Tablette Bellora

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L’irradiant Heolar surplombait maintenant la Cité des Cieux. La solitude comme seule compagne, Ashron quitta son bureau pour se restaurer. Passant par le majestueux corridor, large de plusieurs piecs et haut de xié, il se dirigea vers la porte principale de son apalez. Les ornements composant son chemin représentaient des eraiés et des eraiéés festoyant lors de grandes tablées, ou guerroyant pour des causes futiles selon l’Exetra Prime.

Certaines fresques dataient de l’unification des cités préamatiennes d’Aliard, marquant la fin de l’heole ayant précédé la découverte de l’amatia. D’autres illustraient la grande guerre d’Alaris, et la liberté acquise suite au triomphe sanglant d’Adrais.

Ashron esquissa un sourire ironique en fixant cette cohue d’eraiés ignorants. L’illusion de cette liberté si chèrement acquise l’amusait car seuls les axiomes en étaient le gage. Tous le savaient maintenant.

Sur la place jouxtant l’apalez, une estemm attira son attention. Noyé au milieu des nombreuses autres qui foisonnaient d’activité, cette derrière semblait proposer des mets à son goût. Seules les estemms permettaient de commercer avec l’eskemman maintenant, le précédent système ayant été dissous par la Komunozhra. Ces dernières se spécialisaient dans un domaine précis: habits, armes, nourriture... Un eraié y recevait équitablement un objet en échange d'un autre. Seuls les exetras pouvaient prendre possession de tout sans contrepartie.

Son repas prêt, Ashron s’éloigna de l’estemm et ses pas le menèrent vers un petit parc à l’opposé de la place. En s’en approchant, le regard des eraiés qui déambulaient croisait parfois le sien. L’échange ne durait qu’un court instant, avant de le reconnaitre et de détourner leurs yeux. Si habituel, pensa-t-il en haussant les épaules.

Ashron trouva rapidement un banc pour s’y installer. Ce dernier longeait une large allée de graviers bordée par une herbe fraichement coupée. Au fond, un espace composé d’arbres alignés avec précision par la main eraiéé la terminait.

Tout à coup, une silhouette s’immobilisa devant lui. S’étant détournée de son espiègle occupation, une jeune eraiéé d’uié-demi piec de haut le toisait. Impressionnée par la lame adossée au banc, elle voulait savoir.

« Acec’. »

Ashron resta muet et continua de manger.

« Acec’! »

L’Exetra Prime voulait manger tranquille.

« Pourquoi tu réponds pas ? »

— Laisse-moi, se décida-t-il à répondre pour avoir la paix.

— Tu l’as eu où ta lame ?

— Retourne jouer.

— T’es pas gentil ! Pourquoi tu réponds pas ? »

Mais Ashron retrouva son mutisme.

« Edroch ! »

L’insulte assenée, l’enfant s’en retourna jouer. Mais sa mère, arrivée au moment où le juron avait fusée, avait reconnu l’Exetra Prime. Horrifiée, elle se précipita pour l’implorer.

« Pardonnez mon enfant ! Elle est si jeune, je vous en supplie ! »

Les sanglots de l’eraiéé gênaient Ashron qui désirait juste sa solitude habituelle.

« J’ai ce que je voulais, elle est partie, lui dit-il d’une voix calme. Alors faites-en de même. »

Sans demander son reste, la mère se retourna chercher son enfant. Quel comportement bizarre songea Ashron en la regardant partir avec la petite dans les bras.

Soudain, il comprit.

C’était lui qui agissait étrangement car la petite devait être arrêtée, un purgat étant nécessaire. L’axiome dié venait d’être enfreint.

« Rattrape-la ! » résonna la voix dans sa tête.

D’un bond, Ashron s’élança à la suite des dié eraiéés. Mais son regard perçant ne trouva rien. Elles avaient disparu au coin de la rue, il était trop tard.

Sans d’autres moyens pour les retrouver, l’Exetra Prime tourna les talons et rentra à l’apalez. Sur le chemin, son esprit resta préoccupé : Pourquoi avait-il tardé à faire respecter l’axiome ? Durant un court instant, il n’était qu’une règle futile et sans fondement. Cette pensée le rendit mal à l’aise.

De retour dans son bureau, Ashron reprit son fastidieux travail pour oublier ses doutes. Soudain, son apelligomzi l’interrompit.

« Oui ? dit-il en le saisissant

— Memac’htiern, nous sommes appelés en urgence dans le district ara d’Adrais.

— Quelle urgence nécessite ma présence ?

— L’Harzerezh ! »

A l’évocation de ce mot, Ashron glissa un rapide « j’arrive » et posa bruyamment l’apelligomzi sur son bureau. Sa chaise se renversa en arrière lorsqu’il se leva en empoignant Ragnarok à côté de lui. Le bruit de ses pas pressés résonna dans le hall où la jeune exetra, Bellora, l’attendait accompagnée des deux derniers appelés, Jergo et Nox. Tous se raidirent à son arrivé, le saluèrent avec respect et entonnèrent en même temps :

« Memac’htiern ! »

— Aucun survivant ne sera toléré ! » leur répondit-il sans même les regarder.

Le farouche combat mené contre l’Harzerezh expliquait sa réaction. Ce fut durant l’Exetranen que ce groupe armé se dressa face à la Komunozhra. D’après le peu de renseignement détenu par Ashron, des eraiés et eraiéés avaient formé leur propre Harzerezh sur chaque continent, complexifiant son éradication.

Au début marginal, l’Harzerezh attira l’attention de la Komunozhra lors de la destruction des purgatorés adraisés, faisant ainsi évader des milliers d’eraiés promis à une mort méritée. Depuis, l’ordre était clair : Tout membre de l’Harzerezh était immédiatement tué à vue, sans sommation.

L’Exetra Prime invita Bellora à le mettre au courant de la situation:

« Nous avons découvert des galeries suspectes dans le sous-sol d’une habitation de purgés. Il se peut qu’elles mènent à des campements de l’Harzerezh.

— Où se trouve-t-elle ?

— Dans la zone eskemman du district ara, proche de la pennilizi’hec.

— Allons-y ! » ordonna Ashron sans chercher à en savoir plus.

Les krié exetras sortirent de l’apalez pour rejoindre l’aerliestr, l’engin personnel propulsé à l’amatia préféré des exetras. À son bord, la voix du pilote raisonna dans l’habitacle.

« Alors ma belle, où allons-nous? »

Bellora se précipita pour saisir l’apelligomzi près de la portière :

« Calme-toi un peu, je ne suis pas seule.

— Tes acolytes sont choqués? » renchérit le conducteur, visiblement amusé par sa réaction.

Ashron arracha l’appareil des mains de l’exetra.

« Cessez de faire l’idiot et emmenez-nous à la pennilizi’hec du district ara.

— Oui Memac’htiern! Tout de suite Memac’htiern! » balbutia le conducteur qui avait reconnu la voix.

L’Exetra Prime reposa le combiné et retourna s’assoir. Le pilote fit rapidement cracher les propulseurs d’amatia et les exetras sentirent l’engin se soulever grâce au champ de forces le faisant léviter. Puis il démarra rapidement pour se diriger vers le district ara d’Adrais.

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