Chapitre 42

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La lumière trop forte de l’infirmerie les réveilla tous en même temps. Le docteur Shinra venait de rentrer de ses consultations extérieures et apparemment, une nouvelle journée commençait, là-haut. Il était en grande discussion avec Déborah, la spécialiste communication de l’organisation, qui était généralement plus occupée à servir de messagère entre les différentes galeries qu’avec l’extérieur. Elle semblait particulièrement pressée, parlant à toute vitesse et se jetant vers ceux qui venaient de se réveiller, faisant de grands gestes, alors qu’eux-mêmes peinaient à garder les yeux ouverts.

- Allez, on se réveille ! Debout, debout tout le monde !

- Qu’est-ce qu’il se passe, Debbie ? grogna Zelda en se blottissant sous ses draps.

- Vous êtes en live dans deux heures, bande de larves.

- Quoi ?!

- Je peux laisser ton copain dormir, mais Victoria et toi vous êtes au premier plan, impossible de passer à côté. J’imagine que je reporte de quelques heures, histoire que vous ayez le temps d’apprendre votre texte ?

- No, es muy bien. Si no sabemos nuestro texto, va a ser muy interesante y muy sincero. No digo que estos tontos van a comprender algo, pero los quien le van serán más numerosos, creo.

- Si tu le dis… Enfin, vu que vous êtes toutes les deux réveillées, ça vous dirait de vous presser un peu ? Je vous attends, moi !

- Deux secondes, je te rappelle qu’on vient de se prendre… Oh, et puis tu n’es pas implantée, tu ne peux pas comprendre.

- Sí, claro. Tú no puedes comprender lo que no…

- En français, s’il-te-plaît. Si tu commences à parler espagnol en live, tu vas tous nous faire tuer !

- C’est bon, arrête de t’énerver et commence plutôt ton briefing, veux-tu ? Ah, au fait, tu n’aurais pas des vêtements de rechange pour moi ?

- Des vêtements de rechange ? Tu crois avoir le temps ? On est déjà en retard de trois heures sur le planning !

- Tu vas vraiment diffuser en live une vidéo de moi dans cette tenue ?

Elles soupirèrent de concert, avant d’échanger un regard amusé. Le docteur, qui s’était occupé de vérifier l’état de sa patiente, lui enleva l’aiguille plantée au creux de son coude et pressa un coton, qu’il scotcha à son bras avant de lui faire signe qu’elle pouvait partir. Deborah vint la soutenir et l’aider à marcher jusqu’à la salle d’eau. Zelda eut un étrange sourire lorsqu’elle lui dit qu’elle pouvait se débrouiller pour la suite. Lorsque son amie voulut s’en assurer, son sourire s’élargit, avant que son visage ne s’assombrisse à nouveau. L’ombre de tristesse ne s’effaça pas tout de suite, mais elle suffit. Elle laissa son amie seule, restant silencieuse, l’attendant devant la porte.

Enfin seule. La jeune faucheuse soupira longuement. Elle baissa les yeux vers ses mains et remarqua qu’elle tremblait. S’était-elle à ce point affaiblie ? Seule, sans défenses, elle tremblait de tous ses membres ? Ce n’était pas de la peur, elle le savait, mais son corps commençait à l’inquiéter. Ca ne faisait que quelques jours, peut-être un peu plus d’une semaine, qu’elle était partie d’ici pour la retrouver, qu’elle s’était retrouvée en prison puis à l’hôpital, le repos forcé n’avait pas pu autant…

Elle leva les yeux et rencontra les siens dans le miroir. Ils avaient l’air plus petits qu’auparavant. C’était sûrement… Elle vit ses lèvres s’étirer, comme en réponse à sa pensée. Oui, c’était sûrement à cause de ces terribles cernes. Elle secoua la tête, la releva vers la douche et enleva l’espèce de chemise blanche et verte qu’on lui avait donnée à l’hôpital. Elle profita un court instant de la tiédeur de l’eau sur sa peau, avant de ressortir, enroulée dans sa serviette, appuyée lourdement contre le mur. Ce seul appui lui permettait de ne pas s’écrouler tandis qu’elle cherchait des yeux un moyen de ne pas sortir comme ça. Mais il n’y avait rien, et ce ne serait sûrement pas en peignoir qu’elle irait faire un clip qui changerait la face su monde. Il fallait appeler à l’aide, elle n’avait pas d’autre choix.

