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Il parvient enfin à l’hôtel, passe discrètement devant le gardien de nuit qui somnole et pénètre dans la chambre. Barbara dort paisiblement, entièrement nue. Elle parait si jeune, si enfantine, si innocente que Gaspard la contemple uniquement pour la beauté paisible qu’elle offre.

Le venin n’est pas encore dilué. Il sait que s’il interroge ses souvenirs, il saura. Immédiatement, il sait ! La première nuit, elle l’avait drogué pour le faire parler. La dose était trop forte et l’avait assommé. C’est vrai qu’il avait dormi immédiatement. Ce venin est prodigieux, car même endormi, il se souvient parfaitement de la suite. Barbara était en colère, contre elle et contre Gaspard qui venait de s’effondrer. D’un coup, son visage était moins plaisant. Elle avait marché dans la chambre, puis haussé les épaules et s’était mise à l’observer. Elle l’avait déshabillé sans délicatesse, connaissant les effets du narcotique. Pour s’amuser, et peut-être l’humilier, elle avait commencé à jouer avec lui. Le somnifère n’avait pas endormi toutes ses fonctions et, sans doute, pour combler un besoin physique ou l’amertume de sa maladresse, elle avait abusé de lui. Surprise du résultat, elle avait recommencé, comme pour se venger ou pour assouvir ses vices, sans qu’il s’en rende compte. La honte d’avoir été réduit à un objet sexuel toute une nuit le submerge, même par la plus belle des femmes. Le regret de ne pas avoir été conscient le rassure, car, maintenant, il se souvient du plaisir ressenti, sans en être responsable. Il n’a pas fauté, se dit-il pour se soulager. Pour une première expérience, même dans ces conditions, cela restait extraordinaire. Gaspard se félicite des effets du venin, car il aurait pu ignorer ce plaisir jusqu’à la fin de sa vie, ce qui aurait été dommage.

Avec ses suprasouvenirs, la jouissance ressentie revient, et surtout surgit l’envie de la vivre consciemment et de façon décuplée avec son état transformé. Il sent que l’effet du poison commence à se dissiper. Il sait que cette aventure se termine, que jamais il ne retrouvera une telle femme. Quand tout sera fini, il sera avec la douce Myriam, sans doute. Elle est mignonne, gentille, mais elle sera une épouse, pas une femme, pas la Femme.

Il se précipite dans la salle de bain, sort de sa poche les tubes et en sélectionne un. Une petite piqure, minuscule, pour le revigorer. Mais le vouloir, c’est pêcher. Il sera alors coupable de fornication. Il va vieillir trop vite. C’est dangereux. Il rebouche le tube, fait un pas, s’arrête, rouvre le tube. Attend. Le referme, recommence. L’animal, énervé, le pique alors qu’il referme le tube, alors qu’il vient de renoncer définitivement à son désir.

Un bonheur immense l’inonde, tandis que le venin le gonfle. Ce n’est pas son choix, juste un accident, une maladresse au pire.

Il rejoint Barbara, réveillée et étonnée de le voir dans sa splendeur. Ignorant la nuit qui va suivre, elle écarte ses dérivatifs pour s’offrir à l’étalon.

Le lendemain matin, Gaspard est dans une forme éblouissante. Il jette un œil sur son smartphone, avant de se rendre compte qu’ils ne sont pas encore inventés. 6 h 56. Il a le temps. La belle Slave gît sur le lit, anéantie, prête à faire vœu définitif de chasteté après une telle plénitude. Jamais plus elle ne pourra être comblée de la sorte, par tous les pores de sa peau. Elle est prête à suivre Gaspard, à renier son pays et la défense des exploités, à devenir son épouse soumise, encore et encore, à tous ses désirs. Elle s’endort, simplement heureuse.

Gaspard la délaisse, car il entend des bruits à l’accueil, trois étages plus bas : sans doute des « collègues » ! Ne cherchant pas à savoir s’ils sont plutôt gentils ou plutôt méchants, il file par l’escalier de service, après avoir pris soin d’accrocher à la porte le panneau Don't disturb. Il s’amuse de son humour avant de revenir aux choses sérieuses. Il a laissé un tube au bouchon rouge sur le lavabo de la salle de bain, devinant le plaisir qu’elle aura à le trouver et la surprise des savants de l’Est.

Parvenu sur le trottoir, il jette un coup d’œil vers l’entrée et devine que seuls les Anglais ne sont pas là. Les autres équipes doivent s’expliquer dans le couloir, incapable qu’il est de discerner leur rattachement. Quand il entend des coups de feu, il décide de ne pas moisir par ici plus longtemps, sans savoir où se diriger. Il se dirige vers le métro. Un seul coup d’œil au plan lui montre que passer par Montparnasse lui évite un changement. Décidément, les pouvoirs du scorpion sont illimités puisqu’ils permettent de se repérer instantanément dans Paris.

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