Adieu Spindelsinn (3)

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  L’acier grinça et crépita au contact de l’énergie. Sven sentit le boitier vibrer sous ses doigts, il augmenta l’intensité. Des étincelles jaillissaient par moment tels des éclairs. L’engin se mit en mouvement, le jeune homme pouvait le sentir et l’entendre. Le rotor tournait avec un balourd, heurtant les parois métalliques tout en grognant à cause de la rouille. Une bouffée de chaleur envahit Sven qui avait, à présent, très soif. Il continua de libérer son pouvoir, ignorant la douleur dans ses phalanges. De la poussière et de la fumée s’échappèrent du boitier, une odeur de brûlé s’immisça dans ses narines.

  Sven recula sans prévenir, il tituba et s’appuya sur la machine. À bout de souffle, le corps en sueur, sa vision était trouble. Il entendit à peine Zenia lui demander comment il allait. Il ne se sentait pas bien et surtout, il n’avait pas libéré suffisamment d’électricité. Avalant sa salive avec difficulté, il tourna ensuite les yeux vers sa collègue. Celle-ci le dévisageait, insondable sur ce qu’elle pouvait bien penser à ce moment. S’inquiétait-elle pour lui ou sur le fait qu’il n’y parvenait pas ? Le pauvre manquait cruellement de confiance en lui et ce visage sans émotion ne l’aidait pas à imaginer qu’elle croyait en lui.

  L’Écorchée lui tapota l’épaule avant de s’éloigner. Trop déçue pour lui parler ? Sven sentit une boule se nouer au creux de son estomac, il était si inutile qu’il s’en détestait. De colère, il posa ses mains sur l’appareil et libéra de nouveau son don d’Amplifié. L’électricité s’échappa de ses paumes et ses doigts, traversant l’acier pour atteindre l’aimant. Il ne se soucia plus de la douleur, de la chaleur ni de la soif ou des vertiges. Le mécanisme tourna un peu et il l’entendit coincer, grippé et rouillé par les années. Il crispa la mâchoire et les mains, remua les pieds pour une meilleure stabilité et grogna en ouvrant les vannes à leur maximum. L’électricité s’échappait de son corps, provoquant des arcs lumineux qui illuminèrent la salle des machines de manière irrégulière. La souffrance dans ses doigts devint insoutenable mais il ne céda pas. Sven restait focalisé sur ce qu’il devait faire. Le grincement se fit plus sonore, laissant comprendre que le rotor tournait enfin, pas très vite certes mais il commençait à effectuer ses rotations.

  De nouveaux vertiges apparurent et le chasseur vacilla, s’agrippant à la batterie sans réduire l’énergie qu’il produisait. Quoique, il le sentait, son électricité diminuait rapidement. Jusqu’à présent, il stockait rarement autant de radiations et jamais il n’en avait libéré autant d’un coup. Mais il savait qu’il ne tiendrait pas suffisamment longtemps. Il allait échouer, il n’y arriverait pas.

  Une autre vague de chaleur monta en lui, mais celle-ci fut agréable. L’électricité qu’il libérait gagna en puissance sans que Sven ne comprenne pourquoi. Il tourna les yeux et vit Zenia à côté de lui, elle tenait un cristal dans la main et venait de le briser. Propageant ainsi des radiations dans l’air. Elle frotta les deux morceaux l’un contre l’autre pour les effriter et souffla la poussière de radz sur son compagnon. Ses narines le démangèrent ainsi que ses yeux et sa gorge. Il crut qu’il allait s’étouffer. L’électricité s’échappa de son corps sans qu’il ne parvienne à la contrôler. Tout son être devint douloureux et rapidement sa vision se fit de plus en plus floue.

  Au loin, il entendit un mécanisme qui tournait, un cliquetis régulier et le bourdonnement d’un moteur. Sven rouvrit les yeux, il était allongé sur le sol de la salle des machines. Une lueur rouge éclairait timidement la pièce et il remarqua que le bruit provenait des engins, tous fonctionnaient ! Par contre, il n’y avait aucune trace de l’Écorchée, il se demandait bien où elle était mais un bruit assourdissant répondit à sa question.

  Une sorte de puissant coup de feu ou une explosion fit trembler tout le navire. Suivi par des bruits contre l’acier, comme si quelqu’un cognait sur le sous-marin. Elle avait tiré une torpille dans la glace ou le mur pour créer une brèche ! Détruisant une partie de la cavité qui allait faire s’effondrer le reste. Sven tenta de se lever mais son corps lui parut si lourd. Tous ses muscles étaient endoloris et pris de crampes. Gémissant de douleur, il s’appuya tant bien que mal sur le générateur pour se mettre debout. Mais Zenia arrivait déjà, un sourire triomphal aux lèvres.

 – La voie est libre ! On devrait sortir d’ici rapidement avant que le sous-marin ne se fasse ensevelir sous les décombres. Bien joué ! Je vais piloter. Toi, repose-toi. Je reviens bientôt.

 – Et mon frère et les autres ?

Zenia avait déjà tourné les talons pour courir, ne prenant pas le temps de lui répondre. Sven soupira, sa tête tournait dans un sens, l’estomac dans l’autre. Il pensa machinalement à une incroyable gueule de bois, ce qui le fit sourire. Quelques secondes plus tard, le navire trembla de nouveau avec force, faisant perdre l’équilibre au chasseur qui s’écroula. Couché sur le sol, la tête douloureuse, il fixait le plafond. Il quittait donc sa terre natale, il laissait son frère derrière lui, sans même lui dire au revoir, sans même lui dire un mot. Depuis tout petit, il rêvait de devenir un héros, de faire de grandes choses. Mais jamais il n’aurait imaginé partir dans de telles conditions.

  Les moteurs autour de lui firent plus de bruit au point où Sven ne s’entendait plus penser. Le sous-marin était en mouvement. Ils partaient pour un endroit inconnu, pour une mission farfelue et dangereuse. Pouvaient-ils vraiment faire quelque chose pour le climat ? Pouvaient-ils vraiment contrôler la météo et empêcher un réchauffement du nord de Spindelsinn ? Ou éviter les pluies acides ou calmer les vents violents ? Sven avait de sérieux doutes mais il s’était embarqué dans cette affaire, il comptait bien essayer de sauver le monde. Le corps fatigué et meurtri, il ne chercha pas à se relever. Il se contenta de fixer l’ampoule rouge au plafond et de sourire. Voilà, il allait peut-être devenir un héros tout compte fait.

 – Orm… j’espère que ce n’est pas vraiment un adieu. Mais prends soin de toi. À bientôt grand frère…

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