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Dès leurs pieds posés sur le tarmac, les quatre loustics sont pris en charge et emmenés vers une destination inconnue. Le lendemain, Gaspard et Gaston se retrouvent devant Numéro Un, toujours assis à la même table, toujours avec le même, et unique, dossier. Gaspard n’a pas le temps de s’interroger sur l’occupation de ses journées pendant ces trois mois, que leur recruteur annonce :

— Félicitations, les garçons ! Vous avez eu de très bonnes notes. Votre recrutement a été très bien fait !

Ils se regardent, ignorant avoir été notés, mais certains de n’avoir tué personne et d’avoir fait l’objet d’un recrutement exemplaire.

— J’ai décidé de vous confier la mission la plus difficile et la plus importante aux yeux de notre guide.

Gaspard et Gaston se regardent, fiers de ce qu’on va leur demander.

— Pendant l’occupation française, « ils » ont fait des recherches sur une particularité de notre pays. On ne sait pas s’il s’agit d’une plante, d’un minéral ou d’un animal, mais cela décuple les capacités humaines. Par exemple, un militaire pourrait être actif et vigilant pendant soixante-douze heures d’affilée. Autant vous dire que, vu nos relations avec le pays frère que vous connaissez, ce serait un atout décisif pour notre patrie en cas d’agression ! Il faut que nous récupérions auprès des Français ce qui nous appartient. Et par la même occasion, leur retirer cet avantage. Vous avez compris que le pays grand-frère tient à avoir cet atout dans sa manche plutôt que dans celle des capitalistes malfaisants. Cependant, notre nation est souveraine et nous déciderons en temps et en heure la conduite à tenir.

Gaspard et Gaston hochent la tête montrant leur pleine conscience des enjeux.

— Voilà ! C’est tout. Vous avez six mois. Ah, oui, information : le savant s’appelle Jacob et il travaillait dans le Djerbre. Vous avez des questions ? Rompez ! Premier rapport dans un mois ! Avec des résultats !

Gaston ose :

— Il peut y avoir des frais…

— Et alors ? Vous ferez une note de frais. Mais vous savez que notre jeune nation manque cruellement de ressources, donc ne dépensez rien !

Numéro Un replonge les yeux dans son seul dossier.

Une fois sortis, Gaspard et Gaston se regardent, anéantis. Quelle mission impossible ! Autant rechercher une aiguille dont on ignore tout dans une botte de foin inconnue. Après tout, le Djerbre avec sa vallée centrale et les ramifications des affluents n’est pas plus grand que le département du même nom. Il y va de la grandeur de leur jeune pays et des relations internationales : pas question de partir battus !

À nouveau devant un café, ils réfléchissent, ne sachant comment et par où attaquer le problème. Pour une fois, la Saucisse est muette. Gaspard a un avantage : le Djerbre est son pays ! Même s’il en ignore tout, il connait beaucoup de monde. Enfin, ce qui reste de sa famille et quelques amis.

— Écoute, c’est vaste et on doit ratisser large ! Je te propose qu’on parte chacun dans notre coin pour trouver. On se tient au courant et rendez-vous dans un mois.

Gaston accepte, n’ayant rien à proposer.

— D’autant que tu as vu : il ne nous a proposé aucune aide, aucun moyen… Je ne sais même pas si nous serons payés…

— On verra. On ne va pas quémander alors que tout est à construire !

Gaspard reprend l’autocar. Ce sera l’occasion de revoir ses amis. Ce nom de Jacob le tourmente. Au début de la lutte pour l’indépendance, il était avec son père, qui était un supplétif de la gendarmerie. C’est ce poste qui lui avait permis de financer les études de son fils jusqu’au certificat. Gaspard en avait assez entendu parler, du pourquoi et du comment. Quand il comprit que l’indépendance adviendrait inexorablement, Gaspard, qui s’était engagé comme son père dans les supplétifs, s’était rapproché de la Résistance. Il leur avait fourni des renseignements, ayant accès à tous les opérations et déplacements prévus. Quand les Français avaient suspecté son activité, il avait passé un sale quart d’heure. Le lieutenant responsable des interrogatoires abrupts s’appelait Jacob. Il avait résisté, jouant l’innocent fidèle à son uniforme.

Les méthodes de Jacob devenaient insupportables et il allait craquer, et sans doute disparaitre, quand il avait réussi à s’enfuir, aidé par des camarades supplétifs comme lui. En rejoignant le maquis, il s’était promis de se venger. Il n’avait jamais pu le faire. En plus, la maison de ses parents, avec sa famille dedans, avait été détruite lors d’un bombardement. Il avait rendu Jacob seul responsable de tous ses malheurs. Retrouver ce nom était un signe du destin.

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