Tablette Ichaosiem

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Une imperceptible durée s’écoula avant que Guidomex ne se réveille en premier. Meurtrie par le choc, sa tête scruta les alentours pour rapidement distinguer Ashron, Vallia et Haria paisiblement endormis. Mais les autres restaient introuvables.

« Ils vont bientôt nous rejoindre, dit une voix assurée »

Surpris de ne pas être seul, l’eraié scruta la pièce pour remarquer quelqu’un lui faisant face.

« Qui êtes-vous ? demanda-t-il en se relevant.

— Un esgardié qui en sait long sur toi et tes amis. Regarde, ils se réveillent enfin. »

Guidomex suivit le regard de son interlocuteur pour voir Ashron se redresser, rapidement imité par les deux eraiéés.

« Comment vous sentez-vous ? demanda l’esgardié en souriant.

« Ragnarok ? demanda Ashron, impossible.

— Rien n’est impossible.

— Même si je n’ai toujours qu’entendu des mots, je reconnais ce timbre énigmatique. Pourquoi ?

— J’ai enfreint beaucoup de nos règles en te parlant. Mais les choses ont évolué.

— Qu’est ce qui a évolué ? Où sommes-nous ?

— Sur Esgard. Vous avez franchi le pont sidéral nous reliant à Era.

— Le pont ? Quel pont ?

— Vous avez mérité de connaitre notre histoire. Rassemblez-vous au bout du couloir. Tout vous y sera révélé, répondit Ragnarok en se levant pour sortir de la pièce. »

L’esprit embrumé, Ashron resta assis en restant muet. Ses yeux se posèrent sur sa lame, son esprit cherchant à comprendre comment la voix d’un esgardié lui était parvenue par ce morceau d’acier. Vallia posa une douce main sur son épaule afin de le tirer de ses pensées.

La porte de la pièce franchie, une éblouissante lumière vint réduire le diamètre de leur pupille. La stupeur de la clarté passée, Ashron ne fit que quelque pas avant de stopper sa marche. A travers les vitres incurvées servant de mur au couloir cylindrique, une immense citée s’étalait sous leur pieds.

Des immeubles aux courbes marquée, reliant sol et ciel d’une traite, et d’un blanc aussi éclatant que la neige, parsemaient ici et là la forêt urbaine que les quatre compagnons admiraient. Entre eux, de grands cylindres de verre les reliaient, remplis d’eraiés déambulant comme si de rien était. En contrebas, empêchant de voir le sol soutenant tous ces édifices, une luxuriante végétation apportait couleur et fraicheur au paysage citadin.

Soudain, un bruit de réacteur d’amatia fit sursauter Vallia. Ses yeux aperçurent rapidement l’aerliestr en cause qui fusait à proximité de leur couloir. D’une taille supérieure aux leurs, l’engin continua son chemin pour lentement s’amarrer à leur couloir, comme l’aurait fait un drakma à son ponton. Une technologie inconnue des eraiés étaient à l’œuvre.

Le pas lent à admirer les immenses écrans volant dans les airs et diffusant des informations incompréhensibles pour eux, les quatre compagnons approchèrent d’une porte qui s’ouvrit à leur approche. Derrière, ressortant d’un sas relié à l’aerliestr, Sirux, Hellie et Liegor avançaient en posant leurs yeux partout, au point de ne même pas voir leurs amis.

« Mais on est où là ? demanda Sirux dont le regard aperçut enfin sa sœur et ses compagnons.

— Sur Esgard, répondit Ashron en laissant ses yeux de nouveau regarder l’immense forêt urbaine sous leur pied. Quelle que soit l’histoire du mythique continent disparut, son existence doit être envisagée.

— Les réponses vont venir, leur dit Ragnarok en les invita à le suivre. Ne vous en faites pas. »

S’ouvrant automatiquement à leur passage, chaque battant de porte disparaissait dans les murs de verre, comme s’ils fusionnaient pour ne plus faire qu’un. De telles propriétés étaient inconnues des sept harzerezhiés, tout comme ces immeubles reliés au ciel tels des piliers et ces gigantesques écrans flottant dans les airs.

