Chapitre 3

7 minutes de lecture

20 juillet 2020

Nous sommes rentrés chez nous le lendemain -donc hier à l’heure où j’écris- en début de soirée. Cela avait été une belle journée d’été. J’étais sorti jouer avec Julie. Nous avons une balançoire juste devant la maison. Je l’avais poussé aussi haut que possible. Elle riait en me disant de continuer encore plus. Ma mère était arrivée pour nous prendre en photo. Avec un regard complice, nous avions détallé hors de portée du téléphone de ma génitrice. Julie, tout comme moi, détestons les photos, au grand damne de mes parents. Cette fois ma mère fut au moins satisfaite : elle avait réussi à nous avoir. Suite à ce moment, nous étions revenus pour manger.

Avant de me coucher, j’avais pris le temps de m’asseoir et de lire le carnet. Le livre m’a renseigné sur l’identité de la famille. Celle qui écrit s’appelle Brenda, son mari est Hector et ses deux filles de neuf ans, Charlotte et Germaine. Ils vivaient tous à Lyon avant de venir ici. Hector était un grand chercheur dans le domaine de la santé. Brenda explique qu’il est spécialisé dans l’étude du sang. Il voulait trouver un moyen de soigner les personnes hémophiles.

Je n’ai encore rien trouvé sur la troisième fille. Tout ce que j’ai pu comprendre c’est qu’elle est morte dans un accident de voiture. Mais Brenda ne donne jamais de détail. Je la comprends. Cela doit être dur d’en parler. Elle ne donne jamais son prénom lorsqu’elle l’évoque dans une de ses phrases. On dit souvent que perdre un enfant est la chose la plus effroyable qui soit. Sur ce point, je ne peux pas savoir ce que Brenda a dû endurer.

Ma mère m’appelle pour que je mette la table ce midi. Il faut que j’y aille.

*

Je n’aime pas le soir, ou plutôt la nuit. Je me suis toujours demandé comment l’esprit pouvait emporter des jouets à la cave. La seule explication possible est qu’il en sorte et qu’il puisse se déplacer dans toute la maison. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, cette idée est effrayante. Je n’aimerai pas le croiser le soir !

Quoi qu’il en soit, j’ai encore dû descendre. Cette fois, c’était pour moi. Mon portable avait disparu. C’est arrivé en fin d’après-midi. Mes parents étaient absents et ma sœur regardait la télé. Au départ, je ne voulais pas aller le chercher. Il suffisait que j’attende que ma mère arrive -c’est toujours elle qui revient la première. Après ce que j’avais vécu il y a deux jours, il était hors de question d’affronter à nouveau l’esprit ! Seulement voilà, notre ligne de téléphone fixe était en panne. S’il y avait le moindre problème, je devais impérativement avoir mon téléphone portable à portée de bras.

Il fallait donc y retourner.

J’ai allumé les escaliers puis je suis descendu, sans me laisser le temps de trouver des excuses. Juste avant de poser mes pieds sur la première marche, je revis les rails. Cela m’a fait penser à ce qui était marqué dans le carnet. Que le père, Hector, avait fait poser une porte coulissante devant les escaliers de la cave. Était-ce le reste de cette porte ? Sans savoir pourquoi j’avais frissonné.

J’avais dans la main le carnet de Brenda. Je voulais voir si les autres livres étaient écrit de sa main. Et surtout, je voulais reposer celui-là. Je faisais des cauchemars depuis que je l’avais pris. C’est un peu cliché de dire ça, mais bon, c’est la vérité. En deux nuits, j’avais rêvé cinq fois de la même chose. Je faisais toujours le même cauchemar. Rien ne changeait d’une fois à l’autre.

Dans mon rêve, j’étais couché dans la cave. La porte était ouverte mais la lumière éteinte. Lorsque j’essayais de me relever, mes jambes ne répondaient pas. Impossible de les bouger de quelque façon que ce soit. Il faisait froid. En tout cas j’avais la sensation d’avoir froid. Je voyais la sortie et la lumière au-dehors. Je voulais me lever et sortir mais mes jambes refusaient toujours de fonctionner. Ça arrive au moins une fois dans une vie ce genre de rêve. Je suis sûr que vous savez de quoi je veux parler. On a envie de faire quelque chose mais on n’y arrive pas ou partiellement. Je déteste cette sensation.

