Chapitre 4, April

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L’analyse a été rapide. Miraza Sénitti, vingt-et-un ans. Des cheveux bruns, des yeux dorés. Sérieuse, un peu trop pour que ça ne cache pas autre chose. Un badge de l’I.G.S. à la ceinture, caché sous un pull long. Les choses auraient été trop simples autrement. Je sais pourquoi il l’a faite venir, je ne suis pas aveugle. Avoir une inspectrice sur le dos, c’était la dernière chose dont j’avais besoin et à en juger par son caractère bien trempé, je vais avoir du mal à m’en débarrasser. Je mets le contact et commence ma patrouille. Il y a longtemps qu’on ne m’a pas demandé de faire ça. Un test je suppose. Je m’engage sur la route principale et longe plusieurs boutiques aux rideaux métalliques baissés. On dirait presque qu’elles sont abandonnées mais ce n’est pas le cas. Les clients se font de plus en plus rares et ce n’est qu’une question de temps avant que les commerçants ne mettent la clé sous la porte. Mes mains se resserrent autour du volant noir. La dernière fois que je suis venue dans cette ville, les choses étaient complètement différentes. C’était l’Avant. En plus de dix ans, le monde a changé et tout semble converger vers la même direction, sans que personne ne comprenne réellement pourquoi. Ils sont ignorants.

La dernière fois que je suis venue ici, la ville ne grouillait pas de dealers et d’exécutants au service d’organisations criminelles. Les choses ont évolué. Elles ont convergé vers la mauvaise direction. Je passe devant le fleuriste, la villa du maire et le cimetière, une zone calme où je sais qu’il n’y a aucun problème. C’était un détour stratégique. Et mon piège a fonctionné. En regardant dans mon rétroviseur, j’aperçois Miraza Sénitti, qui me suit en restant à une distance qu’elle juge suffisante. Mais j’avais tout prévu. Une simple vérification m’a prouvé que j’avais raison. En prenant à droite, j’entre dans le cœur de la ville où les habitations tiennent encore le choc. C’est au pied des immeubles qu’on peut trouver des personnes intéressantes. Je suis un itinéraire précis, calculé à l’avance et finit par distancer suffisamment Miraza pour qu’elle me perde de vue pendant dix secondes. Il ne me faut pas plus de temps pour donner un coup de volant brusque et entrer dans une ruelle étroite et sombre. Elle continue tout droit et j’attends deux bonnes minutes avant de sortir de ma planque pour continuer tranquillement ma patrouille. J’appuie son un bouton de l’ordinateur de bord et en fait tourner un autre pour trouver la bonne fréquence.
— Sénitti à centrale, je l’ai perdue, demande une localisation, à vous.
— Localisation impossible, désolée Miraza, répond une voix grésillante.
Je souris de satisfaction. Elle me prend pour une débutante en plus ! Je reste sur le même canal et inverse les rôles, la surveillante surveillée. Ça me plait. Vraiment.

Je mets rapidement le cap sur ma destination, au pied d’un immeuble en particulier. Deux hommes viennent de s’y retrouver. Je me gare et descends. Pas le temps d’aller à leur rencontre, une détonation retentit. Le client a tiré sur le dealer. Il prend la fuite en moto. Je remonte dans ma voiture et le prend en chasse. Au tournant de la rue, j’aperçois Miraza Sénitti dans mon rétroviseur. L’autoradio grésille une nouvelle fois.
— Sénitti à centrale, on a un blessé par balle, envoyez-moi des renforts !
— Ils sont en route.
Elle a tout juste le temps de me voir qu’elle remonte aussitôt dans sa voiture pour me suivre. Coriace. Je dois agir vite. Je poursuis le motard et le contourne en changeant de direction pour finalement le coincer dans une voie sans issue. Je colle mon pare-chocs contre sa moto bloquée entre ma voiture et le mur, et sors une arme à la main.
— À terre ! Ordonnai-je.
Forcé, il s’exécute et je lui passe les menottes. Un sourire calculateur se dessine sur mon visage et j’écrase le sien contre le capot.
— Dis-moi où est ta came ! Tonnai-je.
— Va au diable !
Il se tortille pour essayer de se dégager. C’est plus fort que moi, je décolle ses épaules du capot et frappe sa tête contre le métal. Il est juste assez assommé pour que je fouille sa veste et récupère le sachet et l’arme qu’il pensait faire disparaître.
— Je t’avais dit de rester tranquille.

Elle arrive. À son regard de braises, je sais qu’elle va péter un câble. Elle regarde tour à tour la moto couchée par terre, l’homme menotté qui reprend ses esprits et moi, adossée au mur en train de fumer tranquillement une clope.
— C’est vous qui avez fait ça ? Vous êtes cinglée ou quoi ?!
Je lui lance un sourire vainqueur en lui tendant le sachet à moitié plein.
— C’est ce que vous cherchiez, non ? Ou peut-être me suis-je trompée sur la nature de votre « mission », soufflai-je en regardant son badge.
Touchée. Elle semble presque gênée que je sache ce qu’elle fait vraiment. Son travail d’inspectrice certes, mais sans motif légal contre moi.
— Vous auriez dû appeler des renforts et informer le poste de la situation au lieu d’agir seule, rétorque-t-elle, les agents ne sont pas autorisés à agir de la sorte. Il n’y a pas eu de blessé ni de casse matérielle, je vous fais donc un avertissement verbal. Mais la prochaine fois, dit-elle en insistant, ce sera inscrit sur votre dossier.
Elle tourne les talons et part après l’arrivée d’une voiture du S.P.C.P. qui prend en charge l’homme. Ils me félicitent pour l’interpellation et le font embarquer à l’arrière du véhicule. Je les suis jusqu’au poste, le sachet dans ma poche.

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