Prisonniers (1)

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  Liam était assis contre les décombres de l’immense porte qu’il avait lui-même détruite. Le regard dans le vague, il réfléchissait à sa situation. Avec ses hommes, ils avaient cherché une sortie, mais il n’y avait qu’une immense salle avec d’énormes machines, des colonnes d’acier et de verre, de longs câbles, des engrenages et tout un tas d’autres appareils. Il y avait également des couloirs qui menaient à des pièces plus petites, sûrement pour les personnes qui entretenaient autrefois les lieux. Une porte en haut d’un escalier restait pour le moment, solidement fermée. Ils n’avaient aucun espoir qu’elle mène vers une sortie : la falaise dans laquelle avait été creusé le bâtiment, était haute, bien trop pour que ce petit escalier débouche sur une échappatoire. Deux jours à fouiller pour rien et Liam commençait à penser qu’il s’était jeté lui-même dans ce tombeau. Il poussa un soupir, lança un caillou de frustration, le bruit résonna dans le couloir. Ses compagnons s’étaient installés plus loin, dans la grande pièce, cherchant de quoi se défendre ainsi que de la nourriture. Lui, il essayait une dernière tentative : il avait crié pour se faire entendre par les individus venus du ciel. Après plusieurs secondes qui lui avait semblé interminables, un artefact était tombé des gravats, lancé par des hommes de l’extérieur. Liam avait ainsi fait l’acquisition d’une radio à fréquences courtes. Il fit la connaissance du chef des pillards et une longue discussion s’était déroulée entre eux.

  Ils n’étaient pas venus ici par hasard, ces ruines avaient quelque chose d’important. C’est du moins ce que le pirate espérait. Il avait expliqué que si l’on pouvait redémarrer les installations, celles-ci pourraient produire une quantité incroyable d’énergie. Il ne s’attarda pas sur ce qu’ils voulaient en faire, Liam y voyait une multitude de possibilités. Les deux chefs avaient donc conclu une offre : vérifier l’état des machines et trouver la salle des commandes afin de redémarrer la production. En échange, les pirates déblayeraient l’entrée pour les aider à sortir, sans que personne ne soit tuer. L’explorateur avait une idée sur quoi donnait la porte condamnée mais il n’en avait rien dit à son interlocuteur pour le moment. Il n’avait toujours rien dit à ses compagnons, il se demandait toujours s’il pouvait faire confiance ou non au chef de l’aéronef. Difficile pour lui de croire en la parole d’un type qui avait ordonné de les tuer dès que ses hommes les avaient vu.

  Nonchalamment, il faisait sautiller le boiter dans sa main. Liam cogitait sur ses options : obéir bien sagement sans garantie ou trouver une parade. Il avait cessé de discuter depuis une bonne heure, son estomac gargouillait et il imaginait qu’il devait en être autant pour ses hommes. Pouvait-il obtenir une preuve de bonne foi des pillards ? Il approcha la radio de ses lèvres, prit une longue inspiration avant d’appuyer sur l’interrupteur.

 – J’ai autre chose à demander, dit-il distinctement.

Plusieurs secondes s’écoulèrent avant une réponse :

 – J’écoute.

La voix grésillait dans l’appareil, elle était aigüe. Liam soupçonnait que ce soit celle d’une femme, mais il n’en était pas sûr.

 – On manque de vivres ici… Vous pourriez nous en passer ? Nous balancer par le haut des décombres un animal mort et quelques gourdes. Ce serait vraiment sympa de votre part.

 – Mettez en route les installations. On vous sortira de là. Ce serait plus simple pour manger, non ?

 – On va mourir de faim et de soif, là ! s’emporta Liam.

 – Alors trouver rapidement la salle des commandes, trancha la voix.

De rage, Liam faillit lancer l’appareil. Il avait été idiot d’espérer que tout se passe bien. Il ne possédait pas vraiment de moyen de pression pour exiger quelque chose. Et envenimer la relation n’aiderait pas. Il eut alors une idée, qui pourrait peut-être s’avérer utile.

 – D’accord… Alors juste une dernière chose. Lors de votre attaque, une jeune femme était avec nous. Que lui est-il arrivé ?