Je rampai donc vers la sortie en m’aidant de mes bras. Eux, au moins, je pouvais les contrôler. Et puis l’esprit venait se placer devant la sortie. Je percevais sa main sans vraiment la voir. J’avais juste la certitude qu’il s’agissait bien de ça : une main. Elle se levait doucement vers l’interrupteur. Doucement, son doigt touchait le bouton. Je voulais crier pour appeler à l’aide, mais impossible d’émettre un son. Ma voix restait bloquée dans ma gorge, comme emporté par une force invisible. Puis le flash de lumière me brouillait la vue, m’obligeant à fermer les yeux. Quand je les rouvrais, il n’était plus devant la sortie. C’est là que je le sentais. Il était derrière moi. Ses mains glaciales me touchaient les jambes. Je sentais leurs étaux se resserrer sur mes chevilles. C’était exactement la même sensation que l’autre jour, quand il m’avait agrippé le bras. L’esprit me traînait ensuite loin de la sortie. Je voyais la lumière s’éloignait de moi tandis que je sombrais dans les ténèbres…

C’est en général à ce moment que je me réveillais en sursaut. Donc, j’ai décidé de reposer ce maudit livre même si je pense que ça ne va rien changer à ces cauchemars. J’étais arrivé devant la porte de la cave. La pénombre m’oppressait. Le froid m’engourdissait les membres. J’avais l’impression d’être de retour dans mon rêve. J’ouvrai la porte et tapai la sonnette. Le glas lugubre retentit. Je voulais remonter en sécurité le plus vite possible. J’allumai la lumière et allai immédiatement à la recherche de mon portable. Je posai le livre à la "va-vite" sur un des meubles. Tant pis pour les autres carnets ! Je voulais en finir au plus vite.

Je m’étais focalisé ensuite sur mon téléphone. Je me figeai d’un seul coup. Il était à l’angle de ma vision. Je ne voulais plus le voir. C’était insupportable. Je tournai et retournai dans tous les sens pour chercher mon téléphone. Il me fallut dix minutes pour le trouver. Mon portable était posé sur le sol, près d’une chaise, comme c’est souvent le cas avec les jouets. Comme si le fantôme s’asseyait pour jouer. Je tendis ma main pour le récupérer. C’était là que je l’avais vu. Sa main touchait presque mon visage !

Pris de panique, j’avais agrippé mon téléphone puis, après avoir éteint, j’avais claqué la porte. Je m’étais assis contre elle, le souffle court. Cela faisait deux fois que l’esprit avait essayé de me toucher. C’était deux fois de trop pour moi. Qu’est-ce qui me voulait à la fin ? Tremblant j’avais posé ma tête sur mes genoux. Je tentai de reprendre mon souffle et de calmer mon cœur.

« Grand frère ? Qu’est-ce qu’il y a ? »

La voix de ma sœur me fit relever la tête. Elle était au sommet des marches. Accroupie, elle me regardait d’un air inquiet. Je la comprenai en même temps. À me voir, on aurait pu croire que je m’étais échappé de l’emprise d’un sérial killer. Ce qui, je vous l’accorde, est peut-être la vérité.

« Tu vas bien ? Pourquoi tu réponds pas ? Réponds-moi grand frère !

- Julie ne t’inquiète pas. Je suis là.

- Tu veux que je descende ?

- Non ! Surtout ne bouge pas. J’arrive. »

Je me relevais puis montai les escaliers. Ma sœur s’était accrochée à moi, en pleurs. Un rien l’a toujours effrayée et vivre dans cette maison n’a rien arrangé. Je la pris dans mes bras et la consolai. Une fois ces sanglots calmés, je lui avais proposé de mettre un film. Elle était immédiatement partie devant l’armoire à DVD. Elle voulait choisir. Au fond de moi, je savais déjà ce qu’elle voulait mettre. Bien que je déteste la reine des neiges -sûrement à cause de LA fameuse chanson. Vous savez de quoi je veux parler- cela rassurera ma petite sœur. Pendant que le lecteur DVD s’allumait, je fis un petit tour dans ma chambre. Je posai mon téléphone sur mon bureau et le mis en sonnerie. Je rejoignis ensuite Julie qui -comme si je ne m’y attendais pas- avait mis la reine des neiges. J’ai eu cette saleté de chanson dans la tête toute la soirée !

Après le film, je décidai d’aller faire des crêpes. Ma mère n’était toujours pas arrivée. Elle serait là d’ici une heure, et mon père d’ici deux. Ils seraient contents de voir que j’ai fait quelque chose de ma journée, même si ce n’est que des crêpes. Julie m’avait aidée mais très vite tout avait dégénéré en bataille de farine. J’avais tout nettoyé avant que ma mère passe la porte d’entrée. Ce soir-là, nous avions passé une magnifique soirée. Lorsque mon père est revenu, il s’est jeté sur les crêpes. C’est son plat favori. Bien que je ne sache pas si on peut qualifier ça de plat. Ma mère l’avait traité de cochon et il avait imité l’animal. Julie en avait eu les larmes aux yeux. À vingt-deux heure, j’ai dit bonne nuit à tout le monde puis je suis allé dans ma chambre.

Je me suis couché -ou plutôt étalé- dans mon lit. J’étais fatigué. J’ai quand même dû me relever pour prendre une douche et me brosser les dents. J’avais rigolé quand mon père était passé devant la porte en imitant le porc. De retour dans ma chambre, je me ré-étalai sur le matelas. Lorsque j’allai prendre mon téléphone pour aller sur les réseaux sociaux, mon cœur s’était arrêté. Mon portable n’était plus sur mon bureau. À sa place, il y avait le carnet. Celui-là même que j’avais posé dans la cave en début d’après-midi. J’ai alors senti que je n’allais pas bien dormir cette nuit…

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