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La lecture du Philosophie Magazine Hors-Série de ce mois-ci consacré à Hannah Arendt fait pour moi office de révélation.

Sa réflexion sur le mal et la responsabilité de chaque être humain dans son accomplissement m'interpellent.
Hannah Arendt a assisté au procès d'Adolf Eichmann et l'erreur d'appréciation qu'elle a pu commettre au sujet de son réel degré d'implication dans l'idéologie nazie (sans doute influencée par sa "passion" pour Heidegger, même s'il est probable qu'Eichmann ait été aussi un bon comédien) ne change rien au problème de fond qui est l'étonnante capacité de l'être humain à obéir à un ordre extérieur à lui-même et ainsi à cautionner, sans réfléchir, les agissements de cette même idéologie, et ceci est valable aussi pour les religions, les courants de pensée, etc ...

La reconnaissance de l'être humain dans un clan quel qu'il soit semble inévitable et même nécessaire pour sa survie, mais à quel prix?

Les États, clan par excellence, ont crée un statut, celui de fonctionnaire pour justement apporter des garde-fous et une garantie de neutralité par rapport à la difficulté d'y voir clair dans les intentions des clans auxquels nous appartenons, et en France, la laïcité a été créée dans cette optique aussi.
Avec encore une fois une limite, celle du libre-arbitre et de la nécessité pour chacun-e d'entre nous d'interroger la portée de ses actes quel que soit le contexte.
Hannah Arendt a écrit: "Un fonctionnaire, lorsqu'il n'est rien d'autre qu'un fonctionnaire, est vraiment un homme très dangereux". C'est ça en fait.
Après quinze ans dans le service public, je me rends compte, je comprends enfin que mes employeurs n'ont absolument pas les mêmes intentions que moi et ce malgré les apparences, c'est-à-dire les trois mots clés de la République Française que l'on retrouve écrits un peu partout dans notre beau pays et auxquels moi personnellement je crois.
Mes employeurs et moi ne servons pas le même maître et maintenant que j'ai cette prise de conscience, je ne peux plus cautionner, cela reviendrait à être complice.
Les personnes qui se plaignent sans arrêt et me disent "oui, oui, t'as raison" mais qui à l'heure de prendre position disparaissent comme par enchantement me renvoient à la réalité de la situation: je suis seule face à moi-même et face à mes choix.

On me fait croire que j'ai un problème, bah oui, forcément, et c'est comme ça qu'on fait croire aux gens sains que le problème, c'est eux et que ce cheminement de pensée devient la norme.
Lorsque je demande à mes voisins bruyants d'être silencieux, c'est moi le problème, c'est le silence le problème, c'est le respect le problème.
Sauf que finalement, c'est toujours les mêmes qui prennent sur eux et qui vont ailleurs chercher le silence ou des valeurs plus conformes aux leurs, pour finalement se fatiguer et abandonner.

Et pourquoi cela ne serait pas l'inverse?

Si les êtres humains sont incapables de réfléchir par eux-mêmes, ce qui semble être le cas à une échelle beaucoup plus importante que je ne l'imaginais, des gosses en somme, pourquoi ne déciderait-on pas de leur donner des chefs dignes, légitimes, responsables, assez forts émotionnellement et psychologiquement pour dire "non" à cette tyrannie, celle de ceux qui sont incapables de réfléchir par eux-mêmes, pas des chefs qui profitent de ce penchant à des fins personnelles, non, mais qui luttent contre!
Des chefs qui donneraient des ordres censés, cohérents, éducatifs, que les êtres humains bien dociles intégreraient et adopteraient comme étant la normalité, la marche à suivre.
Des chefs qui sauraient manœuvrer la barque en ramant dans le "bon sens".