Si je lis dans leurs yeux Qu'ils sont tous bien aimables Je me demande bien Ce qu'ils peuvent me vouloir ?
Les voilà qu'elles défilent pour venir me voir.
Elles se pressent tour à tour, S'assoient sur mes genoux, Me déclarent leur amour. Elles M'embrassent le cou, Me disent des mots doux, Et finissent par poser Un baiser sur ma joue.
Quelque chose me dit que toutes je les adore. Mais j'ai beau réfléchir, Visiter mes décors, Fouiller mes souvenirs, Comment puis-je leurs dire Qu'elles me sont inconnues ? Que je ne m’souviens pas un jour, les avoir vues.
La tristesse ravine ces inconnus visages Dans l’eau claire de leurs yeux, J'aperçois des nuages auraient-elles deviné le fond de mes pensées ?
Assise à mes côtés Ma voisine me regarde. Je la connais ? peut-être ! Dans ses yeux je m'attarde Je crois nous reconnaître, Un jour l’avoir aimée.
Les images se confusent. Une fête dans un caveau ? Des verbales qui fusent ? Des mots qui s'entrecroisent ? Des jours qui deviennent beaux ? Nos coeurs qui s'apprivoisent ?
Un enfant tombe et pleure. Elles tournent la tête Elle a sonné mon heure Je dois quitter la fête.
C'est l'heure où le soleil se cache derrière la nuit. C'est le moment propice, C’est l'instant de l'éclipse.
Au milieu d'un grand champs, J'aperçois un chêne grand. Planté dans l’ immobile, Il attend tristement l'avenir inutile,
Ses branches affaissées Et ses glands asséchés n'attirent plus désormais les gourmets écureuils. Son corps vieillissant deviendra son cercueil.
A force de mourir les souvenirs l'ont fuit. Des années qui s'égrainent ne germe que l'ennui de voir dans les regards ne poindre que le chagrin ou, plus cruel encore, qu’une tendre pitié. Il attend, impatient, que par un soir d'été, Un orage superbe vienne le foudroyer.
Je m’approche de lui. Je suis bien fatigué. Maintenant Il fait nuit.Je me couche à son pied. Au loin la terre tremble et le ciel se zèbre. Nous attendrons ensemble la venue des ténèbres. Bien des printemps après, une passante, amante du passé, au bras de sa petite fille, vient à passer par là. La jeune fille la voyant un peu triste lui demande les raisons d'un si grand trouble. La vieille l’invite à s’asseoir sur un banc, émue elle lui raconte son premier rendez-vous, Son premier interdit, une idylle qui se noue, son chêne disparu:
"Il y a bien Avant, Il y a bien longtemps, A la place de l’asphalte, des commerces,des voitures, De la crasse des rues et des noires toitures, Un chêne de cent ans Au milieu d’un grand champs. Abritait les amours de tous ceux qui aimaient.
Il nous semblait si fort Qu’on grava sur son corps Des coeurs enlacés, Des flèches tatouées, Des “je t’aime pour toujours” Des lettres qui s’additionnent Et tous les mots d’amour Dont la terre résonne
Nos amoureuses jeunesses, Aveuglées par l’ivresse Des hymens nouveaux, À grands coups de couteaux Lui firent saigner les flancs. Accélérant le temps Qui nous dit qu’on est vieux.
Nous, enfants capricieux Le voyant dépérir, Allâmes ailleurs jouer Au joli temps d’aimer Nous le laissâmes vieillir Seul au milieu des fleurs.
On dit, qu’un soir d’été, vint le voir un ami. Un homme qui comme lui Était le prisonnier, De bonheurs oubliés.
On dit, qu’un soir d’été, Un orage superbe venu du fond des âges Vint les déraciner, Les extraire de leur cage.
Aujourd’hui, qui je pleure ? L’absence d’un ami Que j'ai laissé tomber ? Ou bien mon front ridé Et la peur de l’oubli ?”.
Les deux femmes s’éloignent en laissant sur le banc les souvenirs qui témoignent que la mort, c’est l’oubli. À Maurane le matin du huit Mai 2018
Si aujourd'hui, j'ai le coeur qui frissonne pareil à celui des fleurs anémones. Si aujourd'hui, je suis assez minable comme une chaise à l'envers oubliée sur une table.C'est que la mort ennemie m'a enlevé une amie.
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