 – Elle a été maitrisée. Elle est aux fers et se repose. Pourquoi ?

 – Elle se repose ? Vraiment ? interrogea Liam plutôt intrigué par cette déclaration.

 – Mes gars l’ont bien amoché, difficile de leur en vouloir : elle a tué plusieurs de leurs compagnons. Je crois qu’ils la laissent souffler pour mieux la torturer plus tard.

 – J’exige qu’il ne lui soit pas fait plus de mal.

 – Vous exigez ? Carrément ? répondit la voix, amusée.

 – Elle est avec nous. C’est une autochtone et notre guide. Si vous la tuez, comment pourrais-je vous faire confiance ?

 – L’associer à votre groupe ne va pas vous attirer la sympathie de mes gars. Vous vous en doutez n’est-ce pas ?

 – Je m’en rend compte. Mais vous comprendrez qu’il m’est difficile de vous faire confiance. Vous aviez ordonné de nous tuer, au départ…

 – Un simple malentendu, on n’est pas obligé de s’entretuer. Si on voulait vous tuer, on pourrait déblayer pour entrer et vous massacrer. Ce qu’on ne fait pas, vous l’aurez remarqué.

Son interlocuteur se voulait conciliant, son ton était plus calme et doux. Liam commençait à croire que ses compagnons et lui pourraient peut-être sortir de là vivants. Ou alors, elle essayait de l’endormir ? Il décida d’abattre son unique carte.

 – Alors pour éviter tout autre malentendu. On est coincé ici depuis plus de quarante-huit heures, vous imaginez bien qu’on a posé quelques pièges ? Et maintenant que je sais ce qui vous intéresse, je peux m’assurer de les détruire si vous tentez de nous tuer. Si ma partenaire est blessée ou tuer : je fais sauter un de ces gros artefacts. J’espérais qu’on trouve un moyen pacifique pour toute cette histoire, que personne ne meurt. Vous comprendrez donc, je l’espère pourquoi ma méfiance et ces menaces.

 – Je vais m’assurer que mes gars ne lui fassent aucun mal. Vous…

La voix s’éleva par-dessus les décombres, suffisamment forte pour que Liam puisse l’entendre sans avoir besoin de la radio.

 – Mettez les installations en route ! Et personne n’aura à mourir ! Personne ! C’est compris les gars ?!

Les autres pillards hurlèrent à leur tour, acclamant leur chef et confirmant ses dires. Liam souriait bêtement, il trouvait la façon de faire plutôt originale et avait donc la parole du chef devant ses hommes. Il se redressa lentement, s’appuyant sur les rochers, pour se diriger vers l’autre bout du couloir. Maintenant, il devait expliquer tout ça à ses compagnons et ouvrir cette porte à l’étage.

  Jack était assis sur un container, il grattait sous ses ongles en utilisant un couteau d’une taille impressionnante. Il releva les yeux en entendant les bruits de pas de Liam. D’un geste, il enfonça la lame à côté de lui et bondit de son perchoir pour se retrouver debout. On pouvait facilement voir qu’il ne supportait pas l’inactivité, il était nerveux et désireux de faire quelque chose. Son chef lui fit signe de le suivre avant d’appeler le reste du groupe. Jim était sous une machine, il avait décidé de s’occuper en bricolant : il avait rafistolé le câblage. Il se redressa lentement pour se lever. Il était torse nu, ses cotes saillantes et ses bras secs suffisaient à dire qu’il n’était pas taillé pour se battre. C’était cependant un excellent mécanicien, choisit spécialement pour ses compétences lors de cette exploration des terres de Gaïa. Les deux jumeaux arrivèrent finalement, l’un deux affichaient un large sourire tandis que l’autre essayait de dissimuler son amusement. Liam n’était pas dupe et les interrogea dès qu’ils furent proche. Ils avouèrent avoir posé des pièges, au cas où. Ce n’était pas une mauvaise chose et Liam avait imaginé bien pire : ils étaient doués pour faire les quatre cents coups. C’était étonnant qu’ils n’aient encore rien détruit ici.

 – J’ai… Discuté avec la cheffe de ces types. Enfin, je crois que c’est une femme.

