Un goût amer (3)

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  Au milieu de la nuit, un grand bruit réveilla Liam et ses compagnons en sursaut. Le chef se redressa des sièges sur lesquels il s’était allongé et fut aveuglé. Une forte lumière éclairait tout le hall du bâtiment. Il se pencha à la vitre du véhicule pour observer les projecteurs du hall fonctionner. Le site avait été activé ? Mais comment ? Allan s’était jeté instinctivement sur son fusil, Jack en avait fait autant : attrapant sa hachette et son artefact, une sorte de manche en acier avec une garde disproportionnée. Bruno fouillait sous sa couchette pour y sortir son arme de poing ainsi qu’une dague. Liam remarqua que Jim n’était pas là et il se demanda s’il avait quelque chose à voir dans tout ça. Une puissante explosion fit trembler les ruines et le véhicule, le bruit fut assourdissant même derrière les parois en verre synthétique. C’était un coup de ces types venus en aéronef, ils passaient à l’action plus tôt que prévu !

  Jack fonça pour s’installer au volant du camion. Il pressa l’interrupteur pour le démarrer mais rien ne se produisit. Interloqué, il appuya de nouveau jusqu’à le marteler en braillant pour mettre en route cette satanée machine. Liam attrapa sa veste pour fouiller dans sa poche, il voulait parler à la cheffe, savoir pourquoi ce virement de situation. Mais la radio n’y était pas. Ça et la disparition de Jim, il estima que c’était forcément lié. Qu’est-ce que le mécanicien avait fait ?

  Rapidement, des hommes aux visages masqués se déversèrent dans l’entrée. Tous armés d’épées, de haches et certains d’armes à feu, ils se dirigèrent vers le camion sans hésiter. Ce qui prouvait bien qu’on les avait renseignés. Liam maudissait son compagnon, cet enfoiré les avait donc trahis ?

 – Si je retrouve cette tête de fouine… je le tue ! beugla Jack. Tu m’entends Liam ? On aurait dû s’en douter ! Avec ses petits yeux fourbes, son nez crochu, c’était évident que ce type était une pute !

Liam ne pouvait que rejoindre l’avis de son ami même s’il trouvait le moment mal trouvé pour discuter de ses choix lors de l’enrôlement des gens dans cette mission. Ses yeux étaient concentrés sur la troupe à l’extérieur du camion, elle comptait une trentaine d’hommes et tous équipés pour se battre. L’affrontement n’était pas envisageable, il le savait. Mais que pouvait-il faire pour désamorcer la situation ?

  Une jeune femme accompagnée d’un grand gaillard s’avancèrent dans la foule, les brigands s’écartant sur leur passage. Elle était blonde, portant une veste en cuir brune ainsi qu’un pantalon similaire, la demoiselle semblait toute petite à côté de son compagnon. Ce dernier portait une longue veste qui dissimulait l’un de ses bras et s’émanait de lui une autorité naturelle. Le chef des explorateurs supposa qu’il s’agissait de la cheffe et son bras droit, mais il doutait à présent sur qui était réellement le leadeur. Les deux individus s’arrêtèrent à quelques mètres du véhicule, l’adolescente croisa les bras sous sa poitrine, la soulevant au passage. Liam pensa machinalement à la blague d’Allan sur le bonnet de la donzelle, mais cette fois, ça n’avait plus rien de drôle. Il remarqua aussi qu’elle portait une sorte de gant métallique à sa main gauche et s’interrogea un instant pour déterminer si c’était un artefact. Le grand gaillard portait quant à lui, une longue et large arme blanche à sa ceinture. La supposée cheffe prit alors la parole :

 – Monsieur Devo. Je vous suggère de bien vouloir sortir de cet engin sans faire d’histoires. Il serait regrettable que votre illustre grand-père apprenne votre mort suite à un malentendu que nous pourrions éviter.

Liam avait bien entendu, mais son cerveau avait, semble-t-il du mal à assimiler les informations. Comment cette inconnue connaissait son nom et son grand-père ? Il lui apparaissait clairement que Jim avait eu une longue discussion avec elle. Mais dans quel but ? Il ordonna à ses hommes de lâcher leurs armes et de sortir, espérant ne pas commettre une erreur monumentale même s’il n’avait aucune autre option possible.

