hotte en s’assurant de ne rien faire tomber et se remit à marcher d’un pas décidé. Elle s’avançait à travers la foule qui semblait ne pas se préoccupait d’elle et de sa lourde cargaison. Quelque fois elle croisait un visage familier qui lui adressait un signe de la main auquel elle répondait avec un hochement de tête et d’un sourire. Elle était sur la grande rue qui menait vers le pont qui lui permettrait de sortir de la ville ouvrière. Parika espérait passer devant la boulangerie au moment où le pâtissier sortait ses délicieux beignets et gateaux du four. Elle s’était juré d’y gouter un jour où l’autre.

La petite brise qui avait soufflé sur Mirona toute la journée, tomba d’un coup. Le ciel s’assombrit de plus en plus et une nué d’oiseaux le traversa soudainement.

Parika sentit un insoutenable frisson la traverser et elle s’arrêta sur le champ. Elle sentit quelque chose s’affoler en elle. Tous ses sens étaient en alerte, elle tournait la tête dans tous les sens comme pour chercher quelque chose. Elle connaissait cette sensation, elle l’avait ressenti durant trop longtemps. Avec ses yeux qui scrutaient les alentours elle essayait de localiser un danger imminent. Quelques choses de terrible était sur le point de se produire et à part 2 gardes qui étaient à proximité et qui avaient automatiquement porté leurs mains à leur épée, personne ne semblait réagir. Des chiens se mirent à aboyer, hurler, grogner. Parika pressait le pas. Son imagination ne lui jouait pas de tour, elle en était convaincue. Cette sensation était malsaine. Si la mort avait une odeur, elle empesterait à ce moment-là. Elle bouscula 2 personnes qui laissèrent échapper des jurons mais son cœur battait la chamade, elle ne les entendit pas.

Soudain, haut dans le ciel, des cris s’élevèrent. Ils provenaient tous d’un seul endroit, la ville marchande.

Le monde se stoppa. Ils se tournèrent tous d’un seul mouvement dans la même direction. Ces cris étaient stridents, horribles, agonisant, ils glaçaient le sang. Les gens se posaient des questions, quelques personnes commençaient à courir vers la ville marchande, d’autres dans le sens contraire. La panique commençait à se faire sentir. Quelques secondes s’écoulèrent avant que les grandes cloches de la ville marchande ne se mirent à sonner frénétiquement. Peu après ce fut celle de la ville ouvrière et enfin celle de la ville haute suivirent. Elle ne se stoppaient pas. Leurs sons envahissaient l’air et serraient les cœurs d’angoisse

- On est attaqué, cria une voix

La panique gagnait du terrain au sein de la foule, elle s’en était emparée. Les gens commençaient à se disperser en courant, s’éparpillaient essayant de trouver un abri pour se cacher d’une menace qu’ils ne connaissaient pas. Les cris s’intensifièrent, ils devinrent de plus en plus effroyables. Bientôt une fumée noire commença à s’élever dans les airs comme pour les accompagner. Les soldats des alentours essayaient tant bien que mal de contrôler la situation. Ils essayaient de rediriger la foule, de la canaliser mais Parika voyait clairement sur leur visage leur détresse face à cette situation à laquelle ils ne comprenaient rien eux même.

- Par Dieu, une attaque ? c’est, c’est impossible. Pourquoi les soldats des remparts n’ont pas réagi, lança un soldat

- J’en sais rien, répondit son collègue avant de crier, rejoignez les casernes, vite !

L’idée de rejoindre les casernes de la ville se répandit très vite et bientôt la foule commença à prendre la même direction. Parika adopta le mouvement général mais dans l’action sa tête était embrouillée, ses idées étaient floues. Elle ne pouvait pas imaginer que Mirona puisse se faire attaquer. Au fur et à mesure qu’elle s’avançait ses pensées se précisaient. Dans la précipitation et la confusion elle reconnut deux petites silhouettes égarées dans toute cette agitation. C’était Germo et Luna. Germo tenait sa sœur par la main et cette dernière pleurait, apeurée. Tous les deux essayaient de se frayer un chemin dans la panique et bousculés dans tous les sens comme ils l’étaient, les deux enfants n’avaient aucune chance d’y arriver. Parika les héla et reconnaissant la voie familière, ils se retournèrent et accoururent aussitôt.

- Vous allez bien ? demanda-t-elle en sueur cherchant des blessures sur eux, vous n’êtes pas blessés ?

Ils firent un signe de la tête pour répondre. Bientôt on entendait des coups de canons provenant de la ville marchande.