 – Et donc ? s’impatientait déjà Jack.

 – Ils veulent remettre l’endroit en activité. Si on y parvient, ils nous sortent d’ici. Sans nous tuer.

 – Et tu penses qu’on peut les croire ? interrogea à son tour Jim.

 – Pas vraiment. Mais a-t-on le choix ? Enfin… Je pense que la porte, à l’étage. Doit mener à la salle des commandes. Si on peut l’ouvrir, on redémarre ce bordel et on est libre.

 – Je vais répéter ma question : tu penses qu’on peut leur faire confiance ? insista Jim.

 – Je pense qu’on a une chance. J’ai également dit qu’on ferait tout péter s’ils blessaient ou tuaient la nana qu’on a aperçue.

 – Pourquoi la défendre ? demanda Bruno.

 – Je voulais voir sa réaction. Si elle accepte de ne pas exécuter une personne qui a tué ses hommes, elle pourrait donc nous épargner aussi. Un moyen de savoir, si on pouvait se fier à elle, un minimum. Et donc ! Avant que l’un de vous ne me coupe encore. Elle a hurlé que si on relançait les installations, personne ne sera tué. Hurlé pour que ses hommes entendent et moi aussi. Ils ont braillé pour accepter ces conditions. Je ne pense pas qu’on aura mieux. Et en voyant notre situation, je pense que c’est déjà pas mal, vous en pensez quoi ?

Les explorateurs acquiescèrent, personne n’avait mieux à proposer. Liam fit un rapide tour du matériel dont ils disposaient. Jack avait ses armes, ses pièges et un sac avec quelques provisions. Jim montra son sac contenant ses outils, il portait un petit artefact à la ceinture ainsi qu’un couteau. Allan possédait un grand fusil, une dizaine de cartouches et quelques explosifs. Bruno expliqua qu’il avait utilisé une bonne partie des bobines de fils et de ses explosifs pour poser des pièges, au cas où. Quant à Liam, il avait son pistolet, une hachette et encore deux cubes explosifs. Ils pouvaient donc se défendre un minimum mais surtout : ouvrir par la force la porte qui cachait forcément ce que tout le monde voulait. Il ordonna de chercher des barres de fer pour tenter d’ouvrir la porte à l’étage, essayer de la forcer avant de la faire exploser. Il ne voulait pas risquer d’être ensevelit avec ses compagnons et les bombes pourraient s’avérer utiles si ceux de l’extérieur ne tenaient pas parole.

  Dehors, au même moment, Noa gisait sur le sol. On lui avait retiré son long manteau ainsi que son chapeau. Torse nu, juste des bandages pour dissimuler sa poitrine. La jeune guerrière ouvrit les yeux, l’un d’eux était enflé, sa tête tournait et il lui fallut plusieurs secondes pour remettre ses idées à leurs places. Elle se releva pour s’assoir avec effort. Les mains liées, il lui était difficile et peu pratique de s’appuyer dessus pour se redresser. Sa respiration sifflait, elle estimait avoir une ou plusieurs côtes fêlées. Une fois sur son postérieur, elle s’adossa à l’arbre auquel elle était attachée : une longue chaine accrochée à un collier la reliait au tronc. Elle avait également mal à une jambe, un adversaire lui avait planté une lame dans la cuisse avant qu’elle ne se fasse immobiliser. S’en était suivit un passage à tabac qui lui avait valu une lèvre tuméfiée, l’arcade ensanglantée, plusieurs bleus sur le torse et l’explication de ses côtes endolories. Elle souffla lentement pour faire bouger le moins possible sa cage thoracique. Autour d’elle, des hommes s’activaient pour entretenir plusieurs feux de camps, pour apporter des caisses remplies de provisions. Elle ignorait pourquoi ils étaient là, mais comprenait qu’ils n’étaient pas pressés de partir. Son regard se porta ensuite sur l’énorme démon mécanique volant. Pendant qu’on lui assénait des coups de pieds, elle avait vu le monstre s’amarrer à la falaise, puis déplier ses pattes articulées pour se poser sur le sol. Enfin, sa gueule s’était ouverte pour déverser encore plus d’hommes sur sa terre natale. Quelqu’un avait alors ordonné qu’on arrête de la brutaliser et qu’on l’attache. Noa avait cru apercevoir une femme, mais elle s’était évanouit quelques secondes après.