« L’amatia permet beaucoup de chose, expliqua Ragnarok qui avait remarqué les airs interrogatifs de ses invités. Tout comme la Via qui en est à l’origine. »

Soudain, un immeuble immaculé à la propreté irréelle se dressa face à eux. Cet immuable pilier soutenait le ciel et semblait l’empêcher de tomber. De toute part, des cylindres le reliant aux autres édifices permettaient aux esgardiés de circuler.

A l’intérieur, une foisonnante activité y régnait. Habillés de chatoyants habits aux formes épurées et simples, les esgardiés vaquaient à des distractions diverses. Certains dansaient, tandis que d’autres sirotaient un verre ou discutaient le sourire aux lèvres.

« Nous sommes à l’Ostraldar. Un des lieux de fêtes les plus réputé d’Esgard, expliqua Ragnarok. Suivez-moi »

Dans un coin de l’endroit, caché derrière des panneaux de cristal transparents, des fauteuils et canapés les attendaient. Chacun pris place, puis les panneaux se voilèrent pour les rendre invisibles à la foule qui s’amusait, tout comme le son de leur voix.

« Commençons par les présentations, je me nomme Belenok Atriokatek.

— Belenok ? Mais qui est Ragnarok alors? demanda Vallia surprise.

— C’est une assez longue histoire, répondit Belenok en croisant les bras. Tout commença il y a deux cent heoles alors que vos peuples n’exploitaient pas encore l’amatia. Nous prospérions sur le quatrième continent d’Era, Esgard, situé à l’ira d’Aliard grâce à notre technologie très avancée d’amatia. Era n’avait plus de secret pour nous.

— Comment un continent entier a pu passer inaperçu ? demanda Vallia qui peinait à croire que ses pieds foulaient Esgard.

— A part en de rares occasions involontaires, nous ne sommes jamais entrés en contact avec vos peuples respectifs. Et vos ancêtres ne quittèrent leur continent pour la première fois que bien après notre disparition.

— Pourquoi n’avoir jamais établis de contact ? demanda Hellie qui était déjà absorbée par le récit.

— Nous sommes un peuple guidé par le savoir et la science. Nous croyons fermement en l’apprentissage par soi-même, nécessaire à une saine évolution. Interférer dans votre développement aurait été contraire à nos croyances.

— Que vous est-il arrivé ? demanda directement Ashron.

— Nous avions une grande connaissance des origines d’Era et savions qu’elle était née de la mort d’une autre planète, sans comprendre par quel phénomène. Malgré nos recherches pour découvrir la vérité, jamais nous ne réussîmes à percer ce mystère. Jusqu’au jour où nous découvrîmes la Via et sommes entrés en contact avec les Axems.

— Vous connaissiez leur existence ?

— Oui et nous avons beaucoup appris d’eux. Ils nous expliquèrent avoir vécus durant des millions d’heoles sur une planète nommée Are, bien avant la naissance d’Era. Ils prospérèrent à un niveau de connaissances bien au-delà du notre et leur savoir sur la Via, ainsi que sur les astralians et abyssiens la composant, étaient très avancées.

— Les notions de forces devant être en parfait équilibre, précisa Ashron qui se souvint des dires de Skyva.

— Tout à fait. Là où elles sont en équilibre, la Via est. Là où elles sont en déséquilibre, l’absence de Via est. Et là où elles ne sont pas, l’Ichaosiem est, engloutissant tout ce qui existe dans un tout qui n’est rien, par un cycle de création et destruction perpétuel.

— Mais ça n’arrivera jamais hein ? demanda Sirux inquiet que l’Ichaosiem ne vienne un jour réduire à néant Era. La Via existe partout ?

— C’est ce que pensaient les Axems. Ils étaient persuadés de pouvoir contrôler ces notions de forces pour les utiliser à leur avantage. Ils commencèrent à les exploiter et à les manipuler pour les façonner selon leur besoin. Mais leurs actions provoquèrent des avels-drions qui précipitèrent leur monde dans un Ichaosiem.

— Qu’est-ce qu’un avels-drions ? interrogea Haria qui peinait à suivre.

