Chapitre 3, Miraza

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Je claque la porte d’entrée. Il me tient le même discours à chaque fois, ça devient usant. Je me sens de moins en moins chez moi dans cette grande villa, tout le temps propre et rangée, mais si peu vivante. Travailler me changera les idées. Fuir la vie en travaillant à n’en plus pouvoir réfléchir, oui, c’est ce qu’il me faut. Après tout, c’est bien ce qu’il fait lui, pour aller mieux.

Les portes automatiques s’ouvrent devant moi. Je fais un signe de tête à ma collègue de l’accueil. Pour une fois, personne ne traîne devant la machine à café à part une personne assise dont je ne vois que le dos et la veste en cuir. Je passe mon chemin et regagne mon bureau. Je m’assois sur le siège roulant et mets de l’ordre dans mes stylos. La fenêtre donne sur les jardins publics de la ville, cette vue m’a toujours apaisée. Tous les ans, des corbeaux y nichent. Je dois admettre qu’une forme d’attirance pour ces animaux existe depuis toujours en moi, d’aussi loin que je me souvienne, mais je n’ai jamais compris pourquoi. Je soupire et un stylo noir se fraye un chemin jusqu’à mes doigts, je le fais rouler et bats les secondes avec. Elles passent. À chaque coup de stylo, une seconde de vie est perdue et ne pourra jamais être rattrapée. Je souris tristement et secoue la tête pour chasser cet afflux de pensées qui me taraude. Travailler pour ne pas y penser !

J’ouvre le dossier posé devant moi. Mon métier consiste à résoudre les problèmes au sein du S.P.C.P., le Service de Protection et de Contrôle de la Population. Quand un flic ne respecte pas la loi et enfreint les règles associées à sa profession, c’est moi qui me charge de l’enquête. C’est la raison d’être de l’I.G.S., L’inspection Générale des Services.
Je lis la première page du dossier qui porte l’intitulé Agent Spécial. Une nouvelle recrue. Ils ne perdent pas de temps ! Un agent s’est fait descendre la semaine dernière, une infiltration qui s’est mal passée. Je n’en sais pas plus et je crois que très peu de personnes connaissent la vérité. Je tourne la page et découvre toute une série d’informations sur l’individu. Enfin, toute une série… À peine plus de détails que sur une carte d’identité. En revanche, son palmarès est détaillé mais je ne prends pas la peine de le déchiffrer. Une longue liste bien dérisoire que je détaillerai plus tard, me dis-je. Un post-it est collé sur la page suivante : « Rendez-vous à 9h dans mon bureau. » Je soupire et jette un coup d’œil à l’horloge murale. 8h57. Et merde. Je me lève et fonce vers le lieu de rendez-vous.

— Entrez Miraza! Entendis-je à travers la porte.
J’ai frappé deux coups seulement mais mon patron devait se douter que je serais à l’heure et apparemment, il n’attendait que moi. Je pénètre dans la pièce avec méfiance. En général, il ne me faisait jamais venir pour m’annoncer une bonne nouvelle. Pourtant, à mon grand étonnement, je le trouve en pleine conversation, tout sourire, penché au-dessus d’un tas de papiers administratifs. Je reconnais la veste en cuir. Depuis quand on fait entrer des civils ici ? Je ferme la porte derrière moi et ne bouge plus, les bras croisés. Premièrement, on ne partage pas de tels documents avec un civil et ensuite, on ne lui cire pas les pompes comme si c’était un dieu vivant. Je me racle la gorge le plus bruyamment possible.
— Je vais retourner travailler si ça ne vous ennuie pas, lâchai-je au bout de plusieurs secondes perdues à attendre qu’ils ne m’accordent ne serait-ce qu’une petite attention.
Les deux concernés relèvent la tête et me fixent avec incompréhension comme si j’étais un O.V.N.I. tombé du ciel. Je lève les yeux, un début de colère se dessine sur mon visage et je peine à dissimuler ma satisfaction de les laisser ainsi, dans l’embarras.
— Il ne fallait pas me demander de venir si c’était pour me faire perdre mon temps ! ajoutai-je.
— Miraza ! J’aimerais vous présenter notre nouvel agent, April.
Je la détaille des pieds à la tête, je viens seulement de remarquer que c’était une femme. Bof, le seul mot qui me vient en tête.
— Pour commencer, j’aimerais que vous alliez faire un tour de la ville, pour vous familiariser avec l’endroit, dit-il à la nouvelle.
Elle acquiesce d’un signe de tête et sort en frôlant mon épaule. Je frisonne d’effroi en priant pour ne pas avoir à lui expliquer son job. Quand la porte se referme, mon patron observe la nouvelle à travers la fenêtre jusqu’à ce qu’elle ait rejoint sa voiture. Il se penche vers moi.
— J’aimerais que vous la suiviez pendant la patrouille. Je veux être certain d’avoir engagé un agent sérieux.
— En vue de ses états de service, je pense ne pas avoir besoin de la surveiller, soupirai-je
— Justement, son dossier est un peu trop… parfait, si vous voyez ce que je veux dire.
J’ai déjà eu à faire à de faux agents. Il s’agissait en fait de « mafieux », des trafiquants qui intègrent nos réseaux pour détourner les enquêtes. Et je sais qu’ils sont très doués en infiltration. Mais, si elle en fait partie, je finirais par le découvrir et je ne prendrais aucun risque. Certaines organisations sont tellement puissantes qu’elles pourraient s’en prendre au S.P.C.P. et qui sait où ça pourrait nous mener.

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