- Qu’est ce qui se passe Parika ? demanda Germo

- Ou est Tante Clarissa ?

Parika avait les idées plus clair, elle mieux que quiconque savait que dans ce genre de situation il ne fallait surtout pas céder à la panique, elle se rappelait des enseignements de son maître. Elle saisit les deux enfants par la main et ils reprirent leur course d’un pas déterminé. Elle savait que Clarissa irait bien. Si la ville était attaquée par des mercenaires, ce n’était pas eux qui lui poserait problèmes. Même elle pouvait s’en occuper. « Non, il faut éviter de se battre, la priorité c’est de nous mettre à l’abri » pensa-t-elle. Une grande explosion surgit. Celle-ci fit trébucher plus d’un qui tombèrent à terre. Luna tourna la tête et vit une colonne de feu qui illuminait tout sur son passage s’élever dans les airs. Parika ne s’arrêta pas. Elle reconnut le type d’explosion, des canons venaient de sauter. La situation se corsait, les assaillants, qui qu’ils puissent être, étaient puissant. Et comme un allié fidèle, bientôt le chaos suivit la panique. Tout le monde fuyait, bousculait, renversait. Ceux qui, au début, voulait aller vers le danger était les premiers devant. Devant la jeune fille la foule se densifier. Elle tenait aussi fort les mains des deux enfants qu’elle le pouvait, il était hors de questions de les perdre.

Le sol commença à trembler. Il ne tremblait plus à cause des pas des milliers d’habitants qui courraient.

Il tremblait tellement que des habitations commençaient à s’effondrer. Les décombres tombèrent sur les malheureux qui en étaient le plus proche. De la poussière se mêla au cris d’effroi. Puis, plus rien

Parika sentait les enfants s’agrippaient à sa robe, la peur avait étreint leur cœur. Elle scrutait les alentours dans l’espoir que la route ne soit pas bloquée. Au moment où Parika voulut s’avancer, le sol, à plusieurs mètres devant eux, sauta, envoyant dans les airs un grand nombre de personnes. Les débris s’abattirent de partout. Tout le monde fut projeté à terre. Parika protégeait les enfants en les entourant de ses bras. Autour d’elle, malgré la poussière, elle arrivait à voir les gens se faire écraser, d’autres errants, blessés. Elle entendait des cris, des pleurs et des lamentations. Elle voulut fermer les yeux mais c’était bien la dernière chose qu’il fallait faire.

- Que se passe –t-il ? laissa-t-elle échapper en se relevant progressivement

Un trou béant s’était formé.

- Allez, levez-vous, il faut qu’on s’en aille, dit-elle en les aidant à se relever, on ne peut pas rester…

Elle ne réussit pas à terminer sa phrase. Un horrible frisson la parcourut quand elle entendit un étrange bruit provenant de derrière elle. Une sueur froide descendit le long de son échine alors qu’elle arrivait à l’effroyable réalisation. Les assaillants n’étaient pas passé par les remparts, sinon les canons les auraient réduits en cendre avant qu’il n’arrivent. Ils sont venus par le sol. Les bruits qui provenaient du trou s’intensifiaient et ressemblaient de plus en plus à des grognements puis, à des rugissements. Les assaillants n’étaient pas humains, c’était des monstres