— Un lieu sans astralians, ni abyssiens, et uniquement composé d’Ichaosiem. Seuls un tourbillon de forces y est visible, entremêlé de réminiscences de Via azurées. Lorsqu’ils sont trop nombreux, le cycle se disloque et disparait avec la planète qu’il forme. C’est ce qui est arrivé à Are. Mais grâce à leur savoir, les Axems réussirent à survivre dans un autre lieu d’existence, l’ArvIlIA En dEn, là où les astralians et abyssiens sont en déséquilibre constant et donc, sans Via ni cycle pour former un lieu où vivre. Cet endroit diffère grandement du trErvIlIA En dEn, là où nous existons comme êtres pensants et où les planètes se forment par un cycle de la Via.

— Comment Era a-t-elle pu naître de la fin d’une autre planète? questionna Ashron qui voulait comprendre le fonctionnement du cycle.

— Dans le trErvIlIA En dEn, les astralians et abyssiens s’équilibrent pour former la Via, qui peut s’organiser en un cycle et créer une planète avec tout ce qui se trouve et vit dessus. C’est le cycle de la Via. L’Ichaosiem est l’exact opposé de la Via et marque la fin d’un cycle en l’annihilant. Mais rien n’est éternel, pas même l’Ichaosiem, et lorsqu’il s’estompe après avoir engloutit, un nouveau cycle peut naître des réminiscences de l’ancien. C’est comme ça qu’Era s’est formée, grâce au souvenir perdu du cycle d’Are que le TrEvIllIA En dEn a intrinsèquement conservé. répondit Belenok qui, voyant son auditoire un peu perdue, marqua une pause. »

L’incompréhension qu’il lisait dans les yeux des eraiés lui rappela ces jeunes esgardiés assistant à ses enseignements. Leurs connaissances limitées nuisaient à leur compréhension de l’univers des astralians et abyssiens.

« Bien que différent d’un point de vue spatio-temporel, le cycle d’Era a vu le jour à la fin du cycle d’Are, après la stabilisation de l’Ichaosiem. Et dans ce nouveau cycle naquit Era, sa faune, sa flore, son propre mode de fonctionnement et nous, les eraiés. Quant aux Axems, bien que normalement condamnés à la disparition, leur salut dans l’ArvIlIA En dEn se révéla être un piège dont ils ne purent s’extirper. Jamais ils ne revinrent dans le trErvIlIA En dEn. Privée de Via, leurs esprits s’effritèrent pendant toute notre évolution.

— Je ne comprends rien… coupa Liegor dont les yeux laissait transparaître l’énervement.

— Era et nous sommes nés du cycle de la Via d’Era, qui lui-même est né de la destruction du cycle de la Via d’Are et de l’existence des Axems dans le TrEvIllIA En dEn. Ils sont un peu comme nos ancêtres si vous voulez, essaya grossièrement de simplifier Belenok.

— Mais pourquoi s’en prennent-ils à nous ? demanda Ashron.

— La privation de Via les a rendus fous. Certains considèrent que c’est la faute des eraiés si Are a disparu. D’autres n’ont de cesse de revenir dans le trEvIllIA En dEn pour recouvrer les sensations liées à la Via. Quel que soit les raisons, ils nous vouent une haine farouche, répondit Belenok en baissant la tête. Et nous nous en sommes rendu compte bien après notre premier contact avec eux. Ils nous ont utilisé pour reprendre ce qu’ils considéraient comme leur appartenant : Notre Via.

— Nous savions qu’ils en avaient après notre Via. Mais comment nous la prendre ? Et pour en faire quoi ?

— Ils sont persuadés que collecter notre Via leur permettra de revenir dans le TrEvIllIA En dEn. Et c’est pourquoi ils provoquèrent, par notre intermédiaire, un nouveau déséquilibre de forces qui engendra un Avels-drions sur Esgard. Mais avant d’être englouti, nous nous sommes échappés dans le vide sidéral au-dessus d’Era pour nous en éloigner. Quelques milliers d’entre nous ont survécus et nous avons pu continuer à vivre, exilés d’Era et cachés des Axems.

— Alors un avels-drions peut ne pas dégénérer en Ichaosiem ?

— Il y a encore beaucoup de chose que nous ignorons sur les cycles de la Via et sur l’Ichaosiem. Peut-être qu’Era a pu compenser le manque de forces, peut être que l’avels-drions était trop faible, nous ne savons pas…»

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