Chapitre 2

7 minutes de lecture

18 juillet 2020

Ma sœur ne m’avait pas reparlé de ce qui se cachait dans la cave depuis mon treizième anniversaire. Elle faisait sa petite vie d’enfant, inconsciente du danger que représente la pièce. Pour cette raison, je l’enviai. Depuis que j’avais découvert la vérité, le moindre bruit me faisait sursauter. Il m’avait fallu au moins un mois avant de pouvoir oublier la sensation des yeux bleus glacés posés sur moi. Malgré tout, avec le temps, je m’y étais habitué. Après tout, j’avais vécu jusque-là sans aucun problème. Pourquoi en serait-il allé autrement ?

L’élément qui m’a poussé à découvrir pourquoi un esprit habitait dans ma cave est survenu ce matin. J’étais en train de parler sur les réseaux sociaux. Je discutai avec mon meilleur ami. Il était parti en vacances à l’étranger au début du mois. Il devait y rester presque tout l’été et pour être honnête, passer deux mois de vacances sans lui me paraissait une éternité. Il était en train de me raconter ses exploits sur la plage. Rien de bien intelligent, vous pouvez me croire ! Julie était venue me voir au moment où je verrouillais mon téléphone :

« Grand frère, je retrouve plus ma poupée. Tu m’aides à la chercher ?

- Bien sûr. Je vais voir au salon. Toi, reste dans ta chambre. »

Je lui avais fait un bisou sur le front et elle était repartie. Mes parents ne travaillaient pas puisque c’était samedi. Ils étaient dans le salon, en train de regarder la télévision. J’hésitai quelques secondes avant de me décider : cette fois, c’est moi qui irais en bas.

« Papa, maman, Julie a perdu un jouet. Je vais à la cave pour le remonter.

- D’accord. Mais fait attention à toi et surtout n’oublie pas de sonner.

- Oui maman. »

Pendant ces dernières années, je n’étais pas descendu souvent. J’évitai de me confronter au froid et à l’angoisse d’entrer dans la pièce. Mais cette fois-ci, j’ai fait un effort. Pour ma petite sœur. Elle m’est extrêmement cher. En plus de ça, je voulais savoir si j’en étais encore capable, voir si mon courage ne m’avait pas abandonné. Il faut quelques fois se confronter à des situations qui sortent de l’ordinaire. On ne fait pas toujours ce que l’on veut dans la vie. Rentrer dans la pièce était un bon moyen de tester mes limites. Même si, au fond, je n’avais pas réellement envie de le faire.

J’allumai la lumière des escaliers et posai mon pied sur la première marche. À chaque fois que j’en descendais une, mon cœur ratait un battement. Des frissons me parcouraient le corps. C’était autant du au froid qu’à l’adrénaline. J’arrivais bien trop vite à destination. La porte se dressait devant moi, simple ombre effrayante. Mon rythme cardiaque était anormalement élevé. J’avais respiré calmement pour essayer de me détendre. Bien sûr, sans succès.

Ce qui me perturbait le plus dans cette cave, c’était le silence. Il n’y avait pas un seul bruit dans le sous-sol. Et la pénombre dans laquelle se trouvait la porte rendait le tout un peu glauque. "Quelle idée j’ai eu d’y aller par moi-même !" avais-je pensé. Je pris mon courage à deux mains puis ouvris la porte. Comme la toute première fois, elle pivota sans un bruit. Je donnai un coup de sonnette. Le glas lugubre -et très, très flippant- résonnait dans mes oreilles. Sans perdre de temps, j’allumai. Je fermai les yeux dans le même temps. J’avais toujours peur de découvrir l’esprit devant moi. Bien entendu, il n’y était pas. Il n’était jamais là lorsqu’on ouvrait la porte.

Je me souviens avoir pensé que mon histoire pourrait faire un bon film d’horreur. "Il faudrait que je soumette l’idée à un réalisateur de Hollywood." m’étais-je dit. Cette pensée m’avait redonnée un peu de courage et j’étais entré dans la cave. La poupée n’était pas visible immédiatement. Avec un soupire, j’avais commencé à déplacer certains meubles. Si les chaises et les vases étaient faciles à soulever, c’était autres choses avec un canapé ! Je fus rapidement couvert de sueur. La journée commençait bien !

Cela devait bien faire cinq minutes que je faisais un boucan d’enfer. J’entendis des bruits de pas en haut des escaliers. Une voix m’interpela. Elle me parvint étouffée :

« Tu as besoin d’aide ?

- Non merci papa ! Je viens de la voir ! »

En effet, entre deux meubles, je venais de remarquer les cheveux blonds de la poupée de ma sœur. Le seul problème était que le jouet était posé sur un meuble qui était encore inaccessible. Je ressemblai mes forces et réussit -enfin- à créer un passage. Il était juste assez large pour moi. Je me faufilai jusqu’au meuble. Celui-ci était recouvert d’un drap. Je n’aurais su dire s’il s’agissait d’une commode ou d’autre chose.