- Debbie ? Tu as quelque chose pour que je m’habille ?

- Evidemment, enfin. Il est sur la chaise, à côté de l’évier.

- Non, il n’y a rien là.

- Ah ? Tu es sûre ? Attends… Effectivement, je te passe le paquet. Surtout, ne me remercie pas, ce n’est pas de ma part…

La porte s’entrouvrit assez pour laisser passer ce qui ressemblait plus à un panier de vêtements qu’à un simple paquet. Zelda le regarda, releva la tête en espérant croiser les yeux de son interlocutrice, et vit la porte se fermer doucement.

- Je suis vraiment désolée, Debbie, mais je vais vraiment avoir besoin de ton aide… Tu peux venir, s’il-te-plaît ?

Contrairement à ce à quoi elle s’attendait, il n’y eut ni soupir ni éclat de rire, pas même une réflexion, et la porte se rouvrit juste assez pour laisser passer la silhouette de la jeune femme. Elle la retint et l’empêcha de tomber pendant que celle qui était reconnue comme la meilleure combattante essayait d’enfiler ces vêtements qui n’étaient pas les siens. Mais elle ne fit pas le moindre commentaire sur ce qu’elle mettait. Qu’elle reste debout était déjà un exploit en soi, alors s’habiller…

Elles finirent cependant par sortir, pour laisser la place à Victoria, de loin dans un état plus glorieux. Elle n’avait besoin de personne pour la soutenir, elle, et elle ne tremblait pas au moindre mouvement. Son amie lui avait proposé de reporter, d’annuler, mais elle avait insisté. Même dans cet état de faiblesse, elle irait affronter ces aveugles qui la voyaient, ces sourds qui l’entendaient, ces muets qui lui parlaient. Même s’il fallait qu’elle tombe morte à l’instant où elle finirait son intervention, elle le ferait. Sans le moindre remords.

Deux heures plus tard, Joy, affalée sur un canapé de son bureau, vit un message d’urgence s’afficher au beau milieu de son champ de vision et une cinquantaine d’appels faire de même. Toutes les voix se mélangeaient, incompréhensibles, sauf sur un point : la panique.

- Qu’est-ce qui vous arrive, à tous ? Attendez, ne parlez pas tous en même temps, je ne comprends rien sinon.

- On a un problème madame ! Quelqu’un est entré dans le système et se connecte à tous les Optios de France ! Il a tous les codes, les mots de passes, on ne peut rien faire pour l’arrêter !

- Et qu’est-ce qu’il fait ?

- Justement, on en sait rien. Il nous a coupé l’accès au système, on est plus que de simples utilisateurs ! Vous pensez que c’est…. ?

- Que c’est une intelligence artificielle ? Absolument pas. C’est un être humain, c’est certain. Nos IA sont bien loin d’atteindre un tel niveau de perfectionnement. Reste à voir ce qu’il nous veut. Je vais voir ce que je peux faire, mais s’il a mes codes, j’ai peur de ne pas pouvoir faire grand-chose d’autre. Restez en stand-by, je vous reprends quand j’aurais vérifié.

- Bien madame.

La Présidente soupira. S’ils avaient lancé l’attaque, c’était que Zelda était en forme. Il lui suffisait de s’assurer qu’ils avaient bien bloqué son accès, elle redeviendrait une simple spectatrice de la farce à laquelle elle avait participée. Ça ne lui prit que quelques secondes.

- Inutile de s’acharner, messieurs, je suis au regret de vous annoncer que notre hacker a fait de l’excellent travail.

- Mais c’est une catastrophe, madame la présidente ! Si vous-même ne pouvez pas…

- Calmez-vous, conseiller. Je ne peux rien faire, vous non plus. Tenez-moi simplement informée de ses faits et gestes, que je puisse vérifier que nous n’avons perdu aucune donnée et qu’il n’a pas saboté notre programme informatique.

- Mais madame…

Elle interrompit la communication et se laissa retomber sur son canapé. Un long soupir s’échappa de ses lèvres, tandis que ses yeux se perdaient dans la contemplation du plafond de verre. Bientôt. Bientôt, elle s’imposerait devant ses yeux. Joy n’attendait que ça, depuis qu’elle était revenue à sa tour.

Et enfin, ça allait commencer.

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