Au moment où Parika comprit ce qui se passait, au loin, là où s’était formée l’ouverture se profilèrent des silhouettes singulières qui en sortait. Elles se déambulaient comme des animaux, à quatre pattes, tremblantes par moment. Elles étaient toutes aussi grandes que des chevaux. Les grognements qui découpaient le silence provenaient de ces mêmes silhouettes qui se précisaient au fur et à mesure que la poussière autour d’elles se dissipait. Bientôt on pouvait les voir distinctement, ce n’était plus des silhouettes. C’étaient des goules. Leur odeur fétide conquérait l’endroit à mesure qu’elles sortaient du trou. Leurs longues griffes de métal lacéraient le sol alors qu’elles dévoilaient leur visage dont la peau était tombée depuis longtemps, exposant leur crane putride. Ce qui ressemblait à leurs poils se dressaient sur leur dos tel des épines. Leur corps rachitique traduisait un manque de proie vu que ces dernières ne se nourrissaient que d’humains. C’était la fin. L’une d’elle poussa un terrible cri comme pour annoncer leur victoire et commencèrent à se jeter sur les quelques cadavres qui jonchaient le sol autour de leur entré. Ceux qui était encore conscient et debout profitèrent de leur inattention pour s’enfuir en poussant des cris, priant les cieux, demandant de l’aide. Certains étaient pétrifiés de peur face à un tel spectacle, d’autres étaient tout simplement blessés ils ne pouvaient pas fuir. Ils n’auraient jamais cru possible de voir une telle chose. Ce ne fut qu’une question de temps avant qu’une goule ne détourna son regard et le porta vers un endroit d’où provenait des sanglots. Parika se retourna, lentement, elle ne savait pas pourquoi elle faisait cela, alors qu’elle tremblait d’effroi, que son cœur battait dans sa poitrine à tout rompre et que son visage se déformait sous la terreur. Cette scène, ce cauchemar, elle l’avait déjà vécu, elle savait pertinemment ce qui allait suivre. Les sanglots appartenaient à une femme qui avaient ses jambes coincées sous des décombres. Elle remarqua la goule qui s’avançait silencieusement vers elle et bientôt elle se débattait et se démenait, ignorant sa douleur atroce pour sortir. Elle suppliait de toutes ses forces qu’on l’aide mais personne ne l’entendait. Il fallait fuir. Parika était debout, immobile. Ces yeux fixaient la goule qui était arrivé à la hauteur de sa proie. Ses cris s’intensifièrent à mesure que la créature approchait son visage du sien. Ses larmes inondaient son visage et ne s’arrêtaient pas. Le démon déforma son visage en ouvrant sa gueule dévoilant les lames qui lui servaient de dents avant de les abattre violement sur sa proie. Parika n’entendit rien. Elle n’entendit pas les cris de terreurs poussaient par ceux qui regagnaient soudainement leur capacité à se mouvoir, ceux des enfants qui tremblaient et pleuraient ou ceux des personnes qui se faisaient déchiqueter. Tout ce qu’elle voyait et entendait, c’était le sang qui gicla et repeignit les murs aux alentours au moment où la bête arracha la tête de la pauvre femme. Elle pouvait distinguer toutes les gouttes de sang. Puis sa vision s’obscurcit et des images d’événements passés se répétaient sans cesse dans sa tête, un massacre comme celui-ci, du sang qui se rependait et se mêlait à la neige.

- Parika !!!

Germo la tirait par la manche et par la même occasion de ce cauchemar qui ne dura pourtant que quelques secondes. Elle se ressaisit et força ses jambes à bouger et reprendre leur course. Les créatures poussaient des cris comme pour se rallier et maintenant poursuivaient ceux qui tentaient de les fuir. Parika et les enfants couraient aussi vite qu’ils le pouvaient tout en se frayant un chemin à travers les ruines et les corps. Les goules venaient de partout, elles étaient rapides et elles gagnaient du terrain. Des mares de sang se formaient au fur et à mesure que ces horribles créatures massacraient ceux qui étaient trop lent. Ils furent bousculés par des soldats qui venaient en contre sens, arme à la main, prêts à retenir les démons. Mais c’était inutile, même eux le savait. Et bientôt c’était leur cri qui se joignait à ceux des victimes. Ils étaient dépassés par leur nombre, ils battaient déjà en retraite. Les goules se rapprochaient, Luna et Germo ne sentaient plus leurs jambes, ils voulaient s’arrêter. Une goule se démarqua du groupe qui les poursuivait, elle courrait plus vite. La frénésie meurtrière dans laquelle elle était plongée et le chaos, l’avait rendue folle. Elle était sur le point de rattraper la jeune fille, elle n’en était plus qu’à quelques mètres. Parika arrivait presque à sentir son souffle, « c’est fini » pensa-t-elle alors qu’une larme coulait sur sa joue.

Elle trébucha au moment où la bête porta son coup.

Les deux enfants furent projetés en avant tandis que les griffes de la goule tranchaient la hotte de la jeune fille répandant ce qui en restait sur le sol. Paralysait, elle ne pouvait plus rien faire. Elle tremblait de tout son corps. Elle voulut se relevait mais la bête se rapprochait et son corps ne lui obéissait plus. Elle savait que les enfants étaient eux aussi figeaient, en larme, mais elle ne pouvait rien faire. Des images, d’horribles images, dans son esprit défilaient tel des flashs de lumières et l’empêchaient de penser. Quand le démon fut assez proche d’elle, elle aperçut les yeux de l’horrible bête qui avaient la même couleur que son sang la foudroyant comme jamais. Quand tout semblant d’espoir fut perdu alors qu’elle fondait en larme la seule chose que sa bouche put articuler fut « Maître, sauvez-moi !!! ».

La goule leva l’un de ses bras et d’un coup sec, l’abattit sur elle.

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