La neige, enfin

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Les passants ont un air maladif. La grisaille ambiante rend leur teint blafard. Cette ville ressemble de plus en plus à un gigantesque hôpital. Ses habitants s'agitent et frissonnent, en proie à la fièvre des derniers préparatifs. L'obsession tenaille leurs esprits : les fêtes doivent être réussies, coûte que coûte ! Ma maladie à moi, c'est la solitude et je ne m'agite pas. A quoi bon ?

J'ai dû rater un épisode de ma série favorite, celle dont je suis le personnage principal. On a omis de me prévenir que je jouais le premier rôlel dans le nouveau succès du moment : « Noël chez les morts-vivants ». Je suis le seul humain encore en vie sur cette terre, et je cherche désespérément un semblable qui n'existe plus. A part dans mon imagination.

C'est un changement qui me fait revenir à la réalité. Un changement ténu, mais essentiel : il ne pleut plus. On dirait même qu'un rayon de soleil cherche à traverser la couche de nuages d'un gris un peu moins sombre. Mais prudence : cette éclaircie est sûrement trompeuse !

J'avais raison : les premières gouttes reviennent très vite. Fausse éclaircie, faux espoirs. Comme pour ponctuer mes réflexions, le vent redouble et retourne plusieurs parapluies. Tant pis pour ceux qui pensaient échapper à sa fureur !

Ah ! Enfin me voici arrivé à la bibliothèque. Je vais pouvoir rendre ces livres. Et en emprunter de nouveaux. De nouvelles fenêtres sur d'autres univers à découvrir, qui me feront oublier la médiocrité de ma vie. Et cette satanée pluie...

J'entre dans l'antique bâtiment où les pas résonnent. Je tourne à droite et je pénètre dans la petite salle chaleureuse et accueillante. La buée sur les vitres rend l'ambiance encore plus intime. Ce monde n'a plus rien à voir avec celui du dehors, avec tous ces gens moroses qui piétinent dans les flaques. Ici, je me sens bien. Au chaud. On n'entend plus la pluie. Grâce à la buée, on ne la voit même plus. Un sapin de Noël, débordant de guirlandes, de lumières et de décorations, donne une note chaleureuse à cette pièce d'ordinaire un peu austère.

Je reprends d'autres livres et je plonge dans leurs univers feutrés, indifférent à ce qui m'entoure. Tous parlent des noëls d'antan, de la neige, de pays lointains et gelés, de recettes qui fleurent bon la cannelle et la tendresse. Je suis heureux ici. J'aimerais y rester encore des heures, mais je dois m'en aller. Rentrer chez moi. Mon chat m'attend. Mon chat, et mes rêves.

Je me ferai un bon chocolat que je boirai en solitaire. Mais ce n'est pas grave. La solitude ne me fait plus peur à présent. J'ai découvert comment, avec un peu de douceur et de fragrances sucrées, je peux me prémunir de ses morsures.

Lorsque la lourde porte en bois se referme derrière moi et que je retrouve la rue, je n'ose y croire. A la place des méchantes petites gouttelettes, de gros flocons descendent du ciel en tournoyant. J'en attrape un dans mon poing, et je le fourre dans ma bouche. Il me semble ne jamais rien avoir bu d'aussi délicieux. Je me revois, avec Vincent et Noémie, en train de construire un bonhomme de neige, puis de dévaler la colline avec nos luges. Je me mets à courir. Les passants, transfigurés, me regardent en souriant. Sur les toits, une belle couche blanche commence à naître.

Mon portable sonne. C'est Noémie. Elle m'annonce qu'elle en a assez. Que son ancienne vie lui manque. Qu'elle revient vivre dans notre ville. Qu'elle aimerait passer Noël avec moi. Elle me demande s'il y a de la neige...

L'espoir est revenu.

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