Chapitre neuf. A chacune son secret.

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Quelques jours plus tard, grâce à son livre, Léa est parvenue à réparer le motoculteur.

Marina et elle sont parvenues à défricher un carré de vingt mètres de côtés. La terre noire, riche en humus, est la promesse d’un terrain propice à la culture des légumes. Tant mieux, des graines, elles en ont, restent à savoir si elles germeront.

La terre préparée avec soin, elles ont semé les graines en lignes bien droites. Il ne reste plus qu’à attendre et espérer.

Ce jour-là, pour le repas de midi, Léa a préparé un civet de lièvre, agrémenté de plantes aromatiques sauvages, cueillies le matin même.

- Heureusement que nous avons trouvé ses livres sur les plantes comestibles ainsi que sur la fabrication du pain, dit Léa. Les repas auraient été bien fades et monotones sans eux.

- Oui tu as raison, lui répond sa mère. … Au fait, comment as-tu trouvé le pain ?

- Dans mon assiette … non, je plaisante maman. Il est excellent.

- C’est une recette originaire d’Afrique. Je le fais cuire en le plaquant contre l’une des parois, chaudes, de la cheminée.

- De toute façon, comment veux-tu le cuire autrement, sans un four à pain ?

- Oui, tu n‘as pas tort.

Un silence s’installe entre les deux femmes. Léa se dit que c’est peut-être le bon moment.

- Maman, je dois te dire quelque chose.

- Je t’écoute, ma chérie.

- …. Tu sais à quel point je suis proche de vous deux ? Toi et papa, quand il était encore en vie.

- Oui…

- Pourtant il y a une chose dont je ne vous ai encore jamais parlé, à aucun de vous deux. Ce n’est pas par manque de confiance en vous. Ou par peur de votre réaction, enfin, si un peu, tout de même. C’est en partie parce que je n’ai jamais trouvé le bon moment. … Et …. Cela me pèse sur le cœur, que papa soit parti sans savoir. Je ne connaîtrai jamais ce qu’il en pense. …

- Continue, dis-moi tout, ma chérie. Lui répond Marina en posant une main sur son avant-bras, en signe d’encouragement.

- Alice…

En prononçant le prénom de son amie, Léa devient écarlate.

D’une caresse sur la main, Marina incite sa fille à continuer.

- Oui, Léa ? Que se passe-t-il avec ton amie ? …

- Et bien… Disons que …. Je l’aime, nous nous aimons, voilà, c’est dit ! Je l’aime comme j’ai aimé Marion, quand nous étions encore à Paris.

Marina pousse un profond soupir.

Elles se prennent les mains.

- Tu es bien ma fille, il n’y a pas de doutes là-dessus.

Pourquoi dis-tu cela maman ?

- Tu sais ma chérie, je n’ai jamais voulu aborder le sujet, mais je m’en doutais un peu pour toi et Marion.

- Ah oui ? Comment as-tu fait pour deviner nous étions très discrètes, pourtant.

- Il y a avait des petits signes qui ne m’ont pas trompé. Tu ne m’as jamais parlé, ou présenté de garçon, à chaque fois c’était des filles. Une fois, en vidant tes poches de jean, j’ai trouvé une publicité pour un bar de lesbiennes.

- Oh…… Léa devient livide.

Marina lui serre un peu plus les mains.

- Ne t’inquiète pas ma chérie, je ne suis pas en colère contre toi, au contraire …. Laisse-moi te confier quelque chose à mon tour. C’est un secret dont très peu de gens sont au courant.

D’une voix hésitante, Marina poursuit.

- C’était bien avant ta naissance, avant que je rencontre Paul, ton père. J’avais seize ans, quasiment ton âge, je suis tombée sous le charme d’une fille, elle s’appelait Sarah. Nous étions en terminal. Nous avons vécu une histoire intense, passionnée, brûlante même, mais secrète. D’ailleurs, c’est pour ne pas la quitter qu’au grand étonnement de mes parents, je suis partie étudier le droit. … Notre histoire a duré trois ans. Ensuite, j’ai fait la connaissance de ton père. J’ai alors choisi de rentrer dans le moule de la société. D’un côté, je le regrette, d’un autre… Je ne t’aurais pas eu.

Marina serre, presque sauvagement, sa fille dans ses bras.

- Et, en quels termes vous êtes-vous quittés, fâchés ? Demande Léa.

- Non. … Un soir dans la chambre d’étudiants que nous partagions, nous avons eu une très longue discussion, Sarah et moi. … Cela faisait quelques semaines que je fréquentais celui qui allez devenir ton père. … J’étais tombée follement amoureuse de lui. … Dans ma petite tête d’étudiante, je me disais que j’aurais pu me partager entre Sarah et lui. … Seulement, il était ultra-catholique, à l’époque. … Je me doutais bien que pour lui, que je puisse avoir des relations sexuelles avec d’autres filles était inconcevable. … De plus, Sarah n’était pas super emballée à l’idée de me partager avec un autre. … Nous avons fini par faire l’amour une dernière fois, Sarah et moi. Nous nous sommes donné du plaisir comme jamais. … Puis, chacune de nous a fait sa vie de son côté. Les adieux ont été, très difficiles, nous avons beaucoup pleuré, elle et moi. Sarah a fini par comprendre ma décision. À l’époque, l’homosexualité était très mal acceptée dans la société. Alors, quitte à choisir, j’ai opté pour réintégrer le moule de la société. Je ne l’ai jamais revue. Je n’ai jamais eu de nouvelles d’elle, je ne sais pas ce qu’elle est devenue.

Marina fond en larmes, Léa la berce tendrement jusqu’à ce que ses pleurs cessent.

- Tu n’as jamais cessé de l’aimer n’est-ce pas ?

Marina se contente de faire oui de la tête.

…….

- Et si cette histoire t’arrivait à notre époque, comment ferais-tu, maman ?

- Je serais restée avec Sarah. Nous aurions tenté d’avoir un bébé. Tu sais à notre époque, c’est beaucoup moins compliqué d’en avoir un.

- En fait, maman, si on y réfléchit bien, nous sommes lesbiennes de mères en filles.

- Oui, tu as raison ma chérie.

- C’est un peu comme une tradition familiale.

- Oui, répond Marina en riant.

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