  Après plusieurs minutes, les quatre hommes sortirent lentement du camion, les mains en l’air pour montrer qu’ils se rendaient. Jack avait été difficile à convaincre, ce dernier refusait d’abdiquer sans combattre, mais Liam lui avait exposé, calmement qu’ils avaient plus de chances de survie en coopérant. Après tout, elle connaissait son nom et peut-être espérait-elle obtenir une rançon contre sa libération. C’était ce qui semblait le plus probable et Jack acquiesça en balançant avec hargne sa hachette. Il avait tout de même fourré son artefact étrange sous sa veste... au cas où. Liam croisa le regard améthyste de la cheffe qui lui fit un sourire cordial. C’était une gamine, pensa-t-il, elle devait avoir la moitié de son âge et elle commandait tant d’hommes. Il nota aussi à ses vêtements et aux traits de son visage qu’elle n’était pas originaire d’ici, ni même d'Edenia. Avec sa peau couleur pêche et ses yeux légèrement bridés, il se demanda d’où elle et ses hommes venaient.

 – Enchantée de faire enfin votre connaissance en chair et en os. Après nos longues discussions, je me faisais une joie de vous voir, ironisa-t-elle. Je me nomme Wanlia.

Elle s’avança vers Liam d’un pas de conquérant et pleine de confiance. Le trentenaire l’observa puis s’attarda sur le grand gaillard l'accompagnant. À sa carrure, il devait être son garde du corps personnel. Nul doute que si lui ou un de ses compagnons faisaient un geste brusque ce type s’y opposerait, sans compter sur le reste de cette petite armée. Avant qu’il ne prenne la parole, la dite Wanlia reprit :

 – Et comme promis, elle pointa une main vers l’entrée. Votre « guide » qui ignorait jusqu’à votre nom, est saine et sauve. Bon, elle a bien tenté de nous faire croire à un malaise pour s’échapper et blesser encore un de mes hommes. Mais moi, Wanlia appuya bien sur ses mots, je n’ai qu’une parole.

En effet, Noa fit irruption dans le hall : les mains entravées et portant un collier où une chaîne était accrochée. Un des hommes la fit avancer, la sauvageonne ne portait plus son chapeau ni sa veste, seulement son pantalon en peau et un bandage enroulé sur sa poitrine. La chasseresse dévisageait un à un les hommes autour d’elle tout en marchant sans savoir pourquoi on l’emmenait ici.

  La grande porte au fond du hall s’ouvrit alors en grinçant, soulevant un peu de poussière et tous se tournèrent pour voir ce qu’il se passait. En haut de l’escalier, Jim apparut, la radio dans une main et le regard fuyant. Il se refusait à croiser les yeux de Jack ou pire de Liam. Les jumeaux l’accueillirent avec des noms d’oiseaux mais ce n’était rien comparé au mercenaire qui d’un coup de chaud en oublia les soldats autour de lui. L’homme à la crête fonça pour traverser la pièce avec un seul objectif : massacrer ce traitre. Mais le grand silencieux à la droite de Wanlia s’interposa sur son chemin pour le pousser de son bras.

 – Pousse toi de là ou je t’éclate la gueule ! Ce type nous a trahis !

Les brigands le mirent en joue, attendant l’autorisation de la cheffe pour faire disparaitre la menace. Liam lui hurlait de se calmer même s’il savait qu’il n’y parviendrait pas. Ce sanguin allait tous les faire tuer. Ce fut la cheffe des pirates qui ramena le silence.

 – Tu veux tuer ton ami pour te venger ? Très bien. Mais pour ça, il faudra passer sur le corps de Nobu. Tu sais, l’homme que tu viens de menacer.

  Les soldats reculèrent alors pour faire de la place, créer ainsi une zone libre entre les deux hommes. Le dénommé Nobu défit son manteau pour le laisser tomber. Dessous, il ne portait rien à part de nombreux tatouages. Mais ce qui attira le regard de Liam, celui de ses compagnons et même de Noa, c’était l’absence de son bras droit, celui-ci avait dû être coupé ou arraché. L’homme dégaina un long sabre, la lame était courbée et s’élargissait de la garde à l’extrémité, dépourvue de pointe, elle ressemblait plutôt à un immense hachoir. La sauvageonne ne comprenait pas tout de cette situation mais le combat qui se préparait, l’intéressait au plus haut point. Jack cracha des insultes, pointa du doigt Jim en disant qu’il ne perdait rien pour attendre. Il sortit finalement son artefact dissimulé sous son haut et l’activa. La garde se déploya pour former au bout du manche, une longue lame en trois parties, ressemblant à des dents immenses d’une scie. Les deux combattants se défièrent du regard sous celui de la foule attendant que le spectacle commence…

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