Un jour peut-être

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C'est une journée comme une autre, et je n'en attends rien. Une de ces journées d'hiver, grise et morose. A pleurer, diraient certains. C'est encore grandement en-dessous de la vérité. Ce qu'inspire ce morne après-midi de décembre est au-delà des sentiments humains.

Que faire quand il n'arrête pas de pleuvoir ? Noël étale partout ses lumières enchanteresses, ses posters de paysages enneigés, ses odeurs de cannelle et ses cartes de vœux rehaussées de dorures. Illusion pourtant que tout cela. Lorsqu'on doit arpenter la ville grise et froide, qu'on est transi et solitaire, on ne voit qu'une chose : partout de l'eau ruisselante, glaciale et sale. Et des vitres embuées.

Décembre, en réalité, c'est la saison des pluies.

On vit avec leur tambourinement sur les toits. Il finit par faire partie de nous, intime et lancinant. Musique d'ambiance pour vies désenchantées. Et on se surprend à rêver pour la millième fois à un chalet montagnard entouré de blancheur immaculée, au toit décoré de stalactites de glace. On irait sur le balcon de bois clair, frissonner au vent hivernal et goûter les flocons virevoltants. Comme si l'enfance, durant un miraculeux instant, était revenue. Puis on rentrerait se préparer une boisson bien chaude pour la savourer lentement au coin du feu.

Un jour, peut-être...

Décembre. La pluie. Même les chats rechignent à sortir. Ils font une promenade hâtive et se dépêchent de rentrer pour sécher leur pelage et se pelotonner près d'un radiateur. C'est ce que fait le mien. Il m'attend, bien au chaud, le petit veinard...

Moi, je me mouille, je grelotte. Les bourrasques retournent les parapluies. Je n'ai même pas sorti le mien. A quoi bon ? La pluie est plus forte que nous. Elle persévère, s'obstine, s'insinue. Elle finit par nous imbiber, quoi qu'il arrive.

Je n'ai pas le moral. Tous ces gens qui pataugent me dépriment. Je ferais mieux de rentrer chez moi, prendre un bol de lait chaud avec une tartine de marmelade d'oranges.

La pluie redouble. Les décorations lumineuses se balancent au vent. J'ai froid. J'ai froid...Noël n'est plus ce qu'il était. Où sont donc passés les Noëls de mon enfance, tellement magiques, tellement différents ? N'était-ce que l'enfance qui leur donnait cette saveur si particulière ? Non, il y avait réellement autre chose : la neige était plus souvent au rendez-vous, on riait davantage, la magie était palpable partout... La cuisine embaumait les amandes et la cannelle lorsque j'aidais ma grand-mère, mon frère et ma sœur à confectionner les gâteaux de noël en forme de sapin ou d'étoile. Avant de les mettre au four, on les badigeonnait d'oeuf battu.

Je n'ai plus pensé à l'odeur de ces biscuits depuis longtemps. L'âge adulte et ses préoccupations ont chassé leurs effluves de mon esprit. Il faut que j'essaie d'en refaire l'un de ces jours. Retrouver un peu d'enfance, un peu de chaleur.

Mais je serai seul. Il n'y aura pas de rires. Grand-mère est partie pour sa dernière demeure. Mes parents aussi. Vincent et Noémie sont allés vivre à l'étranger. Des pays sans neige...

En grandissant, nous nous sommes éloignés les uns des autres, inexorablement. Comme si nous avions senti très tôt que nos routes étaient amenées à se séparer. Nous n'avons presque plus rien à nous dire maintenant. Des banalités. Chacun d'entre nous a sa vie. On se regarde de loin, comme si on n'avait jamais grandi sous le même toit, à partager jouets, devoirs, rires et disputes.

A présent, je travaille, je dors, je mange seul. Et je me promène seul sous la pluie.

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