2

4 minutes de lecture

Gaspard suit cet individu silencieux dans un dédale de couloirs ponctués de bureaux clos. Impossible de savoir s’il y a du monde qui travaille derrière ces portes.

Au milieu d’un couloir, l’homme frappe à une porte que rien ne distingue des autres. Quand un « Entrez ! » gueulé parvient en retour, il tourne la poignée et annonce :

— Mon colonel, votre rendez-vous !

— Faites-le entrer !

L’homme s’efface et Gaspard pénètre dans une pièce vide, hormis un simple bureau de bois derrière lequel un homme est assis. Incontestablement, le « colonel » ! Il est fort intimidé de croiser un colonel de leur jeune pays.

L’officier reste plongé sur une page étalée sur son sous-main. Sans même regarder Gaspard, il lui fait signe de s’asseoir sur la seule chaise installée devant le bureau. Gaspard pose le bout de ses fesses et attend le bon vouloir de cet homme important qui finit par remettre la feuille dans un épais dossier.

— Bon ! Bienvenue ! Je n’irai pas par quatre chemins. Notre pays se construit et il a besoin de personnes de qualité pour les différentes tâches de cette grandiose entreprise. Il y en a des nobles et des moins nobles, moins visibles, mais beaucoup plus utiles ! Vous voulez faire carrière ou vous voulez vous rendre utile ?

Gaspard hésite un moment. Bien sûr, il veut se rendre utile, mais avoir un peu de gloriole et de reconnaissance en retour lui plairait bien ! Il voudrait en savoir plus.

— Me rendre utile, monsieur ! Mais…

— Silence ! Ne répondez qu’à mes questions ! Et appelez-moi colonel !

— Bien, mon colonel !

— Notre pays est jeune, même pas un an ! Mais il est menacé, ou peut être menacé. Nous devons nous protéger. Vous avez fait l’armée, vous en sortez, c’est bien cela ? Vous avez combattu pour notre indépendance !

Reprendre du service ne tente guère Gaspard. Sauf, peut-être avec un grade plus élevé et, peut-être, les avantages qui iraient avec. Il a surtout envie de se trouver une femme, d’avoir des enfants et un peu de notoriété. Cependant, l’ennui le gagne déjà. Le mieux est d’écouter cet homme, et de décider ensuite.

— Oui, mon colonel.

— Bien ! Nous sommes en train de monter un service de renseignements spécial et nous avons besoin d’agents ! Attention, à partir de ce moment, tout ce qui sera dit ici sera TOP SECRET. Vous savez ce que cela veut dire ?

— Oui, mon colonel.

— Je vous propose d’entrer dans cette équipe et de travailler à la protection de notre pays en allant chercher les informations sensibles à l’étranger.

— Espion ?

— Ce n’est plus le terme de nos jours. Agent de renseignements, cela vous dit ?

— Mais je n’ai aucune expérience ! Je ne sais pas comment on fait !

— Je sais bien ! Nos amis soviétiques, qui nous aident à démarrer, nous ont offert de former une centaine d’agents. Un ami commun a pensé que vous pourriez nous rejoindre. Votre réponse ?

— Maintenant ? Euh, maintenant, mon colonel ?

— Oui, maintenant, vous en savez trop désormais !

Gaspard ne savait comment interpréter cette phrase. Elle pouvait être menaçante, très menaçante… Il avait besoin de réfléchir. Ce n’était pas ce qu’il avait envisagé. Maintenant, il avait lu beaucoup de romans d’espionnage à la caserne et les espions, pardon, les agents de renseignements, étaient des héros capables de choses incroyables, vivant dans le luxe, buvant de l’alcool et couchant avec de belles femmes. Après tout, pourquoi pas, sauf les deux derniers points qu’il savait contraires au dogme de sa religion !

— Je serai fier de rejoindre ce corps d’élite, mon colonel !

— Corps d’élite, corps d’élite… on verra ! Bien ! Bravo. Dorénavant vous serez connu ici sous le code 7. Vous allez partir en Russie dans quelques jours. Vous recevrez vos instructions. Vous appartenez dorénavant au Service d’Observations Spéciales. Vous êtes agent du SOS, et donc le septième recruté. Moi, je suis le premier, donc Numéro Un !

Sa fatuité empreinte de vanité déplut à Gaspard, mais il venait de signer !

— Je peux poser une question, mon colonel ?

— Non ! Mais allez-y…

— Avant de rejoindre l’armée de libération, je lui donnais des informations. Il y avait un service de liaisons et de renseignements : c’est avec eux que je travaillais. C’est donc à ce service que je vais appartenir ?

— Vous n’avez pas besoin de savoir ce genre de choses ! Disons que nous sommes un service très spécial, sur des affaires très spéciales…

— Mais quand même pour servir notre pays et sa construction…

— Bien entendu ! Il n’est pas question de lutter contre ceux qui nous ont donné l’indépendance. Maintenant, vous obéissez aux ordres ! Pas d’autre question !

Ce n’était pas une interrogation. Après tout, Gaspard se dit que reprendre de l’activité est une bonne chose. Il avait adoré défiler sous les hourras, être félicité dans la rue par des inconnus, dans cette période de liesse, et qu’il portait encore l’uniforme. Il fit la moue quand il comprit que c’était l’obscurité qui récompenserait désormais ses exploits. À moins que ce ne soit une geôle obscure où on le ferait disparaitre. Ou pire. Il n’avait pas eu le temps de réfléchir, encore une fois.

— Vous pouvez disposer au lieu de rester planté comme un réverbère. Vous allez recevoir des instructions. Vous partez vendredi. Rompez !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Jérôme Bolt ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0