23. Hanté.

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Le jour tant attendu et tant redouté de l'appel était arrivé. J'allais être transféré de Livingston, où se trouvait Polunksy Unit, au comté de Denton. Quatre heures de balade en fourgon blindé. Malgré le stress que l'appel engendrait, j'étais heureux de sortir de mes quatre murs. Le trajet me parut bien rapide, et j'arrivais escorté de près par trois policiers, armés jusqu'aux dents, qui avaient pris le relai des gardiens de prison.
Mon gros avocat incompétent m'attendait déjà dans le tribunal. Je pris place à ses côtés, tout ce que j'avais à faire était écouter les débats et attendre, en priant qu'il ne fasse pas de conneries.
Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Il se débattait tel un poisson hors de l'eau, enchainant les erreurs, sous l'œil exaspéré du juge qui pensait plus à son parcours de golf du soir qu'à écouter la requête de celui qu'il voyait comme un tueur dénué de toute âme.
Après avoir écouté mon défenseur palabrer sur les faits, se trompant à maintes reprises, allant jusqu'à m'appeller par le nom d'un autre de ses clients et se perdant dans ses notes indispensables, il se leva de toute sa hauteur.
Tout à coup, je devins Alice au pays des merveilles, rétrécissant à vue d'œil jusqu'à presque disparaitre, tandis que le juge, lui, ressemblait à un géant.
Sa voix tonitruante hurlait :

-EXECUTION ! EXECUTION ! tel une reine de coeur hystérique.
Des bourreaux sortis tout droit du moyen-âge, cagoule sur la tête, silhouettes sombres, robes noires tâchées du sang des milliers de condamnés avant moi, surgissaient de toutes parts, m'encerclaient.
L'appel se déroulait à huis-clos, mais soudain une foule apparut. Une vague humaine d'une centaine de personnes, semblant sortir de nulpart, qui scandait :

-Exécution ! Exécution !
Leur chant funèbre montait vers le ciel et je me rendis compte que, tout à coup, je me trouvais sur une place publique, une estrade matérialisée sous mes pieds.
Je levai les yeux vers le ciel, ce ciel que j'avait tant espéré revoir un jour. Mais il était noir, le soleil entièrement masqué par une couche épaisse de nuages opaques, presqu'irréels.

L'air était marécageux, moite, étouffant. Il me rappellait les bayous de la Louisiane, que j'avais visité enfant, accompagnant un oncle dans une partie de pêche à l'écrevisse.

Chaque inspiration imprégnait ma gorge du goût putride de la mort, du sang et de la chair en putréfaction.

Les bourreaux, qui semblaient s'être démultipliés, tenaient maintenant des hâches à la main, certaines étaient émoussées, couvertes de filets de sang séché y formant des dentelles complexes. D'autres avaient des lames, acérées, aiguisées comme des dents de requin. Un orage éclata, reflétant ses éclairs sur l'acier brillant de menaces.

Je sentais mon coeur à la limite de l'explosion, mes jambes refusant de me porter, semblaient faites de coton.

Je jetai un regard par-dessus l'épaule d'un des bourreaux et aperçus mon avocat, en tenue de bouffon. Cet être ridicule était attablé devant un banquet, plongeant ses mains grasses dans un poulet roti, en sortant des entrailles fumantes et s'en nourrissant. Laissant des coulées de graisse et de merde sur ses joues rebondies. J'entendais ses couinements de goret entre chaque bouchée qu'il baffrait.

Je hurlais, couvrant mes oreilles à deux mains pour étouffer le chant de la foule qui continuais de s'époumonner, réclamant ma mort, sans obtenir de résultat, leurs voix semblaient venir directement de ma tête. Je me sentais à un cheveu de la folie de Johnson, j'avais envie de m'arracher les yeux pour ne plus être assailli de toute cette haine, de ce spectacle d'apocalypse.

Une porte claqua... Je revins à la réalité, à ma cellule, me sortant du cauchemar trop réel.

Jamais mon placard ne m'avait semblé aussi rassurant, aussi confortable et accueillant.

Je me frottai les yeux.

Je reconnus la voix nasillarde au fort accent mexicain de Gomez, qui se tenait derrière la porte :

-Matthews, bouge ton cul de là, ton avocat t'attend.

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