Je m’étais mis à frissonner quand j’avais tendu le bras pour récupérer le jouet. Il était devant la porte. Ses yeux bleus glacés semblaient me transpercer de part en part. Ils n’avaient aucun moyen de s’en défaire. Où que je sois dans la pièce, je les sentirai. Je fermai les yeux pour me reprendre. Je savais que si je me tournai pour le voir, il n’y serait plus. Mais, si cette fois, il ne bougeait pas ?

Je les rouvris. Il n’était plus là. Cela ne me surprit pas. Ma mère m’avait dit que, parfois, on ne percevait pas sa présence. J’étais soulagé. Je pris la poupée d’un geste rapide. Ce faisant, je fis accidentellement tomber le drap. Il glissa le long du meuble. C’était une bibliothèque. Je découvris, stupéfait, des dizaines de livres. Ils étaient tous alignés sur deux étages. J’allais en prendre un pour l’examiner quand je le revis. Il m’observait ! Je décidai de prendre un des ouvrages, le premier à gauche. Je remis ensuite le drap sur le meuble avant de repasser par mon passage improvisé. Hors de question que je lise ici !

Je m’apprêtai à refermer la porte -j’avais déjà éteint la lumière- quand quelque chose de glacial se posa sur mon avant-bras. Des vagues de froid se propagèrent dans tout mon membre. C’était comme si on me posait de la glace pilée à même la peau. Je restai immobile pendant un quart de seconde puis je claquai la porte. La pression sur mon bras s’envola aussitôt. L’esprit m’avait touché ! Je restai en bas quelques minutes pour me reprendre. Comment une chose immatérielle avait pu agripper ?

Curieusement, j’entendis un bruit venant -comme vous l’imaginez bien- de la cave. C’était un grattement. Je fus pris de frisson. Sans m’attarder, je montai les escaliers à la hâte. Plus jamais je ne descendrai dans cette foutue cave ! Je prévins mes parents que j’avais retrouvé le jouet. J’étais encore trop perturbé par la sensation de froid dans mon bras pour leur en parler.

Ma sœur accourut dans le couloir et je lui remis sa poupée.

« Merci ! T’es le meilleur ! »

La voir sourire fût l’une des choses qui me remonta le moral. La seconde fût ce que mes parents nous dirent :

« Ce soir on va manger chez des amis. On ne dormira pas là. »

J’avais fait mon sac en glissant le livre de la cave à l’intérieur. Je le lirais là-bas. La plupart du temps, je préfère rester dans mon coin lorsqu’on va chez des amis de mes parents. Mais aujourd’hui, j’étais resté avec eux. J’avais besoin de me changer les idées. Il n’y avait que lorsque j’étais allé coucher ma petite sœur que je m’étais isolé. Donc, le soir, vers vingt et une heure -c’est à dire il y a maintenant deux heures- j’ai ouvert le livre. En vérité ce n’est pas un livre mais plutôt un carnet. Je ne sais pas quoi en penser.

Cher journal,

En ce dimanche vingt et un janvier mille huit cent quatre-vingt-trois, nous venons d’emménager dans notre nouvelle maison. Elle se situe dans un petit village paisible. Cela nous change beaucoup de notre appartement en ville. L’air pur de la campagne est très revigorant.

C’est une tout autre vie qui commence. Hector, mon mari, a fait construire la bâtisse dans un grand domaine. Il nous appartient depuis l’année précédente. Cela est parfait pour nos deux filles ; elles pourront s’y amuser en toute sécurité. Elles sont si heureuses ! Malgré tout, je ne peux m’empêcher de me dire que notre autre fille aurait aimé vivre ici… Les larmes me viennent aux yeux lorsque je pense à l’accident tragique qui m’a enlevé ma fille, il y a maintenant un an… Si seulement j’avais pu, j’aurais échangé ma place avec la sienne. Cela m’a déchiré le cœur, plus qu’aucune autre chose. Nos triplés ne sont plus que des jumelles. Cet événement nous a tous bouleversé. Mon cher époux a préféré noyer sa peine dans son travail. Pour moi, tout au contraire, j’avais eu besoin de mes deux petites filles.

Quoi qu’il en soit, il faut se réjouir d’être encore tous les quatre. Mon mari a installé son cabinet de recherche au sous-sol. Il a aussi fait mettre une porte coulissante devant l’escalier.

Il ne veut pas qu’on le dérange.

Demain nous irons nous promener dans le domaine, cela va être une journée magnifique.

Ce carnet semble avoir été écrit par les premiers habitants de la maison ! Je ne peux pas m’empêcher de me demander si l’esprit était déjà là. Je pense que oui car le père, Hector, a fait mettre une porte devant la cave. Il voulait sans doute protéger sa famille. À moins que l’explication donnée soit la véritable explication… Je ne sais pas quoi penser. Plus encore, je trouve ça très étrange. J’ai parcouru le livre rapidement mais je suis trop fatigué pour continuer.

Je vais dormir, demain est un autre jour. J’espère avoir l’occasion de trouver d’autres explications lorsque je serais reposé.

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