  Elle avait ensuite été réveillé à coup de seau d’eau glacée. Elle avait subi un interrogatoire sur les individus qui avaient fui dans les ruines sacrées : combien étaient-ils ? Pourquoi ils étaient là ? Quel type d’armement possédaient-ils ? Noa n’avait pas prononcé le moindre mot, ce qui lui avait valu de recevoir d’autres coups. Son tortionnaire lui avait promis que si elle refusait de parler, il l’offrirait à ses compagnons pour s’amuser un peu. La jeune femme avait facilement imaginé ce qui l’attendrait alors mais s’était contentée de fixer son agresseur avec haine. Depuis son enfance, on lui avait enseigné à être forte, à se battre et à ne jamais faire confiance aux continentaux. Ils étaient sous l’emprise du démon et refusait de devenir comme eux, c’est pourquoi, elle ne comptait pas leur parler. Communiquer avec eux révèlerait une faiblesse dans son esprit que le mal exploiterait pour s’immiscer en elle. Devant son obstination, son bourreau semblait émerveillé, à croire qu’il n’avait jamais vu quelqu’un avec une telle force de caractère. Il chauffa une lame dans un feu de camps et cautérisa la plaie sur la cuisse de Noa, ce qui lui arracha un cri de douleur. Il lui avait alors dis qu’il la laissait réfléchir, qu’à sa prochaine visite, il lui briserait un à un ses os pour la faire parler.

  Noa ne l’avait pas revu depuis, elle s’était même endormie, à bout de force. À présent, elle cherchait un moyen de se libérer, d’en tuer quelques-uns puis d’aller chercher des renforts. Ce groupe n’était pas comme les autres, elle craignait que ce soit des envahisseurs. La femme qu’elle avait déjà aperçue, avait hurlé pour être entendu de tous : personne ne serait tué. Elle se demanda si cela s’appliquerait aussi pour elle. Elle porta ses mains à son cou, le collier était solidement fixé, il lui serait difficile, voire impossible de le retirer. Elle tira sur la chaine sans grande conviction avant d’apercevoir plusieurs individus venir dans sa direction. L’un était grand, les cheveux noirs ébouriffés et courts. Il avait une barbe bien entretenue qui dissimulait en partie sa mâchoire carrée. L’homme avait une cicatrise sur l’arcade ainsi que des yeux verts. Il portait une large veste dissimulant son bras droit alors que son épaule gauche était nue. Sur sa peau, on pouvait voir des motifs similaires à des écailles, surement un tatouage, mais Noa n’arrivait pas à mieux distinguer de sa position. Il émanait de ce type, un certain charisme qui inspirait de la crainte à la jeune femme. Elle passa ses yeux sur l’autre individu de sexe masculin : il était plus petit, n’avait pas le moindre cheveu sur le crâne. En revanche, ses sourcils étaient épais, broussailleux même. Dessous, ses petits yeux noisette croisèrent ceux de Noa. Il portait une tenue que la guerrière n’avait jamais vu, cela ressemblait à une robe, ce qui était étrange pour elle qu’un homme en porte une. Elle nota qu’il avait une longue barbe tressée, tout chez celui-ci était étrange aux yeux de la sauvageonne. Les deux hommes semblaient avoir la trentaine alors que la demoiselle qui les accompagnait, était plus jeune, peut-être la vingtaine ou moins. C’était une petite blonde avec des yeux en amende d’une couleur améthyste. Son visage était ovale, son nez était petit, ses lèvres étaient fines. À côté des deux autres, elle paraissait minuscule. Elle portait un petit haut en cuir collé à sa peau, laissant voir les courbes de son corps ainsi qu’un pantalon dans la même matière mais moins moulant. Elle demanda au chauve d’ausculter Noa et celle-ci reconnut la voix qu’elle avait entendu crier un peu plus tôt. Cette gamine était la cheffe de ce groupe ?

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