ÉPISODE 6 : Les origines de la vie.

L'inesquivable finalité

   –  Taak ! Taak reste avec moi !

    Saule cour à travers le vaisseau pour activer le bouclier de protection qui régulera quelque peu la pression à l'intérieur de la cabine. Mais le manque d'air respirable se fait sentir. Il fait froid, et Saule est lourdement affaiblie.

   Taak agonise toujours. Sa peau bionique qui lui avait été offerte alors qu'il n'était encore qu'un f.o.e.t.u.s. est endommagée. L'alchimie entre technologie et biologie s'arrête là.

   –  Taak reste avec moi ! Taak ! Taak, je pense savoir d'où tu viens. Tu entends ? Je crois savoir qui tu es Taak. Écoute-moi, reste avec moi ! Tu étais dans ce vaisseau et …

   –  Non, souffle Taak dans un gémissement d'agonie. Inutile, je me rappelle maintenant.

   Il a du mal à respirer. Cette barrière entre son corps et le monde extérieur ne joue plus le rôle protecteur pour lequel elle avait été conçue. La moindre cellule interagit alors avec un milieu encore hostile, un univers auquel elle ne s'était jamais exposée. La réaction logique à tout ce stresse que subit son corps est alors la destruction.

   –  Taak reste !! T'as bien survécu à un crash, tu peux survivre à ça ! espère-t-il, dans le déni de la situation. Reste, je t'en supplie !

   Taak force sur son diaphragme pour chercher de l'air. Ses poumons ne l'aident plus. Sa gorge sténosée provoque ce son d'asphyxie caractéristique de l'étouffement.

   –  Je… Je me rappelle… L'accident.

    Il inspire difficilement.

   –  Quelque chose de grand. Ce qui… Ce qui me hante.

   –  Respire, Taak, respire.

   –  Je me rappelle… De ma mère … B… Bot-1.

   –  Je suis là, lui souffle-t-il alors qu'il ne retient plus ses larmes.

   –  Elle m'a… Pro… Protégé du crash.

   –  Je te protège aussi Taak, je suis là. Je t'aime Taak. C'est ma faute je suis désolé.

   –  Tu as été … parfait… Saule.

   –  Non, non, non, non, NON! Taak ! TAAK !!

    Le système immunitaire de Taak se retourne alors contre lui-même. L'hémorragie prend fin. Les organes commencent à nécroser. Et bientôt Taak n'est plus. Il offre cependant les mots suivants à Saule avant de pousser son dernier souffle :

   –  Je ne sais pas … D'où je viens … Je ne sais pas … Qui je suis …

  Il fait une pause puis reprends, entre deux sanglots :

   –  Mais... Mais grâce à toi ... Je … Je savais ce que je serais devenu … M … M … Merci … Saule.

   Et sur ces mots, Taak se laisse partir. Sa tête s'incline sur le côté et ses yeux se vident de toute expression. Les influx électriques qui parcouraient sa peau s'estompent et disparaissent, laissant place à une membrane blanche et pâle, presque translucide.

    Saule le pleurera durant des heures. Plus rien ne le retient désormais. Il est seul, perdu dans l'espace, à la dérive vers un espoir infinitésimal de retrouver un sol accueillant, dans une embarcation défaillante, la conscience troublée par la mort d'un homme qu'il a trop brièvement aimé. Que peut-il advenir de lui ? Alors, dans un acte de folie, de rage ou d'amour, il finira quelques instants plus tard par dépressuriser le module en désactivant le bouclier. L'air s’échappera de nouveau dans le vide cosmique. L'obscur espace le glacera jusqu'à l'os. Le régulateur de gravité sera désactivé. Aussi, les deux corps inertes flotteront ensemble, inertes, meurtris, dans les confins d'un univers qui aura eu raison d'eux.

   Et le vent souffle.

   Il souffle sur Terre, sur Q et partout ailleurs.

   Sur Khlôrós Phúllon n'émerge pas une fleur, mais deux.